Cellules
Et si les chauves-souris détenaient la clé pour vaincre le cancer ?
Des chercheurs ont découvert que les chauves-souris possèdent des mécanismes de défense cellulaires anticancer hors du commun. De quoi inspirer de nouvelles stratégies thérapeutiques chez l’humain.

- Par Stanislas Deve
- Commenting
- CreativeNature_nl / istock
Elles volent la nuit, vivent longtemps et, étonnamment, échappent au cancer. Certaines espèces de chauves-souris peuvent atteindre un grand âge sans développer de tumeur, un "superpouvoir" biologique qui intrigue les scientifiques. Aux Etats-Unis, une équipe de l’Université de Rochester vient de percer une partie du mystère en identifiant les mécanismes de défense anticancer hors norme de ces petits mammifères. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Nature Communications.
Trois armes pour contrer le cancer
La plupart des chauves-souris vivent en moyenne 3 à 4 ans. Mais certaines, comme la chauve-souris brune, peuvent vivre jusqu’à 35 ans, soit l’équivalent de 180 ans humains. Et ce, alors même qu’elles n’ont ni la taille ni le mode de vie d’espèces ayant une longue espérance de vie, comme les éléphants ou les baleines. Ce paradoxe remet en cause le lien direct entre taille, longévité et risque de cancer, qui suppose que "plus la vie d'une personne ou d'un animal est longue, plus les mutations cellulaires sont susceptibles de se produire", selon un communiqué de l’université. "Chez l’humain, il faut environ cinq mutations dangereuses pour déclencher un cancer. Chez la chauve-souris, deux ou trois suffisent", souligne Vera Gorbunova, professeure de biologie à Rochester. Et pourtant, elles ne tombent pas malades.
L'équipe de chercheurs a identifié trois mécanismes clés susceptibles de l’expliquer. D’abord, le gène p53, suppresseur de tumeurs, est présent en double chez certaines espèces de chauves-souris, avec une activité plus élevée que chez l’humain. Ce gène enclenche l’apoptose, un processus qui force les cellules cancéreuses à s’autodétruire. Ensuite, ces chauves-souris bénéficient d’une activité constante de la télomérase, une enzyme qui favorise la régénération cellulaire. Enfin, elles disposent d’un système immunitaire ultra-efficace, capable de repérer et éliminer rapidement les cellules précancéreuses.
Vers de nouvelles pistes thérapeutiques ?
"À mesure que les humains vieillissent, leur système immunitaire ralentit et ils ont tendance à avoir plus d'inflammation (dans les articulations et d'autres organes). Les chauves-souris, elles, sont davantage en capacité de contrôler cette inflammation, ajoute Vera Gorbunova. Ce système complexe leur permet d'éviter les virus et les maladies liées à l'âge." Un équilibre précis est à l'œuvre : la télomérase favorise le renouvellement des cellules, pendant que le gène p53 les surveille, les stoppe ou les supprime si besoin.Les chauves-souris, autrefois perçues comme de simples vecteurs de virus, deviennent donc aujourd’hui des modèles d’exception pour comprendre la longévité sans maladie. Ce fonctionnement tout en harmonie inspire déjà la recherche humaine. "Plusieurs médicaments visent à activer p53, et d’autres sont en développement", indique Andrei Seluanov, autre auteur de l’étude. Augmenter en toute sécurité l’activité de la télomérase pourrait également ouvrir de nouvelles pistes pour le traitement du cancer ou du vieillissement.