Nutrition
Cancer colorectal avant 50 ans : 1ère démonstration du risque lié aux aliments ultra-transformés
Chez des femmes de moins de 50 ans, une consommation élevée d’aliments ultra-transformés (AUT) est associée à un excès de risque de polypes ou adénomes coliques conventionnels, précurseurs majeurs du cancer colorectal à début précoce.
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L’incidence mondiale du cancer colorectal à début précoce (EOCRC) augmente, portée par des effets de cohorte et des expositions à des facteurs de risque modifiables. Parallèlement, les aliments ultra-transformés (AUT) représenteraient près de 60 % des apports caloriques aux États-Unis. Dans la cohorte prospective Nurses’ Health Study II, incluant 29 105 infirmières suivies de 1991 à 2015, l’apport médian d’aliments ultra-transformés est de 5,7 portions/j (34,8 % des calories).
Selon les résultats publiés dans le JAMA Oncology, chez les femmes ayant eu au moins une endoscopie basse avant 50 ans, 1 189 adénomes conventionnels et 1 598 polypes dentelés ont été diagnostiqués. Par rapport au quintile le plus faible (moins de 3 portions par jour), le quintile de la consommation la plus élevée d’aliments ultra-transformés (plus de 10 par jour) est associé à un surrisque de 45% d’adénomes conventionnels (AOR 1,45 ; IC à 95 % 1,19–1,77 ; p<0,001), une association non retrouvée pour les polypes dentelés (AOR 1,04 ; 0,89–1,22 ; p=0,48). Le signal paraît plus marqué pour les adénomes distaux et rectaux, en ligne avec l’épidémiologie de l’EOCRC.
Robustesse et meilleur contrôle des facteurs de biais
L’association persiste après ajustements étendus sur l’IMC, le diabète de type 2, la consommation de fibres, de folates, de calcium, de vitamine D et le score AHEI-2010, suggérant un effet partiellement indépendant de l’obésité et des habitudes alimentaires globales. Le renforcement du risque semble être assez linéaire, ce qui signifie que plus les personnes consomment d'aliments ultra-transformés, plus le risque de développer des polypes du côlon est élevé.
L’absence de relation avec les polypes dentelés pourrait refléter des mécanismes de carcinogenèse distincts, plus lents et épigénétiques, moins sensibles à des perturbations précoces du microbiote et de la barrière muqueuse induites par émulsifiants, amidons raffinés et édulcorants. Les analyses indiquent aussi une association avec de petits adénomes (<1 cm), compatible avec une détection précoce de néoplasies naissantes dans cette tranche d’âge.
Aucune catégorie unique d’aliments ultra-transformés ne porte à elle seule l’effet observé, ce qui plaide pour un possible effet cocktail adjuvant des additifs alimentaires sur l’inflammation et la stabilité chromosomique. Les résultats demeurent stables lorsqu’on restreint l’analyse aux participantes plus jeunes, ce qui renforce la pertinence pour les trajectoires d’EOCRC.
De l’essor des aliments ultra-transformés au signal adénomateux
Cette étude prospective s’appuie sur des questionnaires déclaratifs alimentaires quadriennaux codés selon Nova, un recueil standardisé des endoscopies et une confirmation histologique centralisée des polypes. Les modèles de régression logistique avec équations d’estimation généralisées tiennent compte du clustering intra-sujet et des cofacteurs reconnus. Les limites résident dans le caractère déclaratif de l’enquête alimentaire et une possible mauvaise classification des aliments ultra-transformés, l’agrégation des polypes dentelés (incluant des polypes hyperplasiques peu oncogènes) et une population majoritairement féminine, éduquée (infirmières), limitant l’extension à des contextes moins favorisés ou masculins ; la méthodologie n’exclut pas un résiduel de confusion. Malgré cela, la taille d’échantillon, la longueur du suivi et la cohérence biologique soutiennent la généralisabilité aux adultes jeunes en prévention secondaire préclinique.
Selon les auteurs, les aliments ultra-transformés n'expliquent pas entièrement l'augmentation des cas de cancer colorectal à début précoce (EOCRC), et les chercheurs s'efforcent d'identifier d'autres facteurs de risque. Ils travaillent également à l'élaboration de méthodes permettant de mieux classer les aliments ultra-transformés, car certains aliments de cette catégorie pourraient être plus nocifs que d'autres. Mais, en l’état, ces données justifient de promouvoir une alimentation moins dépendante des aliments ultra-transformés chez les adultes de moins de 50 ans à risque, et d’intégrer des messages nutritionnels ciblés lors des consultations motivant un dépistage endoscopique précoce en présence d’autres facteurs (antécédents, symptômes).
Les priorités de recherche incluent la désagrégation fine des familles d’aliments ultra-transformés et de leurs additifs, la validation dans des cohortes mixtes et diverses, et l’exploration mécanistique microbiote-muqueuse afin de guider des interventions alimentaires de précision.








