Dermatologie

Corticoïdes topiques et ostéoporose cortico-induite : la dose cumulée et la durée sont importantes

Si un effet dose-dépendant et cumulatif sur l’os semble avéré avec les corticoïdes topiques les plus puissants, cet effet ne semble pas cliniquement significatif dans le cadre de la majorité des utilisations normales.

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  • 19 Mars 2021
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    La question de la toxicité osseuse des corticoïdes par voie locale a été abordée à travers un registre national danois des corticoïdes topiques. Jusqu'à récemment, on pensait que la plupart des risques d'ostéoporose attribuables aux corticoïdes étaient limités à l'utilisation de corticoïdes par voie systémique. Les études sur les doses cumulatives de corticoïdes inhalées, qui sont en faveur d’un impact, sont de signification limitée du fait leur petite taille, l'étroitesse des plages de doses ou la courte durée des expositions étudiées.

    Dans le JAMA Dermatology, des chercheurs danois publient une étude de cohorte rétrospective utilisant les données du registre national danois des patients et du registre national danois des prescriptions qui montre que l'utilisation de corticoïdes topiques puissants est associée à un risque accru d'ostéoporose ou de fracture ostéoporotique majeure.

    Impact des corticoïdes les plus puissants

    Après ajustement soigneux, l’équipe de recherche montre que l'utilisation des corticoïdes topiques les plus puissants, et à des doses de 500 g ou plus, est associée à une augmentation de 8% du risque d'ostéoporose et de 5% du risque de fracture majeure. L’impact estimé de cet effet est d’autant plus fort que la dose cumulative augmente, avec une augmentation d'environ 3% du risque relatif de fracture pour chaque doublement de la dose cumulative.

    Mais il faut noter qu’une grande partie de ce risque est attribuable au sous-groupe de malades qui ont nécessité les doses les plus élevées (> 10 000 g).

    Les estimations du nombre de malades à traiter pour qu'une fracture ostéoporotique se produise restent cependant élevées, même pour les doses les plus élevées de corticoïdes topiques les plus puissants, ce qui suggère que, bien qu'il y ait une augmentation statistiquement significative du risque de fracture, elle pourrait ne pas être cliniquement significative chez les personnes recevant des doses cumulatives plus faibles.

    Une relation dose-dépendante

    Les auteurs ont étendu les analyses pour savoir si les corticoïdes topiques puissants ont ou pas une relation dose-dépendante pour une utilisation cumulative. Les corticoïdes topiques les plus puissants ont été divisés en deux catégories de puissance basées sur les doses quotidiennes définies par le Anatomical Therapeutic Chemical classification system, et l'exposition a été définie comme le nombre cumulatif d'ordonnances remplies converties en doses équipotentes de furoate de mométasone (1 mg/g).

    La population de référence a été définie comme les individus ayant reçu au moins une ordonnance pour un corticoïde topique puissants à une dose de 200 à 499 g. Les strates ont été prédéterminées par un doublement approximatif de la dose cumulative de corticoïdes topiques puissants, plutôt que d'être équilibrées par la taille de la cohorte, avec seulement 1,9 % des participants recevant une dose cumulative d'au moins 10 000 g.

    Un problème non négligeable

    On estime que 0,5% à 1,0% des adultes utilisent des corticoïdes dans le cadre de la prise en charge de toute une série d'affections, allant des allergies aux des maladies inflammatoires, et leur utilisation augmente avec l'âge. Un effet indésirable important de l'utilisation des corticoïdes est son association avec le développement de l'ostéoporose.

    L'ostéoporose cortico-induite est la cause d'ostéoporose secondaire la plus fréquente, et jusqu'à 30% de tous les patients traités par des corticoïdes par voie systémique pendant plus de 6 mois développeront une ostéoporose cortico-induite.

    Un problème à relativiser

    Il convient de pondérer ces résultats car, bien qu'il existe une association modeste entre l'utilisation des corticoïdes topiques les plus puissants avec une ostéoporose et des fractures, les résultats de cette étude ne fournissent pas la preuve que les corticoïdes topiques les plus puissants utilisés aux doses conventionnelles (prescrites pour la plupart des affections dermatologiques) causent un préjudice considérable.

    Cette étude ne permet pas de déterminer si ce risque d’ostéoporose cortico-induite diffère selon la maladie sous-jacente et la gravité de la maladie, effet qui n’est pas négligeable. Enfin, l'absorption des corticoïdes topiques peut différer selon l'endroit du corps où ils sont appliqués, la surface couverte et l’état de la peau, toutes caractéristiques qui peuvent influencer le risque et cette étude ne permet pas d’identifier la dose absorbée, mais seulement la dose administrée.

    En conclusion

    Cette étude intéressante indique clairement que, bien que le risque d'ostéoporose cortico-induite puisse être plus faible avec les corticoïdes topiques puissants à forte dose qu'avec les corticoïdes par voie orale, une association dose-réponse cumulative existe : les doses les plus élevées et/ou les durées les plus longues de traitement avec des corticoïdes topiques les plus puissants sont associées au risque le plus élevé d'ostéoporose cortico-induite et de fractures.

    Bien qu’une relation dose-dépendante soit démontrée avec les ostéoporoses cortico-induites et, le nombre de patients-années d'utilisation de corticoïdes topiques nécessaire à la survenue d’une fracture est presque 4 fois inférieur à celui rapporté pour les corticoïdes par voie orale à forte dose (40 mg de prednisolone pendant ≥30 jours), ce qui est en faveur de la voie topique. Pour les doses cumulatives conventionnelles qui sont généralement plus faibles, le niveau de risque ne justifie pas la nécessité de modifier les pratiques actuelles.

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