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Corriger le génome : la révolution génomique des prochaines années
CRISPR-CAS9, autrement appelé « ciseaux génétiques », permet d’envisager à moyen terme de pouvoir réparer le génome humain, voire de l’améliorer. Une révolution à laquelle il faut se préparer. En attendant, on explore de mieux en mieux.
- wildpixel/istock
CRISPR-Cas9, que l’on appelle donc aussi « ciseaux génétiques », est un nouvel outil de chirurgie du génome. C’est une technique qui a moins de 10 ans et qui va, de l’avis de beaucoup, révolutionner l’ingénierie génomique et la santé.
CRISPR-Cas9 étend, en effet, les possibilités de la génétique à l'infini : il consiste à permettre de modifier rapidement et simplement un segment d’ADN, aussi simplement que le copier/coller d’un traitement de texte. On peut ainsi supprimer un gène malade, le remplacer par une séquence saine ou encore le bloquer pour étudier sa fonction précise…
Aucun secteur de la biologie n'échappe à cette innovation majeure comme en témoigne son utilisation par des milliers de laboratoires dans le monde, un nombre considérable pour une technique aussi récente. Aujourd’hui, de nouvelles applications sont publiées quotidiennement, sur les plantes et les animaux bien sûr, mais aussi sur les cultures de cellules humaines. La seule limite est l’imagination des chercheurs… et bien-sûr le risque potentiel chez l’homme quand on manipule le génome.
Un outil d’exploration fonctionnelle du génome
D’autres outils de chirurgie de génome ont été utilisée dans un passé récent, mais très chers ou très compliqués, ils ont été totalement déclassés par CRISPR-CAS9 qui est une technique exceptionnellement rapide et simple.
La principale caractéristique de CRISPR-CAS9 est de pouvoir reconnaître et couper une séquence d’ADN particulière grâce à une sorte de « GPS », un ARN qui est complémentaire d’une séquence d’ADN spécifique. Les chercheurs peuvent ainsi modifier cet ARN pour qu’il reconnaisse la séquence de leur choix. CAS9, une enzyme qui est couplée à cet ARN, coupe ensuite le segment d’ADN sélectionné et la réparation de l’ADN peut se faire, soit par la cellule elle-même, soit par les chercheurs, ce qui est plus compliqué mais plus précis.
La première application qui vient à l’esprit est de pouvoir potentiellement supprimer une mutation et devenir ainsi le pivot des thérapies géniques dans les maladies génétiques, mais il reste à valider de nombreuses étapes chez l’homme démontrant la parfaite précision et la reproductibilité du phénomène.
Dès à présent cependant, CRISPR-CAS9 permet de comprendre comment fonctionnent les gènes au cours d’une maladie : en les bloquant sélectivement, il est ainsi possible de pondérer le poids de chaque gène quand plusieurs sont impliqués (près de 300 gènes sont impliqués dans l’autisme !). CRISPR-CAS9 permet également de comprendre à quoi sert l’ADN qui est situé entre les gènes, qualifié un peu vite « d’ADN poubelle », il joue un rôle encore largement méconnu dans la régulation du fonctionnement des gènes.
Un outil de réparation du génome
Le système d’association entre l’ARN CRISPR et la protéine CAS9 permet de détecter une séquence d’ADN particulière et de la couper avec une très grande précision. Mais la technique peut être modifiée pour que la protéine CAS9 ne coupe pas le gène ciblé mais stimule au contraire son expression.
Dès 2014, c’est la myopathie de Duchenne, une dégénérescence musculaire incurable qui semble pouvoir être améliorée. Cette maladie est liée à des mutations sur le gène codant pour une protéine indispensable au bon fonctionnement des fibres musculaires. Les chercheurs sont parvenus à corriger cette mutation dans des embryons de souris puis à les réimplanter dans des mères porteuses, ce qui a débouché sur une correction de la maladie. D’autres équipes travaillent sur d’autres mutations.
Les limites actuelles
La recherche avance donc à grand pas mais il reste à maitriser quelques risques. Il s’agit d’un outil qui a été identifié originellement chez des bactéries et une grande partie de la population humaine possèderait des anticorps et/ou des globules blancs dirigés contre CRISPR-CAS9.
La précision est également un enjeu majeur. Il est très facile de cibler un gène spécifique avec CRISPR-CAS9, mais la coupure peut entraîner d’autres modifications en d’autres endroit du génome où les séquences d’ADN ciblées sont ressemblantes et où les modifications sont indésirables. C’est ce qui s’est passé il y a quelques années en Chine dans la bêta-thalassémie. De nombreuses équipe travaillent donc à améliorer la précision de CRISPR-CAS9.
Enfin, dès que l’on s’attache à modifier le génome humain apparaît en perspective la volonté de certains à vouloir « améliorer » l’homme. Le transhumanisme est un risque que différentes institutions dans tous les pays cherchent à encadrer : CRISPR-CAS9 ne pourra être utilisé chez l’homme que si la précision de la technique est garantie, si l’on passe par des cultures de cellules qui seront contrôlées avant de les réimplanter et uniquement s’il n’y a pas d’alternative.
Suivez notre débat Santé 2030 sur CRISPR-CAS9, avec le Dr Carine Giovanangelli, Directeur de recherche au CNRS, à l’unité CNRS UMR 7196 -Inserm U 565 et responsable de l’équipe « Targeted DNA Breaks and Repair ».








