Néphrologie

Insuffisance rénale : traiter l’hyperuricémie asymptomatique ne ralentit pas la progression

Contrairement à ce que laissaient supposer des études observationnelles et des petits essais antérieurs, la baisse de l’uricémie sous allopurinol n’apporte aucun bénéfice sur l’évolution de la maladie rénale chronique, qu’elle soit diabétique ou pas.

  • Ben-Schonewille/istock
  • 01 Juillet 2020
  • A A

    Face à la prévalence croissante de la maladie rénale chronique (MRC), le besoin de nouvelles approches thérapeutiques se fait pressant. L’association linéaire entre les taux d’uricémie et le risque de développement ou de progression d’une MRC, observée dans des études observationnelles, et les résultats encourageants de deux petits essais cliniques menés avec l’allopurinol avaient suscité un certain engouement.

    Les résultats négatifs rapportés avec cet inhibiteur de la synthèse d’acide urique dans deux études multicentriques randomisées publiées dans la même édition du NEJM sont donc très décevants.

    Deux études randomisées versus placebo

    L’une, l’étude PERL, avait inclus 530 patients âgés en moyenne de 51 ans, avec un diabète de type 1 évoluant depuis plus de 35 ans et une MRC de stade 1 à 3. Ils recevaient quasiment tous par ailleurs un inhibiteur du système rénine-angiotensine.

    L’autre étude, CKD-FIX, avait randomisé versus placebo 369 patients avec une MRC de stade 3 ou 4, à haut risque évolutif : rapport albumine/créatinine urinaires > 265 ou baisse du débit de filtration glomérulaire d’au moins 3 mL/mn/1,73 m2 au cours de l’année précédente. Ces patients n’avaient pas d’antécédents de goutte et, dans une proportion un peu moindre que dans l’étude PERL (75% des cas), ils étaient également traités par un inhibiteur du système rénine-angiotensine.

    Baisse comparable du DFG

    Au terme des 3 ans de suivi de l’étude PERL, les auteurs ne retrouvent pas de différence significative entre les deux bras thérapeutiques concernant l’évolution du débit de filtration glomérulaire (DFG), qui constituait le critère principal d’évaluation : baisse annuelle de 3 mL/mn/1,73 m2 sous allopurinol versus 2,5 mL/mn/1,73 m2 sous placebo (différence de 0,6 mL/mn/1,73 m2, IC 95 % -1,5 - 0,4). Et ce alors que les taux d’acide urique avaient été logiquement réduits sous allopurinol, passant de 6,1 à 3,9 mg/dL et n’avaient pas baissé sous placebo.

    Un résultat similaire est rapporté dans l’étude CKD-FIX : après 2 ans du suivi, la baisse du DFG ne différait pas entre les deux groupes : -3,33 mL/mn/1,73 m2 sous allopurinol versus - 3,23 mL/mn/1,73 m2 sous placebo (p=0,85).  De la même façon que dans l’étude PERL, le traitement par allopurinol s’est accompagné d’une baisse de l’uricémie, de 8,1 mg/dL à 5,1 mg/dL.

    Agir peut-être plus tôt

    Dans ces deux études donc, faire baisser l’uricémie ne s’accompagne pas de ralentissement de la progression de la maladie rénale. Mais, comme le souligne Daniel Feig dans l’éditorial qui accompagne la publication de ces deux études, peut-être faut-il agir plus précocement, avant que les lésions rénales ne soient irréversibles.

    C’est ce que suggèrent des études chez l’animal, mais aussi une analyse en sous-groupe de l’étude FEATHER : le fébuxostat permettrait de ralentir le déclin de la fonction rénale chez les patients les plus jeunes, sans protéinurie, ce qui n’est pas le cas sur l’ensemble de la cohorte (patients avec une MRC de stade 3), à l’instar de l’allopurinol.

    Pour pouvoir accéder à cette page, vous devez vous connecter.