Pneumologie

Asthme : pourquoi les enfants Amish sont naturellement protégés

En étudiant les enfants de deux communautés vivant en Amérique du Nord, des chercheurs sont parvenus à comprendre pourquoi les petits Amish sont si peu touchés par l'asthme. Un argument supplémentaire en faveur de l'hypothèse hygiéniste.

  • 30 Septembre 2016
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    On sait que la génétique et l’environnement peuvent jouer contre nos poumons. Néanmoins, l’environnement peut aussi être un allié. Des travaux réalisés en Europe ont montré que les enfants élevés à la ferme et exposés quotidiennement au bétail étaient protégés de l'asthme et des allergies respiratoires. Une théorie confirmée au sein de la communauté Amish. La prévalence de l’asthme chez ces enfants est beaucoup plus faible que chez les enfants européens élevés à la campagne. Cette protection serait conférée par un système immunitaire ultra-développé, selon une étude publiée dans le New England Journal Medicine et menée auprès de deux communautés rurales : les Amish et les Huttérites.

    Ces deux communautés chrétiennes anabaptistes vivent en autarcie, éloignées du monde moderne depuis leur création au 16ème et 17ème siècle en Alsace et au Tyrol. Etablis ensuite aux Etats-Unis et au Canada depuis plus de 200 ans, les Amish et les Huttérites sont depuis toujours des agriculteurs et éleveurs de bétail. Mais au fil du temps, leurs pratiques agricoles se sont différenciées. Les Amish continuent à cultiver la terre à l’aide de chevaux et n'utilisent pas de matériel mécanisé, alors que les Huttérites ont opté pour la modernité. L’éducation des enfants est également différente. Tandis que les enfants amish se lèvent aux aurores pour nourrir les bêtes, nettoyer l’étable et jouent pieds nus près des animaux, les enfants huttérites ne sont pas tenus d’exécuter ces tâches.


    Pas d'asthme chez les Amish

    Malgré leur origine génétique proche et les similitudes de leur mode de vie, la différence de fréquence de l'asthme dans les deux populations est très marquée. Elle est très faible (5 %) chez les Amish et semblable à la population américaine (20 %) chez les Huttérites.

    Pour comprendre l’impact de l’environnement sur le développement de l’asthme, les chercheurs de l’Université d’Arizona et de Chicago (Etats-Unis) ont suivis 60 enfants de 7 à 14 ans. Sur les 30 enfants amish, aucun ne souffrait d’asthme, contre 6 chez les Huttérites. L’analyse des prélèvements sanguins révèlent que les enfants Amish ont un système immunitaire beaucoup plus diversifié, et un nombre plus important de polynucléaires et moins élevé d'éosinophiles et d'IgE, leur permettant de mieux réagir face à un agent pathogène. Selon les chercheurs, les conditions de vie des enfants Amish ont façonné leur immunité innée, la rendant beaucoup plus efficace et capable de les protéger des allergies et de l’asthme.

    En outre, les tests génétiques confirment que les patrimoines génétiques des deux communautés sont très proches, du fait de leur origine géographique commune. Ces résultats montrent donc que les différences dans la prévalence de l’asthme ne sont pas attribuables à la génétique, suggérant ainsi le rôle prépondérant de l’environnement.

    Les scientifiques ont aussi réalisé des prélèvements dans 20 maisons. Des allergènes fréquents comme les poils de chat, de chiens ou la présence d’acariens dans la poussière sont retrouvés dans 40 % des maisons amish contre seulement 10% des maisons huttérites. La composition microbienne entre les foyers est également très différente, avec une poussière beaucoup plus riche en endotoxine et en bactéries chez les Amish.


    Un germe protecteur

    Les auteurs ont confirmé cette hypothèse sur un modèle de souris asthmatiques. Après avoir inhalé des poussières prélevées dans les maisons amish, les cobayes n’ont pas présenté de symptômes allergiques ou asthmatiques tandis que les échantillons collectés chez les Huttérites ont provoqué une réaction.

    Les chercheurs suggèrent ainsi qu’un micro-organisme (bactérie ou moisissure), présent dans les maisons Amish joue un rôle protecteur en activant l’immunité innée. Mais ils ignorent encore combien de temps les enfants doivent être exposés à ce germe pour être protégés.

    D'après un entretien avec le Pr Agnès Hamzaoui, pneumologue, Hôpital de Lariana, Tunisie

    Ecoutez...
    Agnès Hamzaoui, Hôpital de Lariana (Tunisie) : " Le gros avantage de cette étude, c'est qu'ils ont pris des populations qui sont relativement pures génétiquement..."

    Stein MM, Hrusch CL, Gozdz J, Igartua C, Pivniouk V, Murray SE, et al. Innate Immunity and Asthma Risk in Amish and Hutterite Farm Children. N Engl J Med. 4 août 2016;375(5):411‑21.

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