Neurologie

Maladie d’Alzheimer : certaines formes seraient sensibles aux anti-TNF

Selon les données de l’initiative DREAM (Drug Repurposing for Effective Alzheimer's Medicines), les anti-TNF utilisés dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde seraient liés à un risque plus faible de maladie d'Alzheimer et de démence apparentée, mais uniquement chez les personnes atteintes d'une maladie cardiovasculaire, et donc susceptibles d'avoir une inflammation systémique et une neuro-inflammation.

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  • 11 Avr 2022
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    La maladie d’Alzheimer est une maladie très hétérogène et, d'après plusieurs études observationnelles, certains malades pourraient bénéficier de l’inhibition directe des cytokines pro-inflammatoire, comme le TNF-alpha et l’IL-6, ou via l’inhibition la voie de la Janus-kinase (JAK), selon l'initiative DREAM (Drug Repurposing for Effective Alzheimer Medicines) basée sur le phénotypage multiomique.

    Parmi plus de 22 000 adultes âgés d'une cohorte Medicare analysée dans le cadre de l’initiative DREAM (Drug Repurposing for Effective Alzheimer's Medicines), les traitements de fond de la polyarthrite rhumatoïde ciblant ces interleukines ou ces voies (tofacitinib, tocilizumab ou anti-TNF) ne semblent pas, globalement, associées à une réduction du risque de maladie d'Alzheimer et de démence apparentée.

    Par contre, dans l’analyse pré-spécifiée d’un sous-groupe de personnes atteintes d'une maladie cardiovasculaire, et dont la polyarthrite est traitée par des anti-TNF, le risque de maladie d'Alzheimer et de démence apparentées serait potentiellement plus faible, selon une étude parue dans JAMA Network Open.

    Intérêt des anti-TNF en cas de maladie cardiovasculaire

    Il n'y a pas d'association statistiquement significative entre le risque de maladie d'Alzheimer ou de démence apparentée et la prescription d’un anti-JAK comme le tofacitinib dans les 4 analyses réalisées dans DREAM, idem pour le tocilizumab (anti-IL6), ou un anti-TNF, et ce par rapport à l'abatacept (inhibiteur de la co-stimulation), qui n'a pas d'action anti-inflammatoire directe.

    Les résultats de l'analyse des sous-groupes préspécifiés en fonction de l'âge et du sexe sont cohérents à ce résultat, mais le risque de maladie d'Alzheimer et de démence connexe serait potentiellement plus faible avec les inhibiteurs du TNF chez les patients atteints initialement d'une maladie cardiovasculaire, mais seulement dans les analyses 2 et 4 de l’étude (analyse 1 : HR, 0,76 [IC à 95%, 0,50-1,16] ; analyse 2 : HR, 0,74 [IC à 95%, 0,56-0,99] ; analyse 3 : HR, 1,03 [IC à 95%, 0,65-1,61] ; analyse 4 : HR, 0,45 [IC à 95%, 0,21-0,98]).

    Le lien inflammation et maladie d’Alzheimer

    Les liens entre des niveaux élevés d'inflammation systémique et une maladie cardiovasculaire ou la maladie d'Alzheimer sont bien connus et le TNF-alpha est un médiateur clé de l'inflammation. Ces résultats de l'étude DREAM suggèrent que chez certains patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et souffrant d'une maladie cardiaque concomitante, les anti-TNF pourraient réduire le risque de survenue de la maladie d'Alzheimer.

    Ces résultats sont d'autant plus significatifs qu'une vaste étude pangénomique récente suggère également que des variants génétiques liés à la signalisation du TNF-alpha pourraient être associés à la maladie d'Alzheimer. Les mécanismes moléculaires à l'origine de ces résultats restent à identifier, mais différents résultats d'études suggèrent que le fait de cibler l'inflammation systémique dans des sous-groupes de patients avec inflammation systémique ou neuro-inflammation pourrait être une approche prometteuse pour modifier le cours évolutif de la maladie.

    Une étude de repositionnement des médicaments

    Dans l'étude DREAM (Drug Repurposing for Effective Alzheimer's Medicines), 22 569 paires de malades appariés par score de propension parmi les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde âgés de 65 ans et plus et remboursés par Medicare ont été évaluées entre 2007 et 2017.

    Les chercheurs ont regroupé les patients en trois cohortes en fonction du traitement de fond initié : du tofacitinib (inhibiteur des JAK), du tocilizumab (anti-IL-6), ou des anti-TNF, et les ont comparé à ceux traités par l'abatacept, un traitement de fond inhibiteur de l'activation des cellules T sans activité anti-inflammatoire directe.

    Le critère principal est l'apparition de la démence sur la base des codes de diagnostic dans 4 schémas d'analyse : (1) une approche en fonction du traitement pris, (2) une approche en fonction du traitement initial pris incorporant une période d'induction de 6 mois, (3) incorporant une période de 6 mois entre les symptômes et le diagnostic pour tenir compte d'une classification erronée, et (4) identifiant la démence par des prescriptions symptomatiques et des codes de diagnostic.

    Une maladie hétérogène et cibler des évènements plus précoces

    La maladie d'Alzheimer et les démences apparentées restent un défi thérapeutique, pour lequel l'approche traditionnelle de recherche thérapeutique consistant à identifier des cibles, basées sur des modèles animaux qui reproduisent les caractéristiques pathologiques de la démence, y compris les plaques amyloïdes et les amas neurofibrillaires, a eu jusqu’ici un succès limité. Les chercheurs cherchent donc de plus en plus à identifier les déclencheurs moléculaires précoces de la pathogenèse, précédant l'accumulation des plaques et des symptômes cliniques.

    L'initiative DREAM propose une approche alternative. Il s'agit d'une étude collaborative multidisciplinaire visant à identifier des candidats pour la reconversion des médicaments contre la maladie d’Alzheimer. En bref, les chercheurs génèrent des hypothèses vérifiables basées sur le phénotypage multiomique de la maladie d’Alzheimer afin d'identifier les régulateurs génétiques des voies métaboliques anormales associées à la neuropathogenèse de cette démence.

    Ensuite, ils sélectionnent les médicaments existants, qui agissent sur les cibles identifiées et ils les testent comme candidats au traitement. Enfin, dans une étape d'affinement de l'hypothèse, ils effectuent des analyses pharmaco-épidémiologiques individuelles, au niveau de chaque patient, en utilisant des données de soins de santé collectées régulièrement pour évaluer l'association entre l'exposition au médicament repositionné candidat et l'incidence de la maladie d’Alzheimer et les démences apparentées.

    Une hypothèse à explorer

    Selon les auteurs, compte tenu de cette hétérogénéité de la maladie, il est peu probable qu'une approche unique du traitement de la maladie d'Alzheimer soit aussi efficace que l'identification de profils de risque particuliers de patients qui pourraient bénéficier de médicaments spécifiques pour réduire leur risque de maladie d'Alzheimer.

    L’hypothèse que des patients avec maladie cardiovasculaire et maladie d’Alzheimer puissent avoir une signalisation TNF-alpha significativement perturbée au départ, et que la correction de ces anomalies par les inhibiteurs du TNF-alpha pourraient avoir un effet protecteur sur la maladie d'Alzheimer, mérite d'être validée dans de futures études

    Dans le cadre d'une étude en cours appelée PREVENT-AD, les chercheurs de DREAM étudient donc différents traitements candidats contre la maladie d'Alzheimer, dont les inhibiteurs du TNF-alpha.

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    JDF