Gynéco-obstétrique

HTA gravidique modérée : le traitement antihypertenseur réduit la prééclampsie

Chez les femmes enceintes souffrant d’HTA modérée, une stratégie visant une pression artérielle inférieure à 140/90 mm Hg serait associée à une réduction de l’incidence de la prééclampsie, sans augmentation du risque de petit poids de naissance ou de naissance prématurée chez l’enfant.

  • NataliaDeriabina/istock
  • 04 Avr 2022
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    Les conséquences de l'hypertension artérielle (HTA) pendant la grossesse (3% des cas), comprennent un risque maternel accru de prééclampsie ou d'éclampsie, d'accident vasculaire cérébral, d'insuffisance cardiaque, d'œdème aigu du poumon, d’insuffisance rénale aiguës, de décollement placentaire et de décès, ainsi qu'un risque fœtal accru de naissance prématurée, de faible poids de naissance et de décès périnatal. Les bénéfices du traitement de l’HTA modérée (pression artérielle inférieure à 160/100 mm Hg) pendant la grossesse ne sont pas démontrés.

    Dans l'essai CHAP, présenté au congrès 2022 de l’American College of Cardiology et publié dans le New England Journal of Medicine, l'incidence du critère primaire composite est plus faible dans le groupe traitement actif (prééclampsie sévère, accouchement prématuré médicalement indiqué à moins de 35 semaines de gestation, décollement placentaire ou décès périnatal) que dans le groupe témoin (30,2% contre 37,0%), soit un RR ajusté de 0,82 (IC à 95%, 0,74 à 0,92 ; p<0,001). Le critère primaire est surtout modifié en raison de la baisse de l'incidence de la prééclampsie grave et des naissances prématurées médicalement indiquées à moins de 35 semaines de gestation.

    Les critères de tolérance du traitement antihypertenseur par le nourrisson, à savoir une taille inférieure au 10e percentile ou inférieure au 5e percentile pour l'âge gestationnel, ne diffèrent pas de manière significative entre les deux groupes. Les valeurs pratiquement identiques du poids placentaire et du poids de naissance du nouveau-né dans les deux groupes de traitement sont rassurantes quant au traitement antihypertenseur.

    Baisse significative des complications maternelles et fœtales

    Le pourcentage de naissances de petits poids pour l'âge gestationnel inférieurs au 10e percentile est de 11,2% dans le groupe de traitement actif et de 10,4% dans le groupe témoin (RR ajusté = 1,04 ; IC à 95% 0,82 à 1,31 ; p=0,76).

    L'incidence des complications maternelles graves est de 2,1% et 2,8%, respectivement (RR = 0,75 ; IC à 95%, 0,45 à 1,26), et l'incidence des complications néonatales graves est de 2,0% et 2,6% (RR = 0,77 ; IC à 95 %, 0,45 à 1,30).

    L'incidence de toute prééclampsie dans les deux groupes est de 24,4% et 31,1%, respectivement (RR = 0,79 ; IC à 95%, 0,69 à 0,89), et l'incidence des naissances prématurées est de 27,5% et 31,4% (RR = 0,87 ; IC à 95%, 0,77 à 0,99).

    Vaste essai randomisé multicentrique

    L'essai CHAP (Chronic Hypertension and Pregnancy), est un vaste essai multicentrique, ouvert et randomisé, qui a été mené dans 61 méternités aux États-Unis. Il visait à comparer le traitement de l’HTA non compliquée avec deux objectifs de pression artérielle différents chez des femmes enceintes souffrant d'hypertension modérée, définie par une pression artérielle systolique comprise entre 140 et 160 mm Hg et une pression artérielle diastolique comprise entre 90 et 105 mm Hg.

    Toutes les femmes qui avaient un fœtus unique de moins de 23 semaines de gestation ont été randomisées entre un groupe traitement actif avec un antihypertenseur visant une pression artérielle inférieure à 140/90 mm Hg, soit un traitement standard (contrôle), avec initiation du traitement uniquement en cas de pression systolique au-delà de 160 mm Hg ou de pression diastolique au-delà de 105 mm Hg. Le premier antihypertenseur choisi était le labétalol ou la nifédipine à libération prolongée.

    Le critère principal d'évaluation de l’étude CHAP est un critère composite de prééclampsie sévère, d'accouchement prématuré médicalement indiqué à moins de 35 semaines de gestation, de décollement placentaire ou de décès périnatal.

    Changement de recommandations en vue ?

    Les recommandations pour le traitement de l'hypertension chez l'adulte indiquent le traitement à des seuils de pression artérielle de plus en plus bas afin de minimiser les risques de décès et de complications à long terme. Les recommandations en faveur du traitement de l'hypertension pendant la grossesse sont claires pour les femmes souffrant d'hypertension sévère (pression systolique au-delà de 160 mm Hg ou de pression diastolique au-delà de 105 mm Hg) car elles sont à risque de complications aiguës telles qu’un AVC et pour celles qui ont des comorbidités comme une insuffisance rénale.

    Cependant, les premières petites études sur le traitement de l'hypertension légère pendant la grossesse chez des femmes par ailleurs en bonne santé n'avaient pas montré d'avantages clairs d'un tel traitement. Ces résultats ont compliqué la prise de décision en raison de craintes concernant les conséquences potentielles pour le fœtus d’un retard de croissance ou de décès due à la baisse de la pression de perfusion placentaire.

    Dans l'étude CHIPS (Control of Hypertension in Pregnancy Study) comparant un contrôle antihypertenseur intensif à un contrôle moins strict chez 987 femmes enceintes souffrant d'hypertension légère, le contrôle intensif pouvait être obtenu sans conséquences négatives sur la croissance du fœtus, mais l'essai n’était pas assez puissant pour évaluer les autres bénéfices potentiels du traitement.

    Analyse soigneusement les critères secondaires

    Dans un éditorial associé, les auteurs mettent en garde sur l’analyse des critères secondaires qui doit être interprétée avec prudence en raison de l'absence d'ajustement pour les comparaisons multiples. Le taux plus faible d'hypertension sévère observé dans le groupe de traitement actif est cohérent avec les résultats de six études précédentes, dont l'étude CHIPS. Les risques plus faibles de naissance prématurée avant 37 semaines et de poids de naissance inférieur à 2500 g dans le groupe de traitement actif sont cohérents avec l'incidence plus faible de naissance prématurée médicalement indiquée avant 35 semaines, qui était une composante du critère primaire de l’étude.

    D’après eux, le résultat le plus intéressant de cet essai est la réduction apparente de l'incidence de la prééclampsie dans le groupe de traitement actif. Ce résultat n’a pas été observé dans huit essais randomisés précédents, y compris CHIPS, et peut être le résultats d’un effectif plus important dans cette étude.

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    JDF