Rhumatologie

Douleur du poignet : la ténosynovite de De Quervain en est la cause la plus fréquente

La ténosynovite de De Quervain est une affection relativement fréquente, caractérisée par une douleur du côté radial du poignet, une altération de la fonction du pouce et un épaississement de la structure ligamentaire recouvrant les tendons dans le premier compartiment dorsal du poignet.

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  • 15 Déc 2023
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    La ténosynovite de De Quervain est une affection fréquente qui touche les tendons du pouce (1er compartiment dorsal du poignet) et concerne majoritairement les femmes (ratio hommes/femmes d'environ 10:1), âgées de 35 à 55 ans. Elle est souvent rencontrée dans la pratique chez des personnes qui ont des mouvements répétitifs du pouce en extension.

    Cette affection résulte d’une irritation des gaines synoviales des tendons long abducteur du pouce (LAP) et du court extenseur du pouce (CEP), avec une possible inflammation initiale, même si ce n’est pas le mécanisme pathogénique principal car celui-ci est surtout lié à l’épaississement des structures ligamentaires qui assurent leur maintien. Cliniquement, elle se manifeste par des douleurs à la base du pouce, qui peuvent s'étendre jusqu'à l'avant-bras, et est souvent exacerbée par le mouvement du pouce ou du poignet.

    Rappel anatomique

    La compréhension de l'anatomie est essentielle pour le diagnostic et le traitement de la ténosynovite de De Quervain. La maladie implique un piégeage des tendons dans le premier compartiment dorsal du poignet, c’est-à-dire les tendons long abducteur du pouce (LAP) et court extenseur du pouce (CEP). Ces tendons passent à travers un tunnel ostéo-fibreux situé le long de la styloïde radiale à l'extrémité distale du poignet. Un épaississement et une dégénérescence myxoïde des gaines de ces tendons y sont observés, ce qui contribue à la douleur et à la restriction des mouvements.

    De nombreux muscles qui contrôlent le poignet et les doigts se trouvent en effet dans l'avant-bras et non dans la main (muscles extrinsèques) et ils exercent donc leur effet via des tendons en forme de corde. Lorsque ces tendons passent au niveau du poignet, ils sont dans des gaines synoviales avec une couche viscérale, directement sur le tendon et une couche pariétale. L'espace entre ces deux parois est occupé par le liquide synovial. Lorsque le muscle se contracte et que le tendon se déplace longitudinalement, la couche viscérale de la gaine se déplace par rapport à la couche pariétale, le liquide synovial agissant pour réduire les frottements, protégeant ainsi la surface du tendon des frottements.

    Lorsque les tendons extrinsèques traversent le poignet, une structure ligamentaire s’étend sur les tendons et leurs gaines synoviales, c’est le rétinaculum des extenseurs. Le rétinaculum empêche les tendons de se mettre « en corde d’arc » lors des postures en extension du poignet. Les structures en forme de tunnel, formées par le rétinaculum, des cloisons et l’os sous-jacent, sont appelées compartiments ostéo-fibreux. Sur le dos du poignet (côté extenseur), il y a six compartiments ostéo-fibreux et les tendons du long abducteur et du court extenseur du pouce sont dans le 1er compartiment. La ténosynovite de De Quervain est associé à un épaississement du rétinaculum de l'extenseur du premier compartiment dorsal et un rétrécissement (sténose) du canal ostéo-fibreux dans lequel cheminent les tendons LAP et CEP.

    Des études ont montré d’autre part, la présence de sous-compartiments et de variations anatomiques au sein du premier compartiment dorsal qui sont assez fréquentes. Dans une étude prospective sur la chirurgie pour la ténosynovite de De Quervain, il a été constaté que 37% des cas avaient un compartiment dorsal unique, tandis que 55% avaient deux sous-compartiments et 8% en avaient trois. Enfin, la branche superficielle du nerf radial y est rencontrée dans 61% des cas dans cette, soulignant l'importance de la prudence chirurgicale pour éviter les lésions nerveuses.

    Physiopathologie

    La physiopathologie de la ténosynovite de De Quervain est complexe et continue d'être un sujet de recherche. Cette affection affecte principalement les tendons long abducteur du pouce et court extenseur du pouce, qui passent dans un tunnel ostéo-fibreux le long de la styloïde radiale à l'extrémité distale du poignet. La pathologie se caractérise par une épaisseur et une dégénérescence myxoïde des gaines tendineuses dans ce compartiment dorsal du poignet.

    Il existe un débat sur l'étiologie exacte de cette affection, avec deux écoles de pensée : l'une suggérant un chemin inflammatoire et l'autre des changements dégénératifs. Il existe des preuves substantielles à l'appui des deux théories, nécessitant ainsi des études supplémentaires sur l'étiologie de la maladie de De Quervain. Mais, contrairement à ce que le nom le laisserait supposer, cette affection n'est pas principalement caractérisée par une inflammation, sauf peut-être au début, mais plutôt par un épaississement de la gaine tendineuse et une accumulation de mucopolysaccharides, un indicateur de dégénérescence myxoïde.

    Ces changements sont pathognomoniques de la maladie et ne sont pas observés dans les gaines tendineuses normales. Par conséquent, l'appellation « ténosynovite sténosante » est considérée comme un abus de langage, et il est suggéré que la maladie de De Quervain soit plutôt le résultat de mécanismes dégénératifs intrinsèques plutôt que de facteurs inflammatoires extrinsèques.

    Des divergences structurelles par rapport à l'anatomie normale sont également en partie liées au risque de développer cette affection. Le cloisonnement du premier compartiment dorsal et de ses tendons en plusieurs sous-compartiments et brins tendineux a été observé plus fréquemment chez les personnes souffrant de ténosynovite de De Quervain que chez les témoins. Ces variations semblent donc contribuer à l’apparition de l’affection, comme à l'échec possible des traitements usuels.
    Diagnostic

    Le diagnostic de la ténosynovite de De Quervain repose principalement sur l'examen clinique. Cette affection affecte les tendons du long abducteur du pouce (LAP) et du court extenseur du pouce (CEP), situés dans le premier compartiment dorsal du poignet. Les patients souffrent donc typiquement de douleurs sur le bord radial du poignet, souvent exacerbées par les mouvements du pouce et l’inclinaison radiale et ulnaire du poignet.

    L'évaluation clinique inclut des tests spécifiques tels que le test de Finkelstein, où le patient serre le poing avec le pouce placé sous les doigts et le poignet incliné vers le petit doigt (inclinaison ulnaire), provoquant une douleur caractéristique dans la région du premier compartiment extenseur. Cependant, ce test a une spécificité faible, ce qui a conduit à l'émergence d'autres tests tels que le test de l’hyperflexion et de l'abduction du poignet (test WHAT), qui pourrait être plus spécifique et sensible pour le diagnostic de la ténosynovite de De Quervain.

    Diagnostics différentiels

    Le diagnostic différentiel de la ténosynovite de De Quervain est important pour exclure d'autres pathologies qui peuvent se manifester par des symptômes similaires et notamment une inflammation au croisement proximal des tendons LAP et CEP avec ceux des radiaux (long extenseur radial du carpe et court extenseur radial du carpe) ou « syndrome du croisement » (ou « Aï crépitant »), avec une symptomatologie douloureuse qui est plus proximale et due à une bursite au niveau du croisement de ces tendons.

    Les diagnostics différentiels comprennent bien sûr ténosynovites en rapport avec la polyarthrite rhumatoïde et le rhumatisme psoriasique, qui peuvent donner des ténosynovites du poignet, entraînant des douleurs et des gonflements similaires à ceux de la ténosynovite de De Quervain, mais il existe un horaire plutôt inflammatoire de la douleur. Une fracture du scaphoïde peut causer une douleur au bord radial du poignet, souvent après un traumatisme. Un examen physique approfondi et des radiographies sont nécessaires pour les distinguer de la ténosynovite de De Quervain.

    Un syndrome du canal carpien peut imiter la ténosynovite de De Quervain en termes de douleur et de dysfonctionnement du poignet et de la main. Surtout, il peut s’agir de tendinite des autres tendons du poignet avec des douleurs et des limitations fonctionnelles similaires à celles de la ténosynovite de De Quervain.

    Il faut éliminer de nombreuses pathologies associées comme les doigts à ressaut, les lésions ou pathologies osseuses et les pathologies tumorales rares : bien qu'inhabituelles, certaines tumeurs peuvent également imiter la présentation clinique de la ténosynovite de De Quervain.

    Signes radiologiques

    La radiographie standard du poignet est le plus souvent normale. L'échographie joue un rôle significatif dans le diagnostic de la ténosynovite de De Quervain et c’est la modalité d'imagerie la plus fréquemment étudiée en cas de suspicion de ce diagnostic. Elle est particulièrement utile pour visualiser les changements dans les tendons et les gaines tendineuses du premier compartiment dorsal du poignet et est comparative avec le côté opposé.

    Les résultats échographiques courants comprennent l'épaississement des tendons qui peuvent apparaître comme des structures séparées ou comme une structure unique (« pseudofusion »), l'épaississement diffus ou focal des gaines souvent accompagné de changements dans l'échogénicité des tendons, l'altération du glissement des tendons en échographie dynamique, due à des adhérences fibreuses et à la compression par les gaines, l’épaississement circonférentiel hypoéchogène de la gaine synoviale qui peut donner un motif caractéristique de « double cible » en échographie et la présence de fluide dans la gaine des tendons. Ces changements ne sont généralement pas influencés par un traitement médical, à l'exception des injections locales de corticoïdes​​.

    L'IRM peut être utilisée pour diagnostiquer la ténosynovite de De Quervain, bien que son rôle soit moins clair. Les caractéristiques de l'IRM dans les cas de ténosynovite de De Quervain incluent l'épaississement des tendons et l'œdème péri-tendineux. Cependant, en raison de la variabilité et de la qualité des études, la précision diagnostique de l'IRM pour cette maladie n'est pas totalement établie

    Traitement

    Il est important de reconnaître tôt cette affection pour une prise en charge adéquate, car elle est très bien traitable à ce stade, dans sa phase aiguë. Une approche multimodale avec une gestion conservatrice est la plus efficace,

    Le traitement non-chirurgical de la ténosynovite de De Quervain comprend plusieurs modalités, principalement les injections de corticoïdes, l’immobilisation du poignet et du pouce dans une attelle, et l'administration d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) par voie orale ou topique. Le premier niveau de traitement est le repos avec AINS et port d’attelles, en particulier la nuit.

    Les injections de corticoïdes sont souvent considérées comme le principal traitement non-opératoire. Elles peuvent être particulièrement efficaces et améliorer les symptômes rapidement. Une étude a comparé les résultats des patients traités avec des injections de corticoïdes seuls par rapport à ceux traités avec des injections plus une immobilisation. L'immobilisation après l'injection n'a pas contribué à une amélioration significative des résultats du patient, mais reste souvent prescrite la nuit pour ne pas entraver les activités quotidiennes​​. Il est important de noter que l'utilisation de corticoïdes puissants n'est pas sans risques (atrophie cutanée) et doit être effectuée avec prudence. L'échographie peut être utile pour guider les injections et améliorer leur précision, en particulier dans les cas où il existe un septum intercompartimental​​.

    Le traitement chirurgical de la ténosynovite de De Quervain est généralement envisagé après l'échec des traitements médicaux. Cette chirurgie vise à soulager la pression sur les tendons affectés dans le premier compartiment dorsal du poignet. La chirurgie de De Quervain peut être réalisée à l'aide de différentes techniques. Parmi celles-ci, l'incision longitudinale de la peau est souvent privilégiée car elle permet une meilleure identification du compartiment, une libération plus complète de la gaine du tendon et des adhérences péritendineuses, et réduit le risque de subluxation palmaire des tendons. Cette technique a démontré des résultats satisfaisants, avec une réduction significative des scores DASH (Disabilities of the Arm, Shoulder, and Hand) et VAS (Visual Analog Scale) pour la douleur postopératoire. Cependant, des complications telles que des cicatrices hypertrophiques et une sensibilité persistante dans l'espace web dorsal peuvent survenir, ainsi que des symptômes récurrents nécessitant une chirurgie de révision dans certains cas​​.

    Une analyse systématique a comparé différentes interventions chirurgicales pour la ténosynovite de De Quervain. Il a été constaté que l'incision cutanée longitudinale réduit légèrement les risques de lésion du nerf radial superficiel, de lésion veineuse, d'hypertrophie cicatricielle et de complications totales par rapport à l'incision transversale. Cependant, en termes de résultats fonctionnels et de scores de douleur, aucune différence significative n'a été observée entre les différentes techniques chirurgicales. La qualité et la taille de l'échantillon des études incluses dans cette analyse étaient limitées, soulignant le besoin de recherches supplémentaires pour tirer des conclusions plus fermes​​.

    Une étude a évalué les résultats à long terme de la chirurgie pour la ténosynovite de De Quervain, en utilisant la technique de Le Viet. Cette étude a rapporté des résultats favorables avec une régression totale du handicap fonctionnel dans 85% des cas et un taux de satisfaction de 97,5%. Aucun cas de dislocation des tendons, de névrome ou de récidive n'a été observé. Les problèmes résiduels étaient tous liés à des maladies associées, qu'elles soient préexistantes ou d'apparition ultérieure​​. En conclusion, bien que la chirurgie pour la ténosynovite de De Quervain soit généralement efficace, le choix de la technique chirurgicale doit être adapté à chaque patient, en tenant compte des variantes anatomiques et des conditions spécifiques du patient. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer la meilleure approche chirurgicale.

     

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