Diabétologie
Diabète de type 1 : la mémoire glycémique
La mémoire glycémique est un concept qui a été mis en évidence suite à différentes études DCCT et EDIC. Un bénéfice de cette mémoire glycémique peut s’observer plus de 2 décénnies plus tard entre 2 types de traitement.
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Le principe de mémoire glycémique a été suggéré par la succession des études DCCT puis EDIC sur une même cohorte de 1.441 patients avec un diabète de type 1. Au cours du DCCT, un traitement intensif du diabète de type 1 (HbA1c moyenne 7,2%) a permis de diminuer toutes les complications micro-angiopathiques par rapport à un traitement conventionnel (HbA1c moyenne de 9,0%). Après 10 ans d’étude, les deux groupes ont été pris en charge de manière similaire (EDIC, de 1994 à nos jours). Malgré cette similarité thérapeutique, la différence observée au cours du DCCT a augmenté au cours de EDIC, suggérant un phénomène de mémoire glycémique. Une publication récente du groupe DCCT/EDIC refait le point sur cette notion.
Un délai entre diminution glycémique et incidence de la rétinopathie
Au cours du DCCT, il a fallu attendre plus de 4 ans de différence d’équilibre glycémique pour que la progression de la rétinopathie diffère entre les groupes intensif et conventionnel. A la fin du DCCT, la différence moyenne d’HbA1c sur les 10 ans expliquait presque la totalité des différences d’incidence de rétinopathie, néphropathie et neuropathie (entre 92 et 100 % pour chacun des critères d’atteinte micro-angiopathique).
Dans les 8 premières années d’EDIC, l’HbA1c devient similaire entre les deux ex-groupes intensif et conventionnel (entre 8,0 et 8,2 %), pouvant laisser supposer un risque de micro-angiopathie désormais similaire. Or c’est l’inverse qui fut constaté, avec une différence de risque d’aggravation de la rétinopathie augmentant entre les deux anciens groupes. Surtout, les statistiques démontrèrent que la majorité de cette différence durant les 8 premières années d’EDIC était liée à la différence de traitement durant les années du DCCT.
Après 10 ans de prise en charge similaire au cours d’EDIC, l’incidence annuelle de rétinopathie devient enfin similaire entre les deux ex-groupes intensif et conventionnel. De ce fait, les courbes d’incidence cumulée de chaque groupe cessent de s’écarter, et deviennent parallèles. Il persiste alors un bénéfice 26 années plus tard, avec une diminution de 44 % du risque de progression de la rétinopathie dans l’ex groupe intensif (p-value < 0,0001).
Une mémoire glycémique aussi pour la néphropathie et le risque cardio-vasculaire
De manière similaire, les micro- et macro-albuminuries diminuent de 29 et 47 % sur les 26 années de suivi d’EDIC, avec une diminution plus importante durant les 10 premières années (54 et 73 % respectivement), et en revanche une différence statistiquement non significative entre 11 et 26 ans de suivi (p-value = 0,46 et 0,78 respectivement).
Des résultats encore plus intéressants concernent le risque cardiovasculaire, évalué par le critère composite MACE (mortalité cardio-vasculaire, AVC, infarctus du myocarde). Ce critère MACE n’est globalement pas différent sur les 26 années d’EDIC (p-value = 0,35), mais est diminué dans l’ex groupe intensif durant les 10 premières années d’EDIC (-41 % [-11 à 81%], p-value 0,02).
Des mécanismes biologiques suspectés
Deux principaux mécanismes ont été proposés pour expliquer cette mémoire glycémique. La première implique les produits de glycation avancée (AGE), responsables d’une cascade d’évènements dans l’atteinte micro- et macro-vasculaire diabétique. Sur une biopsie cutanée réalisée juste avant la fin du DCCT :
1/ le niveau d’AGE est associé au taux de complications de manière plus forte que l’HbA1c moyenne
2/ les AGE du collagène expliquent 98 % de la différence d’évolution de la rétinopathie qui survient par la suite durant les 4 premières années de EDIC.
Un second mécanisme implique des mécanismes épigénétiques. Ainsi, des modification de la méthylation de l’ADN peuvent expliquer entre 70 et 97 % du lien entre HbA1c moyenne durant le DCCT et la différence d’évolution de la rétinopathie durant les 18 premières années de EDIC.
Pour terminer, un effet similaire a été observé au cours du diabète de type 2 dans l’étude UKPDS. Chez ces individus présentant en moyenne 10 ans de diabète, un traitement intensif par sulfamides et insuline a permis une diminution moyenne de l’HbA1c de 0,9 % durant 10 ans. Or la diminution du risque d’infarctus du myocarde, qui était à la limite de la significativité à la fin de UKPDS (-16 %, p-value = 0,052), devient statistiquement significative après 10 ans de prise en charge commune, avec une diminution de 15 % (p-value = 0,01) dans l’ex-groupe intensif.











