Cardiologie

Fibrillation atriale et VIH : le traitement anticoagulant doit être bien choisi

Chez les patients séropositifs pour le VIH et qui ont une fibrillation atriale, l’apixaban semble réduire significativement le risque de saignements majeurs par rapport à la warfarine et au rivaroxaban. Cette sécurité relative paraît encore renforcée en cas de traitement antirétroviral concomitant.

  • 25 Février 2025
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    L’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH s’est considérablement allongée, atteignant progressivement celle de la population générale. Cette longévité accrue expose à des comorbidités typiques du grand âge, notamment la fibrillation atriale (FA). Dans ce contexte, le choix optimal d’un anticoagulant oral (OAC) reste incertain, en raison des interactions médicamenteuses potentielles entre les traitements antirétroviraux (ART) et les anticoagulants, en particulier ceux métabolisés par le CYP3A4 ou la P-glycoprotéine (p. ex. apixaban et rivaroxaban).

    Pour pallier le manque de données, une vaste étude observationnelle, menée selon un schéma de « target trial emulation » dans la base de données Medicare (2013-2020), a comparé le risque de saignement majeur chez des patients de 50 ans ou plus, atteints de FA et infectés par le VIH, nouvellement traités par warfarine, rivaroxaban ou apixaban.

    Les résultats, publiés dans JAMA Internal Medicine, montrent qu’initier la warfarine ou le rivaroxaban serait associé à un risque significativement plus élevé de saignement majeur que l’apixaban. Par rapport à l’apixaban, la warfarine serait associée à un Hazard Ratio (HR) de 2,60 (IC à 95 % : 1,51-4,49) pour les saignements majeurs et de 2,99 (IC à 95 % : 1,52-5,90) pour les hémorragies digestives. De même, le rivaroxaban exposerait à un sur-risque de saignement majeur (HR : 2,15 ; IC à 95 % : 1,18-3,94) et d’hémorragie digestive (HR : 3,38 ; IC à 95 % : 1,57-7,25) comparativement à l’apixaban.

    Des interactions médicamenteuses déjà connues entre traitement antirétroviral et antioagulant

    L’étude a également évalué l’impact du traitement antirétroviral sur la tolérance des différents anticoagulants. Parmi les patients (71%) qui recevaient un traitement antirétroviral au moment de l’anticoagulation, le risque de saignement majeur lié à la warfarine augmenterait de façon encore plus marquée (HR : 6,68 ; IC à 95 % : 2,78-16,02), tout comme celui d’hémorragie digestive (HR : 5,28 ; IC à 95 % : 2,08-13,42). Les patients sous rivaroxaban et traitement antirétroviral aurait également un sur-risque accru de saignement majeur (HR : 4,83 ; IC à 95 % : 2,11-11,08) et d’hémorragie digestive (HR : 4,76 ; IC à 95 % : 1,78-12,70) vs apixaban. En revanche, aucune différence significative n’a été observée concernant le risque d’accident vasculaire cérébral ischémique ou la mortalité toutes causes entre les trois anticoagulants.

    Ainsi, l’apixaban apparaît comme la molécule la mieux tolérée pour cette population, en particulier lorsque le patient suit un traitement antirétroviral. Ces observations suggèrent de possibles interactions médicamenteuses défavorables entre le traitement antirétroviral et la warfarine ou le rivaroxaban, qui pourraient accentuer le risque hémorragique.

    Une analyse de données observationnelles non exempte de biais

    Ce travail s’appuie sur l’analyse observationnelle de données issues de Medicare, selon un schéma de nouvelle prescription (« new user design ») avec comparateurs actifs et pondération par le score de propension. Bien qu’il s’agisse d’une base de grande envergure, la population incluse n’est pas totalement représentative de tous les patients vivant avec le VIH : seuls des assurés âgés de 50 ans ou plus, non affiliés à un régime Medicare Advantage et sous anticoagulant oral ont été considérés. De même, la mesure de l’adhérence ou l’ajustement fin sur l’état immunovirologique restent limités en l’absence de données biologiques directes (INR, suivi pharmacologique).

    Malgré ces restrictions, l’ampleur de la cohorte et la robustesse des méthodes statistiques renforcent la crédibilité des résultats et justifient d’envisager une évolution des pratiques. Concrètement, l’apixaban semble constituer l’option la moins risquée chez les patients vivant avec le VIH et qui ont une FA, surtout en situation de traitement antirétroviral concomitant. À l’avenir, seules des études randomisées et stratifiées selon les classes de traitement antirétroviral ou intégrant des jeunes patients exposés à des risques spécifiques (consommations, coïnfections) seront nécessaires pour confirmer ces conclusions et affiner les recommandations. Une meilleure compréhension des mécanismes d’interactions pharmacologiques entre traitement antirétroviral et anticoagulants pourrait également guider le suivi thérapeutique et la gestion du risque hémorragique.

     

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