Cancer du cerveau

Un médicament contre la prééclampsie stoppe aussi les tumeurs cérébrales agressives

L’hydralazine, l’un des plus anciens médicaments contre l'hypertension, pourrait aussi aider à stopper la croissance des tumeurs cérébrales agressives.

  • photovs/istock
  • 19 Novembre 2025
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    L’hydralazine est l’une des principales armes contre les urgences hypertensives, liées notamment à la grossesse (pré-éclampsie, éclampsie), depuis 70 ans. Ayant été mis au point à une époque où les chercheurs pharmaceutiques se concentraient sur les résultats des molécules créés (et non sur leur fonctionnement), les mécanismes d’action du médicament restent méconnus.

    Une équipe de l’université de Pennsylvanie a décidé de se pencher sur ce mystère. En comprenant le mode d’action du médicament, elle a découvert une nouvelle application pour le traitement. Il est capable de stopper la croissance des tumeurs cérébrales.

    L'étude a été publiée dans la revue Science Advances.

    Prééclampsie : les mécanismes d’action de l'hydralazine mis en lumière

    En étudiant le mode d'action de l'hydralazine au niveau moléculaire, les scientifiques ont mis en évidence que le médicament bloque une enzyme sensible à l'oxygène appelée 2-aminoéthanethiol dioxygenase (ADO). Il s’agit d’un interrupteur moléculaire qui indique aux vaisseaux sanguins quand ils doivent se resserrer.

    "L’ADO agit comme une sonnette d’alarme qui se déclenche dès que le taux d’oxygène commence à baisser", explique la chercheuse Megan Matthews dans un communiqué. "La plupart des systèmes de l’organisme ont besoin de temps : ils doivent copier l’ADN, produire de l’ARN et synthétiser de nouvelles protéines. L’ADO court-circuite tout cela. Elle actionne un interrupteur biochimique en quelques secondes."

    L'hydralazine agit en se liant à l'ADO. Ce qui la bloque et revient à mettre ce signal d'alarme à l'oxygène en “mode mute”. Une fois l'enzyme inhibée, les protéines de signalisation qu'elle dégrade normalement, nommées régulateurs couplés aux protéines G (RGS), restent stables. Lorsque ces derniers s’accumulent, ils disent aux vaisseaux sanguins d’arrêter de se contracter. Ceci réduit les concentrations intracellulaires de calcium, connu pour être un des principaux régulateurs de la tension vasculaire. "La diminution du taux de calcium entraîne le relâchement des muscles lisses des parois des vaisseaux sanguins, provoquant une vasodilatation et une chute de la pression artérielle", précisent les chercheurs qui ont enfin compris en détail le fonctionnement de l’hydralazine.

    Le médicament asphyxie les cellules tumorales

    Après la découverte du rôle inhibant du médicament sur les enzymes ADO, les chercheurs se sont demandés s’il ne pourrait pas contrer le développement des tumeurs cérébrales. En effet, de précédents travaux avaient mis en évidence que des taux élevés d’ADO avaient été associés à une forme plus agressive du glioblastome.

    Pour déterminer si l'hydralazine était un candidat potentiel contre les tumeurs cérébrales, les chercheurs ont testé les effets du médicament sur des cellules cancéreuses du cerveau.

    "Contrairement à la chimiothérapie, qui vise à détruire toutes les cellules, l'hydralazine perturbe la boucle de détection de l'oxygène, induisant la sénescence cellulaire, c'est-à-dire un état dormant et non prolifératif des cellules de glioblastome. Ce qui interrompt efficacement leur croissance sans provoquer d'inflammation ni de résistance supplémentaires"
    , remarquent les scientifiques.

    L'équipe prévoit de poursuivre leurs recherches pour améliorer l’efficacité de la molécule face aux tumeurs cérébrales. Elle veut, entre autres, développer de "nouveaux inhibiteurs d'ADO plus spécifiques aux tissus et capables de mieux traverser, ou d'exploiter les points faibles de la barrière hémato-encéphalique afin qu'ils ciblent efficacement les tissus tumoraux tout en épargnant le reste du corps"."Il est rare qu'un vieux médicament cardiovasculaire finisse par nous apprendre quelque chose de nouveau sur le cerveau", souligne Megan Matthews, "mais c’est précisément ce que nous espérons trouver plus souvent : des liens inhabituels qui pourraient déboucher sur de nouvelles solutions".

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