Diabétologie

Diabète de type 1 : une perfusion d’îlots pancréatiques prêts-à-l’emploi pour se passer d’insuline

Chez des diabétiques de type 1 à haut risque, une petite étude montre qu’une seule perfusion d’îlots pancréatiques, dérivés de cellules souches pluripotentes, rétablit la sécrétion d’insuline, supprime les hypoglycémies sévères et rend 83 % des patients indépendants de l’insuline à 12 mois. Nonobstant un traitement immunosuppresseur au long cours qui expose à un risque d’infections, ces résultats ouvrent la voie à une thérapie de remplacement bêta-cellulaire « prête à l’emploi ».

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  • 22 Jun 2025
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    Le traitement du DT1 reste contraint par les limites de l’insulinothérapie : cible d’HbA1c < 7 % rarement atteinte (environ 75% des patients) et risque d’hypoglycémies sévères, même si les systèmes de délivrance automatisés type pancréas artificiels ont nettement améliorés les choses. Remplacer les îlots pancréatiques est une option efficace mais restreinte par la pénurie de greffons. Une équipe de Harvard a mis au point des greffons d’îlots prêts à l’emplois pour tous, entièrement différenciés à partir de cellules souches pluripotentes pour lever ces verrous.

    Dans une étude de phase 1-2, présentée au congrès 2025 de l’American Diabetes Association et publiée dans le New England Journal of Medicine, 14 diabétiques de type 1 avec hypoglycémies sévères récidivantes ont reçu une perfusion portale d’une demi-dose (0,4 × 10⁹ cellules, n = 2) ou d’une dose complète (0,8 × 10⁹ cellules, n = 12). Les patients participant à l'étude ont commencé à avoir besoin de moins d'insuline quelques mois après avoir reçu les nouvelles cellules des îlots pancréatiques, et la plupart d'entre eux n'ont plus eu besoin d'insuline au bout de six mois environ. Les épisodes d'hypoglycémie ont disparu dans les 90 jours suivant le début du traitement.

    Chez les receveurs de la dose complète, l’HbA1c est passée sous 7 % entre J180 et J365, sans épisode hypoglycémique sévère, atteignant ainsi le critère primaire d’efficacité. Le temps dans la cible glycémique (70–180 mg/dl) est monté au-delà de 70 %, traduisant une régulation glycémique quasi physiologique.

    Une immunosuppression modérée mais prolongée est nécessaire

    Les bénéfices se prolongent par des critères secondaires probants. La détection de C-peptide chez 100 % des sujets confirme la prise de greffe et la fonction des îlots dérivés. Dix des 12 patients (83 %) traités par la dose complète sont totalement sevrés en insuline exogène à 12 mois ; les deux autres ont réduit significativement leurs besoins. La réponse est homogène malgré l’utilisation préalable, chez la moitié d’entre eux, d’un système d’administration automatisé.

    Côté tolérance, 3 neutropénies sévères sur 14 patients constituent l’effet indésirable grave le plus fréquent. Deux décès, imputables l’un à une méningite cryptococcique et l’autre à l’aggravation d’un trouble cognitif préexistant, soulignent la morbidité potentielle de l’immunosuppression à vie (schéma sans glucocorticoïdes). Les élévations transitoires des transaminases et la diminution de la fonction rénale restent comparables aux observations des greffes d’îlots classiques.

    Un essai multicentrique en ouvert sur 14 malades

    Ces données proviennent d’un essai multicentrique, ouvert, en simple groupe, utilisant la technique standard de transplantation portale d’îlots, couplée à une immunosuppression d’inspiration greffe d’organe solide. La population, bien que restreinte (n = 12 pour l’analyse d’efficacité), reflète la réalité clinique des DT1 « difficiles » : HbA1c ≥ 7 %, hypoglycémies sévères, technologies avancées déjà utilisées. Cette représentativité confère un poids translationnel majeur aux résultats, tout en imposant prudence sur la généralisation aux DT1 récents ou pédiatriques, et sur la durabilité au-delà d’un an.

    Le traitement semble donc efficace à court terme mais les patients participant à l'essai doivent continuer à prendre des immunosuppresseurs pour empêcher le système immunitaire de détruire les nouvelles cellules. La suppression du système immunitaire augmente le risque d'infections et, à long terme, peut faire progresser le risque de cancer. Cette immunosuppression n'est pas aussi intense que celles utilisées généralement dans les greffes de reins ou de cœur-poumons, mais on ne le saura avec certitude que dans de nombreuses années.

    Les prochaines étapes de recherche concernent l’optimisation des régimes immunosuppresseurs, la pérennité de la fonction des îlots dérivés, et l’évaluation à plus large échelle, y compris en prévention secondaire des complications micro- et macrovasculaires. À terme, la disponibilité illimitée d’îlots « industriels » pourrait transformer la prise en charge du DT1, en visant non plus le contrôle glycémique, mais la guérison fonctionnelle même chez des patients multirécidivistes d’hypoglycémie.

     

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