Rhumatologie

Lombalgie chronique : pas d'intérêt pour le traitement antibiotique

Un traitement antibiotique n’apporte aucun bénéfice clinique démontré sur les douleurs et le handicap d’une lombalgie chronique, même en cas de lésion Modic 1 (inflammatoire) des plateaux vertébraux. La théorie infectieuse paraît compromise et le traitement est ailleurs.

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  • 22 Oct 2019
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    Depuis quelques années, diverses équipes ont émis l’hypothèse de la responsabilité d’une infection bactérienne dans certaines lombalgies chroniques, en particuliers celles qui ont des images inflammatoires des plateaux vertébraux en IRM (Modic 1). Dans ce cas de figure a été évoqué la responsabilité d’un germe saprophyte de la peau : Propionibacterium acnes (désormais appelé Cutibacterium acnes).

    Dans cette étude, publiée dans le BMJ, sur des patients souffrant de lombalgie chronique avec modifications Modic des plateaux, en regard d'une hernie discale antérieure, trois mois de traitement par l'amoxicilline n’apportent pas de bénéfice cliniquement significatif par rapport au placebo.

    Des analyses secondaires et des analyses de sensibilité confirment cette conclusion. Par conséquent, ces résultats remettent sérieusement en cause l’hypothèse bactrienne de la lombalgie chronique et n'appuient pas l'utilisation d'un traitement antibiotique pour les lombalgies chroniques, y compris en cas d’inflammation des plateaux vertébraux (Modic 1).

    Pas cliniquement significatif

    180 patients souffrant de lombalgie chronique, avec antécédent de hernie discale et modification des plateaux vertébraux en IRM de type Modic de type 1 (n=118) ou de type 2 (n=62) ont été randomisés dans cette étude entre 3 mois de traitement par amoxicilline ou placebo, en sus du traitement usuel.

    Dans l'analyse primaire à un an, la différence dans le score moyen du questionnaire Roland-Morris (RMDQ) entre le groupe amoxicilline et le groupe placebo est de -1,6 (intervalle de confiance à 95 % -3,1 à 0,0, P=0,04). Dans l'analyse secondaire, la différence dans le score moyen de la RMDQ entre les groupes est de -2,3 (-4,2 à -0,4, P=0,02) pour les patients avec des modifications Modic de type 1 et de -0,1 (-2,7 à 2,6, P=0,95) pour les patients ayant des modifications Modic de type 2. Cinquante patients (56 %) du groupe amoxicilline ont eu au moins un effet indésirable lié au médicament, comparativement à 31 (34 %) dans le groupe placebo.

    Rechercher des traitements spécifiques

    La prise en charge actuelle de la lombalgie apporte une amélioration faible à modérée de la douleur et du handicap. Les chercheurs tentent donc d'identifier des sous-groupes de patients qui pourraient bénéficier d'un traitement plus spécifique. Un sous-groupe de patients lombalgiques chroniques a des modifications de signal dans la moelle osseuse vertébrale qui s'étend à partir de la plaque terminale (modifications Modic) en imagerie par résonance magnétique. Les modifications Modic sont classées en types 1 (type œdème inflammatoire), 2 (type gras) et 3 (type sclérotique, moins courant).

    La pathogénie de ces modifications modiques n'est pas claire. Une hypothèse est que les signaux Modic 1 et les douleurs lombaires d’horaire nocturne qu les accompagnent le plus souvent seraient causés par une discite bactérienne de bas grade causée par Propionibacterium acnes (désormais appelé Cutibacterium acnes), une bactérie anaérobie Gram positive commensale de la peau.

    Un seul essai contrôlé

    Le point d'entrée proposé dans le disque se ferait par la circulation sanguine, ce qui serait possible lors de l'inflammation causée par une hernie discale. Les modèles animaux montrent que Propionibacterium acnes peut se développer dans les disques dégénérés et causer des changements de type Modic. Cependant, plusieurs études microbiologiques réalisées sur des biopsies de disques au cours de la lombalgie chronique donnent des résultats contradictoires, faisant évoquer une contamination bactérienne lors du prélèvement.

    Une revue de la littérature, à partir de 2015, ne trouve qu'un seul essai contrôlé randomisé sur l'efficacité éventuelle de l'antibiothérapie chez les patients souffrant de lombalgie chronique avec lésion Modic. Ce premier essai a rapporté un effet significatif de trois mois de traitement antibiotique par rapport au placebo (différence entre les groupes de 8,3 points sur le questionnaire Roland-Morris Disability (RMDQ) à un an de suivi.

    En pratique

    Trois mois de traitement par l'amoxicilline n’apportent aucun bénéfice cliniquement significatif par rapport au placebo chez les patients atteints de lombalgie chronique avec lésions Modic 1 ou 2. La plus grande différence moyenne observée entre les groupes de traitement (2,3 points sur la QMMR pour les patients présentant des modifications Modic de type 1 est considérablement plus faible qu’observée dans l’autre étude et elle est inférieure à la différence prédéfinie cliniquement importante entre les groupes.

    Cette étude bien conduite ne reproduit donc pas les résultats du seul essai positif publié. Dans les lombalgies chroniques avec lésion Modic 1 (inflammatoire), le seul traitement qui s’est révélé efficace est une infiltration intradiscale de corticoïdes.

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    JDF