Rhumatologie
Arthrose : les infiltrations de corticoïdes remises en causes
Chez les patients souffrant d'arthrose, les injections intra-articulaires de corticoïdes pourraient entraîner des complications, selon une étude menée par des chercheurs de l'Université de Boston. Mais ces conclusions sont contestées par le professeur Francis Berenbaum, rhumatologue, à l'Hôpital Saint-Antoine, à Paris.
- Stéphane Noiret/iStock
Les injections de corticoïdes pour traiter l'arthrose doivent-elles être remises en question ? Une étude observationnelle, menée par des scientifiques américains pointe leur caractère nocif, chez certains patients et le risque de complications potentielle dans l'articulation infiltrée.
Mais le Pr Francis Berenbaum, rhumatologue et chef de service à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris, affirme, lui, que ces traitements locaux présentent aussi des avantages en permettant, notamment, d'éviter le recours à des médicaments anti-douleur tels que les opioïdes ou le tramadol.
Des potentielles complications
Dans leur étude publiée dans la revue « Radiology », les chercheurs américains ont examiné 459 patients qui avaient reçu une à trois injections intra-articulaires de corticostéroïdes dans un genou ou une hanche. Parmi ces patients, 36 d'entre eux, soit 8 %, ont eu des complications liées à ces infiltrations, comme le montrent les tests d'imagerie médicale.
Les chercheurs ont noté une accélération de la progression de leur arthrose, ainsi que d'autres effets négatifs comprenant une fracture par insuffisance sous-chondrale, c’est-à-dire du tissu osseux sous le cartilage, eune ostéonécrose ou encore une destruction rapide des articulations avec perte accélérée du cartilage.
Ali Guermazi, professeur de radiologie à l'Université de Boston et co-auteur de l'étude, a déclaré à CNN que ces conclusions s'appuyaient sur une autre étude de 2019 qui avait montré des résultats similaires. "Les preuves s'accumulent, et les effets négatifs risquent de s’amplifier davantage", affirme-t-il en estimant que "le chiffre de 8% de patients présentant des complications observées dans l'étude pourrait encore progresser".
Des résultats à mettre en perspective
Les médecins prescrivent des injections intra-articulaires de corticoïdes lors des poussée inflammatoires d'arthrose, pour aider à soulager la douleur à court terme et stopper la poussée évolutive d'arthrose qui s'associe à ces douleurs, en particulier pour les patients "les plus sévères, les plus douloureux, les plus limités et donc à plus haut risque d’avoir une mauvaise évolution naturelle de leur arthrose", précise le professeur Francis Berenbaum. Il peut également s’agir de patients qui ne peuvent pas tolérer le paracétamol ou les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Et il explique que les infiltrations ne doivent pas être écartées à priori : "Le risque est qu'au lieu de traiter localement, on revienne sur des traitements par voie générale bien plus dangereux (opioïdes, tramadaol, etc.)", assure-t-il. Ainsi que de laisser évoluer la poussée inflammatoire d'arthrose qui conduit à la dégradation accélérée du cartilage.
Prudence dans l'interprétation
Les conclusions de cette étude sont donc, selon lui, à interpréter avec prudence. En effet, « les patients infiltrés sont souvent des cas plus graves que les patients non infiltrés et les observations de cette étude pourraient n’avoir aucun rapport avec les infiltrations par elles-mêmes", précise Francis Berenbaum, mais avec la poussée évolutives d'arthrose pour laquelle elle sont réalisées. Il met donc en garde les patients qui ont peut-être entendu parler de cette étude remettant en question les infiltrations :"Celle-ci ne permet absolument pas de conclure à cela!".
Le co-auteur de l’étude, Ali Guermazi, reconnait que ses travaux ne sont qu'une étude observationnelle, ne permettant certainement pas d'établir une véritable réaction de cause à effet, et qu'il est nécessaire de poursuivre les recherches pour appuyer ses résultats et mieux comprendre les potentielles risques à prendre en compte avant de procéder à des infiltrations dans le genou ou la hanche.











