Diabétologie
Diabète de type 2 : facteur de risque de démence ?
L'association diabète et démence est encore aujourd'hui mal documentée alors que l'association du diabète à une atteinte vasculaire l'est. De nouveaux résultats démontrent qu’un lien existe et qu’il est même plus élevé quand le diabète a été diagnostiqué tôt.
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Plusieurs conséquences de l’atteinte vasculaire chez les patients diabétiques sont aujourd’hui bien établies. En revanche, le lien avec la démence n’est pas claire, bien que celle-ci puisse être favorisée par une atteinte vasculaire.
Afin de préciser ce risque, une équipe française INSERM a analysé une cohorte de plus de 10.000 patients anglais, suivis de 1985-1988 à fin 2019, dont 6,2 % sont diabétiques de type 2. Ils ont pu établir que plus ce diabète est diagnostiqué tôt, plus le risque de démence augmente, avec, à 70 ans, un hazard ratio (HR) de 1,24 (1,06-1,46) par tranche de 5 ans d’évolution du diabète comparés aux individus non diabétiques.
Deux fois plus de diagnostic, sans aucun bénéfice
L’incidence de la démence était de 8,9 par 1.000 patients-années chez les sujets non diabétiques, puis augmentait avec l’ancienneté connue du diabète : 10,0 par 1.000 patients-années si le diabète évoluait depuis moins de 5 ans, 13,6 si le diabète évoluait depuis 6 à 10 ans, et 18,3 si le diabète évoluait depuis plus de 10 ans. A l’inverse, le pré-diabète n’était pas associé à un risque de démence plus important.
Afin de prendre en compte l’effet de l’âge et d’autres facteurs (qui peuvent être corrélés à la durée d’évolution du diabète), les auteurs ont réalisé un modèle multi-ajusté sur l’âge, le sexe, l’ethnie, le niveau d’éducation, et l’année de naissance. Déjà à 60 ans, le risque de démence est associé à un HR de 2,01 (1,29-3,13), et de 2,45 (1,65-3,62) si le diabète est connu depuis moins plus de 5 ans. A 70 ans, ces HR sont significatifs si le diabète évolue depuis 5 à 10 ans (1,61 (1,04-2,50)) ou depuis plus de 10 ans (2,32 (1,65-3,26)).
Pour finir, afin de déterminer le rôle propre au diabète et non à ses comorbidités, les auteurs ont ajouté dans ce modèle d’ajustement la présence de maladie cardio-vasculaire, l’hypertension artérielle, l’indice de masse corporelle, la prise d’anti-dépresseur, et la prise de traitement pour une maladie cardio-vasculaire. A 60 ans, les résultats restent sensiblement les mêmes. A 70 ans, le risque de démence est associé à un HR significatif uniquement si le diabète évolue depuis plus de 10 ans (HR 2,12 (1,50-3,00)).
Une cohorte essentiellement caucasienne
La cohorte Whitehall II est constituée depuis 1985-1988 de plus de 10.000 personnes anglaises, employées par le gouvernement à Londres, alors âgés de 35 à 55 ans à l’inclusion. Ces individus ont bénéficié d’évaluations médicales régulières depuis, environ tous les 4 à 5 ans, complétées par les enregistrement du système de santé publique du Royaume-Uni, le National Health Service (NHS).
Cette cohorte est donc relativement sélective, à 66 % masculine, et à plus de 88 % caucasienne. Elle est aujourd’hui âgée de 73 ans en moyenne. Toutefois, tous les critères socio-démographiques qui pourraient biaiser l’évaluation de l’incidence de la démence sont pris en compte dans tous les modèles d’ajustement. La poursuite du suivi de cette cohorte permettra de préciser, avec des modèles d’ajustement similaires, le risque de démence à un âge plus avancé, après 80 ans par exemple.
Une physiopathologie à préciser
L’importance de la durée d’évolution du diabète dans l’augmentation du risque de démence est à intégrer dans l’évolution globale de la pandémie diabétique : non seulement la prévalence du diabète de type 2 continue d’augmenter, mais surtout ce diabète apparaît de plus en plus tôt, augmentant ainsi la durée d’exposition. En 2017, on estimait que 10 % de la population mondiale était diabétique entre 45 et 49 ans, 15 % entre 55 et 59 ans, et presque 20 % entre 65 et 69 ans.
Les mécanismes expliquant le lien entre diabète et démence, indépendamment de co-morbidités associées, ne sont pas encore très bien compris. D’autres études ont montré que les dépôts classiques amyloïdes et de protéines tau, liés à la maladie d’Alzheimer, ne sont pas toujours associés avec le diabète. L’insulino-résistance cérébrale pourrait être directement impliquée dans le genèse de la démence, ainsi que des atteintes micro-vasculaires induisant de l’inflammation et des troubles de la perméabilité vasculaire. Des études fondamentales restent donc nécessaires, pour peut-être développer des traitements neuro-protecteurs, en plus d’un traitement hypoglycémiant.











