Santé publique
Un donneur de sperme a transmis un risque de cancer chez près de 200 enfants européens.
Un serial killer innocent porteur d’une mutation génétique rare est à l’origine de la diffusion du syndrome de Li-Fraumeni. Il avait donné son sperme à la Banque européenne du sperme au Danemark.
- 3dMediSphere/iStock
Les nombreux tests de dépistage n’ont pu écarter le risque. Alors que son sperme serait à l’origine de la naissance de 197 enfants en Europe, certains d’entre eux seraient déjà décédés d’un cancer lié au syndrome de Li-Fraumeni. L’affaire a été révélé le 10 décembre par un consortium de 14 médias européens. Le sperme donné à la banque européenne du sperme au Danemark étai vendu dans un second temps aux femmes qui souhaitaient bénéficier d’une insémination artificielle. Cette pratique est bien sûr interdite en France
Le don de sperme a débuté au Danemark en 2005. Le sperme a ensuite été distribué dans au moins une douzaine de pays pendant environ 17 ans. L’homme à l’origine de l’affaire ne présente pas d'affection particulière. Mais certaines de ses cellules présentaient une mutation germinale du gène TP53 qui dans la version saine agit normalement comme un gardien du génome. il aide à réparer l’ADN ou à éliminer les cellules anormales. Dans le cas pathologique (perte de la fonction de la protéine p53), survient le syndrome de Li-Fraumeni. C’est une maladie génétique rare qui prédispose fortement au développement de nombreux types de cancers dès l’enfance ou l’âge adulte. A ce jour, les tests de dépistage des donneurs ne recherchent généralement pas ce type de mutations rares.
90% de risque de développer un cancer
Concernant le donneur, les cellules somatiques ne présentent pas la mutation. Mais jusqu'à 20 % des spermatozoïdes qu'il produit en sont porteurs. Tout enfant né d'un spermatozoïde porteur de la mutation en hériterait dans toutes ses cellules. Ce qui génère la survenue du syndrome de Li-Fraumeni. Les personnes atteintes par ce syndrome ont environ 90 % de risques de développer au moins un canceravant l'âge de 60 ans. Et la moitié d'entre elles développent un cancer avant l'âge de 40 ans. De nombreux cancers se développent durant l'enfance.
En pratique le syndrome de Li-Fraumeni peut être à l’origine de sarcomes des os ou des tissus mous avant 45 ans, de cancer du sein souvent avant 30 ans, de tumeurs cérébrales, de leucémies, de carcinomes du cortex surrénalien.
La transmission repose sur un mode autosomique dominant. Une seule copie du gène muté suffit. Un parent porteur a 50 % de risque de transmettre la mutation à son enfant. Le test génétique recherche une mutation du gène TP53. Il peut être prescrit en cas d’antécédents familiaux de cancers notamment précoces et multiples.
Envisager une mastectomie prophylactique
Une surveillance en cas de confirmation de diagnostic est recommandée. Elle associe des IRM régulières (corps entier et cérébrale) en générale une fois par an, une surveillance du sein dès l’adolescence avec la prescription d’une IRM mammaire annuelle, des bilans biologiques et un suivi dans des centres spécialisés en oncologie pédiatrique. Des échographies abdominales seront réalisées tous les trois-quatre mois chez l’enfant. Un bilan dermatologique annuel, sera également programmé. Une mastectomie bilatérale prophylactique des 20-25 ans peut être envisagée. Enfin, la radiothérapie, la pratique de scanners seront limités au strict minimum.
A la lumière de cette tragique affaire, faudra-t-il demain associer aux différents dépistages déjà réalisés un séquençage génétique élargi à tous les donneurs avec l’étude de gènes à fort impact comme TPS3 et BRCA1 et 2 ?
A ce jour les 33 CECOS français ne réalisent pas de manière systématique ce type de test. En revanche, le nombre de naissances limité à dix pour chaque don est strictement encadré dansl’Hexagone. Pour éviter les dépassements et suivre le quota des naissances, des registres centralisés ont été mis en place qui comptabilisent les naissances issues de chaque donneur. La règle est encore plus stricte en Belgique avec six naissances autorisées.
Au-delà du scandale qui agite l'Europe, il y a,à l'évidence matière à réflexion pour un débat en France.











