Pneumologie

Tuberculose résistante: un modèle prédictif de traitement en l’absence de test de résistance

Un modèle prédictif du traitement à proposer pour une tuberculose résistante à la rifampicine en l'absence de test de susceptibilité aux antituberculeux de seconde ligne a été réalisé, tout en tenant compte des effets indésirables liés à chaque modèle de traitement. D’après un entretien avec Nicolas VEZIRIS.

  • 25 Jan 2024
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    Une étude, dont les résultats sont parus en novembre 2023 dans l’European Respiratory Journal, a fait le point sur le traitement des tuberculoses multirésistantes, en proposant d’aider les programmes de lutte anti-tuberculose à choisir les stratégies thérapeutiques. Pour cela , les auteurs ont évalué deux régimes de traitement différents. Le premier comporte de la bédaquiline, de la lévofloxacine et de l’isoniazide pour traiter les souches sans résistance aux fluoroquinolones. Le second régime comporte de la bédaquiline, du linezolide et du prétomanide, lorsque les souches sont résistantes aux fluoroquinolones.

     

     

    Une modélisation intéressante sur le plan théorique

     

    Le professeur Nicolas VEZIRIS, responsable du Département de Bactériologie des Hôpitaux Saint-Antoine, Tenon, Trousseau, Rothschild et professeur à la Faculté de Santé Sorbonne Université, explique que les auteurs de ce travail ont cherché à modéliser la prise en charge en fonction de la prévalence de la résistance aux fluoroquinolones. Ils ont montré que la mortalité avec le régime numéro 1 augmente avec la résistance aux fluoroquinolones, ce qui parait logique, et que le nombre d’effets secondaires rapporté au nombre de décès évités dépend de la résistance aux fluoroquinolones. L’idée es donc de dire que le régime numéro 2, sans fluoroquinolones est plus toxique que le régime numéro un, qui évite les effets secondaires du linezolide, mais plus efficace. Nicolas VEZRIS précise qu’il s’agit d’un travail de modélisation pour aider à la décision, qui est réalisé à partir de la population d’Afrique du Sud, ce qui est intellectuellement intéressant car cette étude intègre un grand nombre de données à la fois sur la résistance et sur la tolérance. Il souligne la notion très importante qu’en France on pratique une médecin personnalisée alors que dans beaucoup d’autres pas les financements viennent du fond mondial, sous condition que ces pays respectent les choix des programmes.

     

     

    Mais des limites conjoncturelles et générales

     

    Nicolas VEZIRIS estime que ce travail a un intérêt théorique mais qu’il présente deux limites principales. La première est conjecturelle : depuis les deux à trois dernières années, de nombreux essais prospectifs sur la tuberculose multi-résistante ont été réalisés et ont déjà montré beaucoup de changements : les recommandations de l’OMS ne sont déjà plus tout à fait au goût du jour, en particulier en ce qui concerne la toxicité du linézolide. Le second écueil, plus général, réside dans le fait que les auteurs partent du principe que l’on ne peut pas faire de médecine individualisée, en pratiquant notamment les tests de résistance, c’est-à dire que l’on peut payer le traitement mais le diagnostic, ce qui, pour Nicolas VEZIRIS, est difficilement acceptable. Chaque patient devrait pouvoir bénéficier d’un diagnostic phénotypique, grâce au test rapide qui doit être accessible, en étant moins couteux.

     

     

    En conclusion, ce travail est intellectuellement intéressant car il propose une bonne évaluation du rapport bénéfice /risque du traitement de la tuberculose multirésistante mais seulement dans l’hypothèse où on baisse les bras sur le diagnostic en ne pratiquant pas de test rapide de résistance, ce qui est éthiquement très discutable.

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    JDF