Rhumatologie

Sciatique post-opératoire : bénéfice incertain de la stimulation médullaire implantable

En cas de sciatique chronique après chirurgie pour hernie discale, la stimulation médullaire implantable ne montre pas de bénéfice par rapport à une stimulation-placebo dans une étude randomisée, indépendante et en cross-over.

  • Mohammed Haneefa Nizamudeen/istock
  • 19 Oct 2022
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    Bien que le recours à la stimulation médullaire implantable en cas de douleur chronique soit de plus en plus fréquent, les preuves indépendantes de son efficacité et de son rapport coût-efficacité restent limitées, même dans l'une de ses indications les plus courantes : la douleur radiculaire persistante après chirurgie du rachis lombaire (« failed back surgery syndrome »). Les techniques de stimulation de la moelle épinière sans provoquer de paresthésies permettent désormais de réaliser des essais contrôlés versus placebo, mais peu d'entre eux ont été réalisés jusqu’ici chez des patients souffrant de douleurs chroniques après chirurgie du rachis.

    Lors d'un essai clinique randomisé, en cross-over et versus stimulation-placebo, mené en Norvège sur 50 patients, la stimulation médullaire, comparée à la stimulation-placebo, n'entraîne aucune différence significative quant à l'incapacité liée à la douleur rachidienne chez les patients souffrant de douleurs radiculaires chroniques après chirurgie du rachis lombaire. L'étude est publiée dans le JAMA.

    Pas de bénéfice significatif sur la douleur

    Sur les 50 patients randomisés (âge moyen, 52,2 ans), le score d’Oswestry moyen était de 44,7 points à l’inclusion et les variations moyennes du score ont été de -10,6 points pour les périodes de stimulation médullaire en salves et de -9,3 points pour les périodes de stimulation-placebo, ce qui donne une différence moyenne entre les groupes de -1,3 points (IC à 95%, -3,9 à 1,3 points ; p = 0,32).

    Aucun des critères secondaires pré-spécifiés ne montre non plus de différence significative : douleurs radiculaires des membres inférieurs, lombalgie, qualité de vie, activité physique. Neuf patients (18%) ont eu des événements indésirables, dont 4 (8%) ont dû avoir une révision chirurgicale du stimulateur médullaire implanté. Aucun de ces événements indésirables n'a mis en danger la vie des patients.

    Une étude randomisée versus placebo

    Cet essai clinique randomisé, en cross-over, versus placebo, mené auprès de 50 patients, a été réalisé à l'hôpital universitaire St Olavs, en Norvège, entre 2018 et 2022. Les patients ont été randomisés entre 4 périodes successives de 3 mois, en cross-over avec, soit une stimulation en rafale de la moelle épinière et soit une stimulation-placebo (ordre randomisé).

    La stimulation « en rafale » consistait en des stimuli électriques à haute fréquence, très rapprochés, délivrés directement à la moelle épinière. Le stimulus consistait en un mode rafale de 40 Hz de stimuli à courant constant avec 4 pointes par rafale et une amplitude correspondant à 50-70% du seuil de perception d’une paresthésie (stimulation sans paresthésie permettant l’aveugle).

    Le critère primaire était la différence par rapport à l’inclusion du score autodéclaré de l'indice d'invalidité Oswestry (0-100 ; la différence minimale cliniquement significative était de 10 points) entre les périodes avec stimulation en rafale et les périodes avec stimulation-placebo. Les critères secondaires étaient les douleurs radiculaires des membres inférieurs, les douleurs du rachis, la qualité de vie, les niveaux d'activité physique et les événements indésirables.

    Une technique invasive au bénéfice incertain

    La stimulation médullaire implantable est une procédure invasive qui implique la mise en place d'un générateur d'impulsions implantable en sous-cutané et relié par des fils à des électrodes positionnées chirurgicalement dans l'espace épidural postérieur au niveau des cordons postérieurs de la moelle épinière.

    Les mécanismes par lesquels la stimulation médullaire inhiberait la douleur semblent être liés au « spinal gate-control », à la modification des niveaux de neurotransmetteurs, à la promotion de l'activation des interneurones inhibiteurs, aux effets sur les cellules gliales et immunitaires et au recrutement de mécanismes supraspinaux.

    Les progrès récents de la stimulation médullaire implantable permettent un traitement sans provoquer de paresthésies et ces nouvelles modalités, y compris la stimulation en rafale, améliorent la tolérance de la procédure et offriraient un meilleur soulagement de la douleur chronique après une chirurgie de la colonne vertébrale.

    Les preuves manquent pour généraliser la procédure

    Dans cet essai clinique randomisé, en cross-over versus stimulation-placebo, portant sur des patients souffrant de douleurs radiculaires chroniques après chirurgie du rachis, la mise en place d’un stimulateur médullaire implantable ne montre pas de différences significatives entre les groupes sur le score validé d’Oswestry. Il n'y a pas non plus de différences significatives entre les groupes en ce qui concerne les radiculalgies des membres inférieurs, les douleurs rachidiennes, la qualité de vie et les niveaux d'activité physique.

    Cet essai souligne le puissant effet placebo des traitements invasifs de neuromodulation et les faiblesses inhérentes aux études en ouvert qui ne le prennent pas en compte. L'ampleur de l'effet placebo sur le changement du score d’Oswestry dans cette étude est comparable à la Différence Minimale Cliniquement Significative suggérée dans une étude observationnelle sur la stimulation de la moelle épinière pour la douleur chronique après une chirurgie du rachis lombaire.

    Dans une revue systématique Cochrane de 15 essais cliniques randomisés sur la stimulation médullaire, incluant un total de 908 patients, les preuves du bénéfice de la stimulation médullaire étaient de faible niveau. Bien que les essais randomisés parrainés par l'industrie aient presque uniformément rapporté des résultats positifs, une étude observationnelle indépendante chez des bénéficiaires d'indemnités pour accident du travail souffrant de douleurs chroniques après une chirurgie du rachis n'a trouvé aucune preuve en faveur d'une plus grande efficacité de la stimulation médullaire par rapport aux autres traitements. Il y a toujours la possibilité d’un biais inhérent à l’aveugle dans cette étude, qui a empêché l’ajustement des niveaux de stimulations proposées à chaque malade. Mais même si les effets indésirables semblent modestes, les auteurs de l’études conseillent d’être très prudents dans le choix des indications de cette technique.

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    JDF