Infectiologie

Coronavirus : signaux positifs sur le remdésivir chez les malades Covid-19

Un essai randomisé américain, sur plus de 1000 malades, serait très prometteur et le remdesivir pourrait devenir un standard de traitement. Un autre essai randomisé chinois publié avec le remdésivir suggère que cet antiviral n’apporte pas de bénéfices significatifs dans les formes tardives et sévères de la Covid-19.

  • selvanegra/istock
  • 30 Avr 2020
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    Chez 237 malades hospitalisés souffrant de formes sévères de la Covid-19, le remdésivir n'accélère pas significativement la guérison et ne réduit pas le nombre des décès par rapport au placebo, selon le premier essai randomisé réalisé à Wuhan, interrompu prématurément, et publié dans The Lancet.

    L'étude a été interrompue prématurément en raison de la difficulté à recruter des malades avec la fin de l'épidémie dans ce pays, de sorte que l’efficacité du remdésivir reste incertaine dans cet essai, même s'il y a des signaux positifs, en particuliers chez les malades qui ont été traités avant 10 jours.

    Mais un autre essai randomisé américain sur 4 fois plus de malades (n = 1063), évoqué lors d'un briefing à la Maison Blanche par le Pr Anthony Fauci, serait positif. On ne connaît pas encore les détails de ce dernier essai si ce n'est qu'il aurait aidé des malades hospitalisés à se rétablir 31% plus rapidement (médiane de 11 jours versus 15 ; p<0.001) et que le remdésivir bloquerait la réplication du virus.

    Bénéfice potentiel du traitement précoce

    Dans l'essai randomisé chinois du Lancet, bien que l’analyse ne soit pas statistiquement significative, l’évaluation d’un critère secondaire prédéfini montre que le délai d'amélioration clinique et la durée de la ventilation invasive (intubation) sont plus courts si les malades sont traitées dans les 10 jours suivant l'apparition des symptômes (remdésivir par rapport aux soins standard).

    L'interprétation de ces résultats est limitée du fait de l’interruption prématurée de l’étude, en raison du recrutement insuffisant de patients avec le contrôle de l’épidémie, mais cela semblerait indiquer qu'il faudrait traiter les malades avec un antiviral avant le 10ème jour, délai à partir duquel peut survenir un virage inflammatoire de la maladie avec survenue d'une maladie à la fois virale et inflammatoire et une endothélite systémique qui complexifie la physiopathologie et le traitement (traitement à la fois antiviral et anti-inflammatoire ?).

    Une étude randomisée interrompue

    L'étude du Lancet est la seule qui soit publiée et pour laquelle nous avons tous les détails. Elle a recruté 237 adultes hospitalisés pour une infection Covid-19, confirmée par PCR. Pour être admissibles, les malades devaient participer à l'étude dans les 12 jours suivant l'apparition des symptômes, avoir une pneumonie confirmée à l'imagerie et une saturation en oxygène de 94% ou moins.

    Les participants ont été randomisés entre : des perfusions quotidiennes de remdésivir (158 patients), avec 200 mg le premier jour, puis 100 mg du deuxième au dixième jour, ou un placebo (79 patients) pendant 10 jours. Lors de l'essai, tous les malades ont reçu les soins usuels, notamment du lopinavir-ritonavir, de l’interférons et des corticostéroïdes.

    Le critère principal était le temps nécessaire à l'amélioration clinique sur 28 jours en utilisant une échelle de six points de l'état clinique allant de la sortie de l'hôpital (score = 1) au décès (score = 6). L'amélioration clinique a été définie comme une amélioration d'au moins deux points par rapport au statut d'admission du patient.

    Possible amélioration dans le groupe traitement précoce

    Aucune différence statistiquement significative n’est apparente entre les groupes en ce qui concerne le délai d'amélioration clinique (délai moyen de 21 jours pour le groupe remdésivir contre 23 jours pour le groupe placebo).

    Dans une analyse planifiée sur un critère secondaire chez les malades qui ont pu être traités dans les 10 jours suivant le début des symptômes, ceux qui ont reçu le remdésivir s’améliorent plus rapidement que dans le groupe placebo : délai moyen avant l'amélioration clinique de 18 jours contre 23 jours (non significatif mais les effectifs sont insuffisants).

    Le décès dans les 28 jours suivant la randomisation est similaire entre les groupes, avec 14% (22/158) des patients décédés dans le groupe remdésivir contre 13% (10/78) dans le groupe placebo. Cependant, en ce qui concerne les malades traités par le remdésivir dans les 10 jours suivant le début de la maladie, la mortalité serait plus faible : 11% de décès (8/71) dans le groupe remdésivir contre 15% (7/47) pour le groupe placebo.

    Autres bénéfices potentiels

    En ce qui concerne les autres critères secondaires, la durée de la ventilation mécanique invasive, est plus courte chez les malades du groupe remdésivir que chez ceux du groupe placebo (7 jours en moyenne contre 15,5 jours ; NS).

    Aucune différence significative n’est cependant objectivée entre les groupes en ce qui concerne : la durée de l'assistance en oxygène, la durée du séjour à l'hôpital ou le délai avant la sortie ou le décès.

    Cependant, et contrairement à l'étude américaine, dans l'étude du Lancet, le traitement par le remdésivir ne réduirait pas significativement la charge virale (quantité de SARS-CoV-2 dans l'organisme), ni la détection du virus dans les voies respiratoires supérieures ou inférieures.

    Tolérance validée sur quelques centaines de malades

    La tolérance est une question importante pour une molécule qui n'a pas encore d'AMM, sachant que nous avaons déjà quelques données non contrôlées. Globalement, il n'y a pas de différence entre les groupes concernant le nombre des événements indésirables : 65% des patients (102/155) dans le groupe remdésivir contre 64% (50/78) dans le groupe placebo.

    La proportion globale d'événements indésirables graves est plus faible chez les patients ayant reçu le remdésivir que chez ceux du groupe placebo : 18% (28/155) contre 26% (20/78).

    Cependant, un plus grand nombre de malades du groupe remdésivir ont abandonné leur traitement en raison d'événements indésirables, notamment des problèmes gastro-intestinaux (nausées, vomissements) avec quelques anomalies des transaminases.

    Analogue des inhibiteurs nucléotidiques des ARN polymérases

    Le remdésivir est un antiviral qui a été développé à l'origine contre le virus Ebola. C’est une prodrogue et un analogue des inhibiteurs nucléotidiques des ARN polymérases, l’enzyme essentielle à la réplication du SARS-CoV-2, virus contre lequel le remdésivir a démontré une activité in vitro.

    Il a été démontré que le remdésivir a une activité dans d'autres infections à coronavirus comme le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) et contre le SARS-CoV-2 dans des études sur les animaux.

    Des études observationnelles ont également fait état d'un bénéfice du remdésivir chez certains patients gravement malades de la Covid-19, mais il n'y avait pas eu d'essais randomisé. Un étude semble avoir précisé les doses et une durée de traitement de 5 jours serait suffisante.

    Etude américaine positive

    Le remdésivir n'avait été évalué jusqu’à présent que chez des patients Covid+ dans le cadre d’un essai compassionnel. L'autre essai randomisé, parrainé par le NIH et l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses aux Etats-Unis, est terminé et serait positif. Il a recruté 1 063 malades hospitalisés pour une Covid-19 avérée, avec nécessité d'un apport en oxygène, qui ont reçu du remdésivir ou un placebo (même protocole que celui du Lancet). Le temps de guérison a été en moyenne de 11 jours pour le groupe remdésivir, contre 15 jours pour le groupe placebo (soit une réduction significative de 31% ; p<0.001).

    Il n’y a pas encore de publication, mais lors d'un briefing à la Maison Blanche, le Pr Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, a déclaré que cet essai avait montré que le remdésivir pouvait accélérer la guérison chez les malades infectés par le coronavirus. L'amélioration du temps de guérison « ne semble pas être un KO à 100% », a concédé le Pr Fauci. « Il y a, par ailleurs, moins de décès dans le groupe remdésivir, mais le résultat n'a pas atteint la signification statistique » (8% versus 11,6%, soit -31% ; p=0.059), a déclaré le Dr Fauci, mais « le remdésivir devrait devenir un standard du traitement de la Covid-19 ».

    Le problème des études pendant les pandémies

    L'étude du Lancet est randomisée, en double aveugle, versus placebo sur des malades sévères, mais arrêtée prématurément. L’absence de différence statistique dans un essai peu puissant ne signifie pas qu'il n'y a pas de bénéfice. En particulier, celui-ci est probable chez les malades moins sévères et ceux qui ont été traités plus tôt dans le cours évolutif de leur maladie, et surtout avant le virage inflammatoire qui se produirait entre le 7ème et le 10ème jour (orage cytokinique). C'est en effet cet orage cytokinique qui transforme cette pneumonie virale en maladie à la fois virale et inflammatoire avec endothélite systémique et troubles de la coagulation.

    Cet essai du Lancet souligne les difficultés que pose la réalisation d'études de qualité en période de pandémie. C'est un défi dans ce contexte, mais il faut résister à la tentation d'abaisser le niveau de preuves, car l'adoption de stratégies de traitement inefficaces et potentiellement dangereuses ne risque que de nuire aux malades, tout en rendant encore plus difficile la mise en route des essais indispensables. Il faut remercier le National Institute of Health américain et le laboratoire Gilead qui semblent avoir mené un essai de qualité contre Trump et la pression du public. Les résultats ont conduit la FDA, l'agence américaine de santé, a lancer une approbation du médicament en urgence.

    On espère que cette molécule sera également rapidement disponible en Europe et en France et que notre administration délivrera les ATU indispensables, sachant que le laboratoire Gilead fourni la molécule gratuitement en ce moment. D'autres études sont en cours sur des formes plus précoces et moins sévères de la Covid-19. Pour les formes sévères, probablement virales et inflammatoires, il faudra sans doute tester l'association remdésivir associé au tocilizumab, par exemple.

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    JDF