Hématologie
Lymphome B en rechute après CAR-T : un CART19-IL18 armé pour vaincre les résistances
Chez les lymphomes B en rechute ou réfractaires après CAR T anti-CD19, huCART19-IL18 associe une sécrétion constitutive d’IL-18 à un processus de fabrication court. Ce CAR-T cell de 4ᵉ génération montre un profil de sécurité acceptable et un taux de réponse de 81 % à 3 mois, ouvrant la voie à de nouvelles options pour les patients en échec.

- Nemes Laszlo/istock
Les CAR T anti-CD19 de 2ᵉ génération (co-stimulateur 4-1BB ou CD28) ont transformé le traitement des lymphomes B en rechute, mais plus de la moitié des patients rechutent ou résistent, souvent malgré la persistance de la cible CD19 sur les cellules tumorales. L’épuisement lymphocytaire et l’environnement tumoral immunosuppresseur motivent le développement de « CAR T armés » de 4ᵉ génération, capables de sécréter in situ des cytokines pro-inflammatoires. L’interleukine-18 (IL-18) renforce l’activation des T et NK cells et la production d’IFN-γ, améliorant l’efficacité antitumorale dans des modèles précliniques.
Une équipe de recherche américaine a mis au point huCART19-IL18, un CAR T autologue humanisé anti-CD19 fabriqué en 3 jours pour préserver un phénotype naïf et limiter l’exhaustion, intégrant une sécrétion constitutive d’IL-18. Dans une étude de phase 1/2 chez 21 patients en rechute ou réfractaires post-CAR T, recevant 3 × 10⁶ à 3 × 10⁸ cellules, le taux de réponse globale à 3 mois est de 81 % (IC à 90 % 62–93), dont 52 % de réponses complètes. À 17,5 mois de suivi médian, la durée médiane de réponse est de 9,6 mois (IC à 90 % 5,5–non évalué). L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.
Une expansion et une persistance des CAR-T cell armés anti-CD19
La toxicité est conforme à celle des CAR T existants : syndrome de libération cytokinique (CRS) chez 62 % (47 % grades 1–2), neurotoxicité (ICANS) chez 14 % (tous grades 1–2), sans syndrome hémophagocytaire ni événement inattendu lié à l’IL-18. L’expansion des CAR T est robuste à tous les paliers de dose et persiste plus de 2 ans chez certains patients, y compris au plus bas dosage (3 × 10⁶), nettement inférieur aux doses usuellement requises (× 20–100).
Des analyses exploratoires mettent en évidence une expansion et une efficacité supérieures chez les patients prétraités par un CAR T co-stimulé CD28 (ORR 100 %, RC 80 %) vs 4-1BB (ORR 60 %, RC 30 %), suggérant que le type de costimulation initiale module la réponse au retraitement.
Une étude monocentrique de taille limitée
Cette petite étude monocentrique de phase 1/2, ouverte, a inclus 21 patients de diverses sous-entités lymphomateuses, tous en échec de traitement CAR T commercial et éligibles après 3-jours veine à veine. L’emploi d’une scFv humanisée et d’un protocole accéléré vise à réduire l’immunogénicité et l’exhaustion T. Malgré son caractère préliminaire et la variabilité des sous-types lymphomateux, le taux de greffe réussie (≥ 95 %) et l’ampleur des réponses cliniques attestent de la faisabilité et du potentiel antitumoral de cette stratégie armée.
Selon les auteurs, huCART19-IL18 pourrait devenir une option de choix pour les patients en rechute après CAR T, offrant un effet antitumoral à des doses plus faibles et une persistance prolongée. La sécrétion locale d’IL-18 paraît reprogrammer l’environnement tumoral sans dérégler l’immunorégulation systémique par IL-18BP. Les perspectives incluent des essais randomisés contre CAR T de 2ᵉ génération, l’évaluation en première ligne ou en consolidation, et l’extension à d’autres antigènes ou tumeurs solides. Enfin, l’optimisation du dosage, la gestion des sous-groupes selon l’historique de costimulation, et la caractérisation des mécanismes de résistance méritent des investigations plus larges pour confirmer la place des CAR T armés de cytokines dans l’arsenal des thérapies cellulaires.