Neurologie
Déclin cognitif : le PET-scan Aβ/tau prédirait la maladie d’Alzheimer
Dans une analyse de cohortes internationales (plus de 6 500 personnes), la tomographie par émission de positons au flortaucipir F18 révèle la présence d’enchevêtrements de protéine tau avant l’apparition des symptômes de la maladie d’Alzheimer et identifie les personnes à haut risque d’évolution rapide. Le couple Aβ+/tau+ s’impose comme signal d’alarme.

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Les conséquences cliniques précises de la positivité à l'Aβ en PET scan aux stades précoces de la maladie d’Alzheimer restent incertaines, car la positivité à l'Aβ peut survenir chez des personnes âgées asymptomatiques qui n’auront aucun symptôme tout au long de leur vie. La dissociation entre charge amyloïde et déclin cognitif a donc relancé l’intérêt pour les neurofibrilles tau, mieux corrélées à la neurodégénérescence.
Publiée dans le JAMA, cette étude observationnelle, agrégeant 6 514 personnes issues de 21 cohortes (13 pays, 2013-2024), applique à grande échelle la lecture visuelle du PET-scan au flortaucipir F18, un marqueur tau approuvé par la FDA/EMA, et indicatrice des stades de Braak V-VI. La classification de Braak est un cadre neuropathologique qui décrit la progression spatiale de la pathologie des enchevêtrements neurofibrillaires tau dans la maladie d’Alzheimer.
Parmi 3 487 volontaires cognitivement indemnes (âge moyen : 67 ans), 9,8% sont tau-positifs, et 92 % d’entre eux cumulent une positivité Aβ. Ce double marquage confère un risque absolu de conversion vers un trouble cognitif léger (MCI) ou une démence de 57% à 5 ans (HR 8,4 ; IC à 95 % 5,7-12,3), contre 17 % pour les Aβ+/tau− et 6 % pour les doubles négatifs. Chez 1 253 patients MCI, le profil Aβ+/tau+ élève la probabilité de démence à 70 % (HR 3,1).
Une courbe exponentielle en fonction de l’âge et de la sévérité clinique
L’analyse d’âge montre une courbe exponentielle : < 1% de tau+ avant 50 ans, 3% à 60 ans, 8% à 70 ans, 19% à 90 ans chez les personnes indemnes. La fréquence grimpe avec la sévérité clinique : 43 % chez les MCI, 79 % chez les démences Alzheimer à 75 ans. Les femmes symptomatiques (+ 6 points) et les porteurs APOE ε4 (+ 9 points) sont plus souvent tau+.
Dans les démences non-AD (démences à corps de Levy, bvFTD, CBS, PPA), 10-30 % des patients cumulent Aβ et tau, suggérant une pathologénie mixte. La positivité tau isolée (Aβ−/tau+) reste marginale (< 5 %), évoquant des formes tangle-dominantes, fixations hors-cible ou faux positifs. Aucun signal de tolérance spécifique n’a été observé (EI < 0,2 %), la contrainte principale demeurant l’irradiation modérée (~ 9 mSv) et le coût.
Une étude sur des données académiques avec relecture centralisée
Les données proviennent d’un échantillon de convenance de centres mémoire académiques, avec suivi médian 1,5-4 ans (jusqu’à 7 ans). Les scanners harmonisés et relus par des experts limitent l’hétérogénéité inter-site (variance < 4 %), mais la faible proportion de > 90 ans, de sujets non caucasiens et d’Aβ−/tau+ réduit la représentativité. L’intégration de la mortalité US 2019 pour estimer les risques absolus peut biaiser l’extrapolation à d’autres contextes.
Selon les auteurs, un PET-scan tau positif chez une personne Aβ+ confirme la dominance d’une pathologie Alzheimer et justifie une stratégie proactive : initiation précoce d’anti-amyloïdes, inclusion dans les essais anti-tau, surveillance clinique rapprochée et conseils de conduite hygiéno-diététique. Chez l’asymptomatique double-positif, un suivi proactif (programme d’activité multimodale, contrôle des facteurs vasculaires, éventuelle thérapie préventive) s’impose. Les recherches futures viseront à valider les traceurs de 2ᵉ génération, décrypter le profil Aβ−/tau+, analyser les modulations génotype-sexe et évaluer le coût-efficacité d’un dépistage populationnel par tau-PET.