Rhumatologie
Polyarthrite rhumatoïde : vers une prévention chez les personnes à risque ?
Les personnes à haut risque de polyarthrite rhumatoïde seraient susceptibles de voir leur maladie infraclinique (IRM) améliorée par un traitement de 6 mois ciblant l’activation des lymphocytes B médiée par les lymphocytes T, avec un retard prolongé dans l'apparition de la maladie.
- Chainarong Prasertthai/istock
Chez les personnes ayant un risque élevé de développer une polyarthrite rhumatoïde (séropositivité ACPA, arthralgies, signes d'inflammation à l'IRM), le traitement par abatacept, un inhibiteur de l'activation des lymphocytes T par blocage de la costimulation, permettrait de faire régresser l'inflammation IRM pré-clinique sur au moins un site : 61% versus 31% ; p=0,0043.
Dans cette étude ARIAA, prospective, randomisée versus placebo, l’abatacept pourrait également permettre de réduire le pourcentage de personnes qui vont développer ultérieurement une maladie rhumatoïde clinique. Un suivi à 18 mois à risque (non encore publié ni présenté à l’ACR) révèle qu'un traitement limité dans le temps par l'abatacept aurait un effet durable sur la progression de ce stade infraclinique vers une PR clinique selon les auteurs (Rech et al.).
Ce constat, s’il est avéré, signifie qu'un traitement ultra-précoce agissant sur la co-stimulation des lymphocytes T pourrait prévenir ou du moins retarder l'apparition de la maladie. Cette présentation de l’étude ARIAA a été faite lors du congrès annuel de l'American College of Rheumatology (ACR) (abstract 0455).
Amélioration significative
La régression d’au moins une des lésions inflammatoires en IRM (synovite, ténosynovite ou ostéite = critère d'évaluation principal) est observée chez deux fois plus de patients traités par abatacept que par placebo : 61% versus 31% ; p=0,0043. De plus, le traitement réduit de manière significative le taux de développement d’une PR clinique : à six mois, une PR a été diagnostiquée chez 34,7% des patients du groupe placebo et seulement 8,2% des patients du groupe abatacept (p=0,0025).
Enfin, si les dernières données de suivi de l'efficacité à 18 mois n'étaient pas disponibles pour être inclues dans sa présentation de l'ACR, le Dr Rech, premier auteur et présentateur de l’étude ARIAA, a néanmoins obtenu les résultats juste avant le début du congrès et ceux-ci resteraient également significatifs à 18 mois.
Sur le plan des effets indésirables, 12 événements graves ont été rapporté à ce jour, dont un cas de gastrite, une cellulite, une pneumonie, une tendinite calcifiante, un syndrome de conflit de l’épaule, un cancer de la prostate…. Seul le cas de pneumonie a été considéré comme étant liée au traitement.
Une étude de faisabilité étonnante
ARIAA est une étude multicentrique randomisée, en double aveugle, abatacept versus placebo, menée sur 6 mois auprès de personnes à risque de PR, c’est-à-dire qui sont ACPA positives et ont des signes d'inflammation synoviale, tendineuse ou osseuse à l'IRM. Ces patients, considérés comme à risque de PR dans la littérature, ont été recrutés sur 14 sites européens de 2014 à 2019.
Le critère d'évaluation principal est tout changement à 6 mois par rapport à un score IRM de la PR à l’inclusion supérieur à zéro pour une synovite, une ténosynovite ou une ostéite. Les patients ont ensuite été suivis pendant une année supplémentaire sans autre traitement.
L'âge moyen des patients était de 50 ans à l’inclusion, et la majorité était des femmes. Le score initial moyen de la douleur était de 42,5 sur une échelle visuelle analogique de 100 points, et l'activité moyenne de la maladie sur une échelle de 100 points était de 42,6.
Une fenêtre d’opportunité ?
Il a été démontré que la PR a une phase préclinique caractérisée par la présence d'anticorps anti-peptides citrullinés (ACPA), d'arthrites ou de synovites infraclinique ou avec de faibles douleurs. Les anticorps ACPA peuvent apparaître des années avant le diagnostic de la PR, et des études d'imagerie ont révélé la présence d'une inflammation infraclinique et même de lésions structurelles pendant cette phase préclinique chez certains malades.
L'activation des lymphocytes B médiée par les cellules T est une étape clé dans le déclenchement des maladies inflammatoires auto-immunes telles que la PR, et les interventions qui interfèrent avec ce processus pourraient être des stratégies qui pourraient potentiellement prévenir la maladie (il en a été de même avec une perfusion d’un anti-CD20 ciblant les lymphocytes B).
Les résultats de cette étude avec un inhibiteur de la co-stimulation des lymphocytes T montrent que 6 mois de traitement pourraient faire régresser l’inflammation infra--clinique et retarder le développement de la PR au moins 6 mois, voire 18 mois d’après les auteurs. Il s’agit d’une petite étude mais les résultats sont assez impressionnants et meilleurs que ceux obtenus avec les anti-TNF dans d’autres études. Les traitements ultra-précoces n’empêchaient pas jusqu’ici le développement de la maladie mais ils permettaient d’améliorer les résultats des traitements de fond mis en route lors de la phase clinique et réduisaient les lésions articulaires.











