Autodestruction
Maladies auto-immunes : leur origine serait-elle dans les reins ?
Des scientifiques allemands montrent qu’une petite molécule d'ARN présente dans le rein active un récepteur immunitaire muté, ce qui pousse le système de défense à attaquer l'organisme qu’il doit normalement protéger.
- Par Geneviève Andrianaly
- Commenting
- manassanant pamai/iStock
Quand nos défenses se retournent contre nous et attaquent nos cellules, on parle de dérèglement du système immunitaire. Ce phénomène se produit en cas de diabète de type 1, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde, psoriasis, lupus érythémateux disséminé ou encore vitiligo. Dans une récente étude, parue dans la revue Science Immunology, des chercheurs de l’université de Bonn (Allemagne) ont révélé qu’une "fausse alerte inquiétante dans le rein" pouvait déclencher une néphrite de type lupus, une inflammation rénale grave et souvent mortelle.
Pour parvenir à cette découverte, les auteurs sont partis d’un constat. "Le récepteur cytosolique RIG-I (rétinoïde acide inductible) est un capteur essentiel de l'ARN viral et ne réagit généralement pas à l'ARN de nos propres cellules (qui déclenche la réponse immunitaire contre les infections virales). Cependant, des mutations du RIG-I ont été décrites chez des personnes atteintes de maladies auto-immunes." Ces quelques modifications du matériel génétique peuvent rendre le récepteur hypersensible, ce qui amène le récepteur immunitaire à confondre l'ARN de l'organisme avec des agents pathogènes.
Un récepteur immunitaire rénal muté favorise le développement d’une néphrite de type lupus
Lors d’une expérience sur des souris porteuses d'une mutation RIG-I E373A associée aux patients, il a été constaté qu’elles développaient spontanément une néphrite de type lupus. Contrairement au lupus classique, où l'inflammation est due à des dépôts de complexes immuns, la maladie chez ces animaux était causée par une inflammation rénale directe déclenchée par le RIG-I muté. Une analyse plus poussée a montré qu'un court ARN non codant, appelé ARN-Y, produit en grande quantité dans le rein, se lie directement, d'une manière inhabituelle, au RIG-I muté et déclenche son activation anormale. Dans le détail, "l’activation anormale a conduit les cellules rénales à produire de grandes quantités d'interférons et de chimiokines, qui ont attiré les cellules immunitaires et déclenché une inflammation grave similaire à la néphrite lupique humaine", ont expliqué les scientifiques.
Bloquer la voie de signalisation CCR2 pour réduire l'inflammation rénale
Dans les conclusions, ils signalent avoir identifié une cible thérapeutique potentielle. L’équipe suggère que le fait de bloquer la voie de signalisation CCR2, qui recrute les monocytes (un type de globules blancs), réduit significativement l'inflammation rénale chez les souris atteintes. Étant donné que ces recherches apportent des éclaircissements importants sur la manière dont les mutations peuvent endommager sélectivement des organes, comme le rein, elles "pourraient ouvrir la voie au développement de thérapies ciblées bloquant l'activation de la protéine RIG-I mutée ou de ses ARN Y interagissant."








