Pneumologie

Cannabis médical et douleurs chroniques : aucune conviction

L’utilisation du cannabis médical dans le traitement des douleurs chroniques liées ou non au cancer a fait l’objet d’une revue systématique et méta-analyse des essais cliniques randomisés. Les résultats sont modestes. D’après un entretien avec Anne-Claire TOFFART.

  • 18 Nov 2021
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    Une étude, dont les résultats sont parus en octobre 2021, dans le BMJ, a cherché à faire le point sur l’efficacité et la tolérance du cannabis médical dans le traitement des douleurs chroniques d’origine cancéreuse ou non. Il s’agit d’une revue systématique de la littérature avec méta-analyse d’essais cliniques randomisés s’étendant defévrier2020 à janvier 2021. Les études incluaient au moins 20 patients, ayant des douleurs évoluant depuis au moins 3 mois. L’efficacité et la tolérance du cannabis médical étaient évaluées soit versus placebo soit versus un autre principe actif. Les critères de jugement étaient principalement l’intensité de la douleur, l’activité physique avec le questionnaire SF 36, l’état émotionnel, la limitation des activités, la qualité du sommeil, et la vie sociale.

    Un travail d’évaluation très complexe

    Le professeur Anne-Claire TOFFART, pneumologue au Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble, explique que la place du cannabis dans le traitement de la douleur chronique cancéreuse ou non, est un sujet d’actualité en France, la question posée portant sur son efficacité et le public au quel il s’adresse. Elle souligne que ce travail est complexe et comporte un risque important de biais compte tenu de la variété des études incluses. Trente deux études étaient qualitatives, regroupant au total plus de 5000 patients et 28 études étaient quantitatives. Anne-Claire TOFFART précise que la complexité réside dans le fait qu’il n’y avait pas deux études qui avaient le même design. Certains essais autorisaient la consommation de cannabis avant l’inclusion, d’autres autorisaient ou non la prise d’autres analgésiques, d’autres encore excluaient les patients atteints de maladies mentales ou consommateurs de psychotropes…C’est pourquoi, pour Anne-Claire TOFFART, les résultats de cette étude sont à analyser avec la plus grande prudence.

    Des résultats peu enthousiasmants

    Anne-Claire TOFFART trouve ses résultats peu enthousiasmants. Dans les études « cannabis médical versus placebo », l’amélioration était considérée comme significative lorsqu’un centimètre sur l’EVA était gagné. Seulement 10% des patients ont obtenu ce résultat, avec une moyenne de gain de 0,5 cm. L’amélioration est donc très minime, que les douleurs soient neuropathiques, cancéreuses, ou autres.  Concernant l’activité physique, la significativité étai obtenue après un gain de 10 points au questionnaire SF 36. La différence entre les deux bras a été de 1,67 pont, donc très minime. Ces résultats ont été similaires pour tous les autres critères, sauf pour le sommeil, où une efficacité du cannabis médical semble probable. Concernant les effets secondaires, une forte évidence a été retrouvée sur l’augmentation des vertiges mais une faible évidence est apparue sur une légère aggravation des troubles cognitifs et sur les nausées. Pour Anne-Claire TOFFART, cette étude manque donc de puissance, d’autant plus qu’il existe une grande variabilité dans le cannabis médical utilisé, et qu’aucune étude n’a évalué le cannabis inhalé, alors que c’est le plus employé.

    En conclusion, ce travail ne permet pas de recommander le cannabis médical dans le traitement des douleurs chroniques et attire l’attention sur la grande difficulté de réaliser des études solides qui vont dans ce sens. Le cannabis médical serait donc comparé à la phytothérapie : « j’y crois, je n’y crois pas »…

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    JDF