Diabétologie
Diabète de type 2 : quel impact du phénotype de l’haptoglobine ?
Plusieurs essais thérapeutiques ont échoué à démontrer un bénéfice d’un traitement intensif de l’hyperglycémie dans la prévention cardio-vasculaire. Il est nécessaire de déterminer si un sous-groupe de patients pourrait tirer bénéfice d’une telle prise en charge.
- Istock/Bulat Silvia
Un polymorphisme de l’haptoglobine, Hp2-2, est associé au risque d’infarctus du myocarde en condition d’hyperglycémie. Afin de savoir si les patients diabétiques porteurs de ce polymorphisme pouvaient tirer un bénéfice d’un traitement intensif de l’hyperglycémie, une équipe de l’université canadienne Dalhousie a ré-analysé les résultats de l’étude ACCORD, qui évaluait l’intérêt d’un traitement intensif de la glycémie pour prévenir les évènements cardio-vasculaires chez des patients diabétiques de type 2.
Comparé au traitement standard, le traitement intensif était associé à une diminution significative de 29% du risque d’accident coronarien chez les patients porteurs du polymorphisme Hp2-2, alors qu’il ne modifiait pas ce risque chez les patients porteurs des autres phénotypes de l’haptoglobine.
Un traitement bénéfique uniquement chez les patients Hp2-2
Le polymorphisme Hp2-2 était retrouvé chez 37% des 5.806 individus diabétiques de types 2, sans différence entre les groupes de traitement, et sans être associé aux caractéristiques cliniques (durée du diabète, équilibre glycémique, etc). Les patients, dans cette nouvelle analyse, étaient répartis en 4 groupes selon leur phénotype et type de traitement : polymorphisme Hp2-2 avec traitement intensif, Hp2-2 avec traitement conventionnel, autres polymorphisme avec traitement intensif, et autres polymorphismes avec traitement conventionnel.
Parmi ces 4 groupes, l’incidence d’une maladie coronarienne (infarctus et angor instable) était la plus importante chez les individus à risque Hp2-2 avec traitement conventionnel (13,8%), mais était et la plus faible chez les individus à risque Hp2-2 avec traitement intensif (10,3%). Chez les individus avec autres polymorphismes, le traitement intensif ne modifiait pas le risque de maladie cardio-vasculaire (en accord avec les résultats globaux de l’étude ACCORD). Dans le même sens, si le traitement intensif de l’hyperglycémie était associé à une augmentation des mortalités cardio-vasculaire et globale chez les patients porteurs de polymorphismes non à risque (augmentation qui avait conduit à l’arrêt prématuré de l’étude ACCORD), ce traitement était neutre sur ces critères chez les patients porteurs du polymorphisme Hp2-2.
Une population à haut risque cardio-vasculaire
L’étude ACCORD incluait des patients diabétiques de type 2 à haut risque cardio-vasculaire : soit en prévention secondaire (plus d’un tiers des patient inclus), soit âgés de plus de 55 ans et présentant deux facteurs de risque cardio-vasculaires en plus du diabète. Le phénotype de l’haptoglobine a pu être déterminé chez plus de 5.800 individus sur les 10.000 inclus, sans biais sur les caractéristiques cliniques, permettant de conserver la puissance d’analyse de l’étude ACCORD.
Il s’agissait donc en moyenne d’individus âgés de 63 ans, masculins dans 65% des cas, à 9 ans du diagnostic du diabète, avec une HbA1c à l’inclusion de 8,2%, et insulinés à plus de 35%. Les incidences d’évènements cardiaques rapportés dans cette étude correspondent à une analyse incluant en moyenne 3,7 années de traitement intensif (objectif HbA1c inférieure à 6,0%) ou standard (objectif entre 7,0 et 7,9%), plus 1,2 année après l’arrêt prématuré de cette étude, durant laquelle tous les patients ont eu comme objectif 7,0-7,9% d’HbA1c.
Vers une médecine personnalisée basée sur le génotypage ?
Le phénotype de l’haptoglobine avait déjà été associé à la maladie coronarienne, avec un risque relatif d’environ 10 fois supérieur en cas d’HbA1c supérieure à 6,5% pour le phénotype Hp2-2, comparé aux autres phénotypes. L’explication biologique résiderait dans le rôle de clairance de l’hémoglobine intra-vasculaire, plus faible en cas de polymorphisme Hp2-2. Ce complexe "haptoglobine Hp2-2 – hémoglobine" peut augmenter son activité oxydante et produire des espèces réactives oxygénées, conduisant à une accélération de l’athérogenèse. Cette cascade de réactions conduit également à une dysfonction des molécules de HDL, qui deviennent alors pro-thrombogènes.
En notant que le polymorphisme Hp2-2 ne joue pas un tel rôle que chez les individus normoglycémiques, un traitement intensif de l’hyperglycémie chez les individus porteurs de ce polymorphisme à risque pourrait aider à diminuer la quantité de complexe haptoglobine Hp2-2 – hémoglobine intravasculaire, et agir directement sur les mécanismes précoces de l’athérogenèse. Si ces résultats étaient reproduits dans d’autres analyses post-hoc d’essais randomisés, il deviendra pertinent de démarrer un nouvel essai clinique pour confirmer l’efficacité d’un traitement intensif de l’hyperglycémie chez les individus porteurs du polymorphisme Hp2-2 de l’haptoglobine, afin de pouvoir réellement pratiquer une médecine personnalisée basée sur le génotypage de nos patients.











