Hématologie
Lymphome B folliculaire de faible masse tumorale : intérêt d’une immunothérapie précoce par rituximab ?
Les premiers résultats de cette étude, rapportés après un suivi médian de 4 ans, avaient démontré que le traitement précoce par rituximab en monothérapie retardait l’instauration d’un nouveau traitement chez les patients atteints d’un lymphome folliculaire (LF) de stade avancé, asymptomatique et de faible masse tumorale. Étant donné l’évolution lente du LF, les auteurs de cette étude ont prolongé l’étude pour évaluer, à plus long terme, le délai avant second traitement, la survie globale et le risque de transformation en forme agressive.
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Dans le contexte du lymphome folliculaire (LF) de faible masse tumorale, des études rétrospectives ainsi que des essais randomisés ont démontré qu’une stratégie de surveillance active n’altérait pas la survie globale des patients 1,2. Cette approche permet d’éviter ou de retarder l’exposition aux traitements. Le rituximab, un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène CD20, a montré une efficacité notable avec une toxicité modérée.
Un essai randomisé de phase 3 a comparé trois stratégies : surveillance active, rituximab en induction seule ou en induction suivie d’un traitement d’entretien. Les premiers résultats indiquaient que le rituximab retardait significativement la nécessité d’un traitement ultérieur tout en améliorant certains aspects de la qualité de vie 3. Les auteurs de cette étude ont prolongé leurs travaux pour évaluer, à plus long terme, le délai avant second traitement, la survie globale et le risque de transformation en forme agressive 4.
Une étude multicentrique internationale
Entre Octobre 2004 et Mai 2009, 455 patients ont été inclus et randomisés : 183 dans le groupe de surveillance active (« watchful waiting »), 82 dans le groupe induction par rituximab, et 190 dans le groupe maintenance par rituximab. Un suivi à long terme a été réalisé sur 352 patients (87%) parmi les 405 survivants, avec une médiane de suivi de 14,7 ans (IQR 13,3–15,6).
La médiane de temps jusqu’au traitement suivant (TTNT) était de 5,6 ans (95%CI : 3,8–8,4) pour la surveillance active, de 14,8 ans (7,5–NA) pour l’induction, et non-atteinte (15,6–NA) pour la maintenance. Au total, un nouveau traitement a été initié chez 109 patients du groupe surveillance, 36 du groupe induction et 58 du groupe maintenance.
Un gain significatif de TTNT en faveur du traitement précoce
À 15 ans, 65% (95%CI : 56–72) des patients du groupe maintenance n’avaient pas reçu de second traitement, contre 48% (36–60) dans le groupe induction et 34% (27–42) dans le groupe surveillance. Les groupes induction et maintenance avaient un risque réduit d’initier un second traitement en comparaison à la surveillance active (induction vs surveillance : HR = 0,55 [0,38–0,80], P=0,0019 ; maintenance vs surveillance : HR = 0,36 [0,26–0,50], P<0,0001).
Une analyse post-hoc a démontré une tendance pour un TTNT plus long avec une maintenance par rituximab (HR = 0,66 [0,43–1,00], P=0,048). Chez les patients ayant présenté une réponse complète à 7 mois, la médiane de TTNT n’a pas été atteinte, contre 15,2 ans (95%CI : 7,7–NA) pour ceux avec une réponse partielle, et 9,7 ans (3,1–NA) pour ceux sans réponse. Dans le groupe de surveillance active, 48% ont débuté un nouveau traitement dans les 5 ans suivant la randomisation.
Des données de survie comparables … sans différence de mortalité spécifique
Parmi les 455 patients randomisés, 128 (28%) sont décédés, principalement à cause du lymphome (55 décès, 43%). A 15 ans, aucune différence de survie globale n’a été observée : 73% (95%CI : 65–79) pour le rituximab en entretien, 66% (53–75) pour le rituximab en induction, et 68% (59–75) pour la surveillance active.
Il n’existait par ailleurs aucune différence de mortalité spécifique : 12 % (95%CI : 8–18) pour l’entretien, 18% (11–29) pour l’induction, et 14% (9–20) pour la surveillance active. Une transformation clinique en forme agressive a été observée chez 74 patients sans différence significative entre les groupes : 17% (95%CI : 12–24) dans le groupe entretien, 15% (8–26) dans le groupe induction, et 20% (14–27) dans le groupe surveillance.
Conclusion
Ces données démontrent que l’administration précoce de rituximab en monothérapie augmente significativement la proportion de patients atteints de LF de stade avancé, de faible masse tumorale, qui ne nécessitent pas de nouveau traitement sur une période de 15 ans. Il n’existe aucun impact négatif sur le risque de transformation en formes agressives ou sur la survie globale. Ces résultats soutiennent l’utilisation précoce du rituximab en monothérapie dans ce contexte, et confirment son utilité pour différer ou éviter une chimiothérapie, en adaptant l’indication au cas par cas.
Références
- Horning SJ, Rosenberg SA. The natural history of initially untreated low-grade non-Hodgkin's lymphomas. N Engl J Med 1984;311(23):1471-5. DOI: 10.1056/NEJM198412063112303.
- Ardeshna KM, Smith P, Norton A, et al. Long-term effect of a watch and wait policy versus immediate systemic treatment for asymptomatic advanced-stage non-Hodgkin lymphoma: a randomised controlled trial. Lancet 2003;362(9383):516-22. DOI: 10.1016/s0140-6736(03)14110-4.
- Marzolini MAV, Qian W, Clifton-Hadley L, et al. Quality of life in advanced-stage, asymptomatic, non-bulky follicular lymphoma treated with rituximab shows significant improvement compared with watchful-waiting. Br J Haematol 2025;206(3):876-886. DOI: 10.1111/bjh.19918.
- Northend M, Wilson W, Ediriwickrema K, et al. Early rituximab monotherapy versus watchful waiting for advanced stage, asymptomatic, low tumour burden follicular lymphoma: long-term results of a randomised, phase 3 trial. Lancet Haematol 2025;12(5):e335-e345. DOI: 10.1016/S2352-3026(25)00034-1.











