Hématologie
CAR-T cells : renforcer leur efficacité contre les tumeurs solides
En éliminant des facteurs d'immunosuppression des lymphocytes T, une équipe de chercheurs améliorerait l'efficacité des CAR-T cells vis-à-vis des tumeurs solides, comme les carcinomes et les sarcomes.
- selvanegra/iStock
Depuis une dizaine d’années, les chercheurs ont mis au point une immunothérapie efficace pour lutter contre les formes les plus agressives d'hémopathies comme la leucémie ou le lymphome. Appelée immunothérapie à base de lymphocytes T du récepteur antigénique chimérique (CAR-T cells ou cellules CAR-T, d’après son acronyme anglais), cette technique s’avère moins efficace pour lutter contre les tumeurs solides, les sarcomes et les carcinomes sont eux plus résistants à ces approches.
En cause : la perte progressive d'agressivité des lymphocytes T modifiés lorsqu’ils s’infiltrent dans les tumeurs "solides". Cette fatigue cellulaire a été nommée par les immunologistes "épuisement" ou "dysfonctionnement".
Une élimination génétique de deux facteurs
Mais à quoi est-elle due ? Des chercheurs de La Jolla Institute for Immunology, en Californie, se sont posés la question. Dans une série d’articles, ils rapportent avoir découvert que c’est un facteur de transcription appelé NFAT et chargé de réguler l'expression génétique des gènes qui affaiblissent les réponses des cellules T aux tumeurs et donc qui perpétue cette fatigue. Ils ont aussi découvert qu’en éliminant ces gènes connus sous le nom de NR4A, les cellules CAR-T étaient plus efficaces pour infiltrer et supprimer les tumeurs. Toutefois, les chercheurs ignoraient encore comment le facteur NFAT et les gènes NR4A coopéraient entre eux.
C’est désormais chose faite. Dans un article publié ce lundi dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), ils fournissent une liste plus complète des participants à un vaste réseau d'expression génétique qui établit et maintient l'épuisement des lymphocytes T.
Les facteurs TOX et TOX2
L’équipe, qui a mené ses recherches sur des souris, a découvert que l'élimination génétique de deux autres facteurs, nommés TOX et TOX2, améliore aussi l’élimination des tumeurs "solides" du mélanome dans le modèle CAR-T cells. Ces travaux suggèrent que des interventions comparables visant à cibler les facteurs NR4A et TOX chez les patients pourraient étendre l'utilisation de l'immunothérapie à base de CAR-T cells au traitement des tumeurs solides.
En inoculant à ces souris des cellules tumorales de mélanome puis, une semaine plus tard, en leur injectant un échantillon de cellules CAR-T génétiquement modifiées pour ne pas exprimer les facteurs TOX et TOX2, les chercheurs ont pu constater une régression des tumeurs de mélanome. Par ailleurs, les souris traitées avec des cellules CAR-T déficientes en TOX ont toutes présenté une "augmentation spectaculaire de survie". Cela suggère donc que l’inhibition des facteurs TOX empêche l’épuisement des lymphocytes T et permet à ces cellules de détruire plus efficacement les tumeurs.
La révolution thérapeutique continue
Une analyse complémentaire a mené les chercheurs sur une voie d’actualité en oncologie : ils ont montré que les facteurs TOX s'associent à NFAT et à NR4A pour favoriser l'expression d'un récepteur inhibiteur appelé PD-1, à la surface des lymphocytes T épuisés. Le PD-1 est bloqué par de nombreux anticorps monoclonaux appelés inhibiteurs des points de contrôle, qui combattent l'immunosuppression et activent une réponse immunitaire anticancéreuse innée. La convergence de TOX, NFAT et NR4A sur PD-1 a un sens moléculaire et immunologique et le place à la convergence des approches d'immunothérapie cellulaire et d'immunothérapie par anticorps.
"Actuellement, la thérapie cellulaire CAR-T montre des effets étonnants chez les patients atteints de "tumeurs liquides" comme la leucémie et le lymphome. Mais ils ne fonctionnent toujours pas bien chez les patients atteints de tumeurs solides en raison de l'épuisement des lymphocytes T. Si nous pouvions inhiber TOX ou NR4A en traitant les cellules CAR-T avec une petite molécule, cette stratégie pourrait avoir un fort effet thérapeutique contre les cancers solides comme les mélanomes", conclut Hyungseok Seo, auteur principal de l’étude.











