Pneumologie

E-cigarette chez les jeunes, attention !

 Les effets respiratoires de la cigarette électronique chez les adolescents existent et ne sont pas anodins, et sont sous-tendus par les expositions conjointes au tabagisme classique et à la consommation de cannabis.  Ces données devraient suffire à mettre en place le principe de précaution. D’après un entretien avec Rachel NADIF.

  • 08 Fév 2024
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    Une étude, accompagnée de son éditorial, publiés en janvier 2024 dans Thorax, a cherché à évaluer les effets sur la santé respiratoire de la cigarette électronique chez les jeunes, en recueillant les expositions conjointes au tabac et au cannabis. Pour cela, les auteurs ont inclus 2097 sujets, âgés en moyenne de 17 ans, et ont observé au cours de quatre vagues successives, de 2014 à 2018, les associations transversales et longitudinales entre les symptômes respiratoires et la e-cigarette, tout en contrôlant avec les expositions actives et passives au tabac, et au cannabis. Les critères tels que le sexe, l’âge, la race, la présence d’asthme ou encore l’éducation ont été pris en compte pour établir le lien le plus précis possible entre la consommation de e-cigarette et les symptômes respiratoires comme les symptômes bronchiques, les sifflements ou l’essoufflement. Les auteurs ont également réalisé des analyses de sensibilité et pris en compte les perdus de vue, ainsi que l’influence de l’asthme.

     

    Jusque-là, peu de travaux sur le sujet

    Rachel NADIF chargée de recherche INSERM et responsable de l’équipe d’Epidémiologie Respiratoire Intégrative au CESP, à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif, auteure de l’éditorial, explique que ce travail représente l’une des rares études, si ce n’est la seule, qui soit à la fois transversale et longitudinale, s’intéressant aux effets respiratoires de la cigarette électronique chez les adolescents, tout en prenant en compte les consommations conjointes de cigarettes et de cannabis. Elle rappelle que, bien que l’on sache déjà que le tabac provoque une obstruction bronchique et a un impact sur la fonction ventilatoire des adolescents, il n’existait pas de travaux bien menés sur l’effet de la e-cigarette chez les adolescents. Celle-ci s’est très vite imposée, comme alternative au tabac et jouit d’une grande popularité. Cet outil, qui servirait au sevrage tabagique, a été présenté comme étant plus sûr que le tabagisme. Les adolescents ont donc été facilement séduits par les formats variés et les différentes saveurs proposées. Rachel NADIF estime qu’en réalité, l’on sait peu de choses. Elle cite, dans son éditorial, une revue de la littérature, publiée en 2021, qui a combiné des études épidémiologiques et toxicologiques, mais explique qu’il s’agit, pour la grande majorité d’études transversales, qui ne permettent pas d’établir un lien de causalité. Cette revue de 2021 a conclu qu'il existe une relation réelle entre l'utilisation de la cigarette électronique et la BPCO chez les adultes et l'asthme chez les adolescents, principalement des lycéens. Deux des études étaient longitudinales et ont montré des risques accrus de bronchite chronique, de BPCO, d'emphysème et de déclin de la fonction pulmonaire chez les utilisateurs de cigarettes électroniques. Une seule étude, réalisée en 2022, en Californie du Sud, a montré que l’exposition passive à la vapeur de nicotine, chez les jeunes, provoquait un risque accru de déficit ventilatoire. Dans l’étude de Tackett et al. adossée à l’éditorial de Rachel NADIF, on retrouve une augmentation de la consommation de e-cigarette entre la première vague et la quatrième vague, conjointement à une augmentation des symptômes bronchiques et des sifflements, et de l’essoufflement (de façon plus modérée).

     

     

    Une prise en compte des expositions conjointes ,de  l’asthme et des perdus de vue

    Rachel NADIF relève que l’association avec les autres expositions, comme le tabac ou le cannabis sont significatives pour les symptômes bronchiques et l’essoufflement. Les adolescents qui n’ont pas consommé autre chose que la cigarette électronique, ont un risque qui n’est pas significatif. Toutefois, elle précise que ce résultat manque de puissance puisqu’il ne concerne que 1235 sujets. L’exclusion des perdus de vue à l’une des vagues ne modifie pas les résultats. Concernant l’asthme, les résultats sont identiques chez les participants avec ou sans asthme. Les analyses longitudinales ont montré que le risque de sifflements augmente à chaque vague, dès lors que l’adolescent consommait à la vague précédente, ce qui, selon Rachel NADIF, suggère un impact possible d’une exposition chronique. Elle félicite ce travail qui est seul qui présente des résultats aussi complets. Elle ne peut pas exclure que la e-cigarette n’ait pas une toxicité pulmonaire, si elle est utilisée de manière chronique, d’autant plus si elle est commencée tôt. Les données sur l’exposition chronique sont encore manquantes mais ce déficit ne permet pas d’affirmer que le fait d’avoir une utilisation régulière de e-cigarette soit sans effet sur la santé respiratoire.

     

    En conclusion, il est indispensable d’appliquer le principe de précaution concernant la toxicité de la cigarette électronique chez les jeunes et d’éclairer les autorités, car elle représente un vrai leurre. Aujourd’hui, d’après les données en 2022, des Centers for Disease Control and Prevention (USA), un collégien sur 30 et un lycéen sur 7 en a consommé au moins un jour au cours du dernier mois, ce qui fait autant de jeunes qui deviennent susceptibles de commencer à fumer. Début d’un nouveau fléau…

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    JDF