Cardiologie
Insuffisance cardiaque aiguë : ajuster le traitement sur la natriurèse
L’adaptation des doses de diurétiques en fonction de la natriurèse au cours d’un épisode d’insuffisance cardiaque aiguë améliore la décongestion cardiaque, laissant entrevoir une approche thérapeutique personnalisée.
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L’essai randomisé, contrôlé et ouvert PUSH-AHF, présenté lors d’une session hotline du congrès ESC 2023 le 28 août 2023, a mis en valeur l’utilité du suivi rapproché de la natriurèse dans l’efficacité d’un traitement diurétique.
Des signes de congestions persistants à éliminer
Les chercheurs se sont basés sur le constat que l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque aiguë est principalement due à des symptômes de congestion, tels que l'essoufflement, les œdèmes et la fatigue. Et que l’objectif était donc de faire disparaître l’excès de liquide. Pour cela, les traitements généralement utilisés sont des diurétiques de l’anse. Cependant cette pratique est mal codifiée et, pour de nombreux patients, la réponse aux diurétiques est insuffisante, entrainant ainsi une congestion résiduelle et de nouvelles hospitalisations.
Pour ces patients en insuffisance cardiaque aiguë, la première évaluation n’est habituellement possible qu’après 24 heures de traitement, en se basant sur la perte de poids et l’évaluation du débit liquidien. Mais cette pratique s’avère peu fiable. Et les recommandations de l’ESC conseillent une évaluation précoce et répétée du sodium urinaire chez ses patients présentant une insuffisance cardiaque aiguë, permettant ainsi de guider le traitement diurétique.
Un essai randomisé basé sur un traitement guidé par la natriurèse
Pour cette étude, 310 patients (âge médian de 74 ans et 45% de femmes) souffrant d’insuffisance cardiaque aiguë et nécessitant un traitement par diurétiques de l’anse en intraveineux ont été recrutés. Ces patients ont été randomisés entre un traitement guidé par la natriurèse et un traitement standard.
La natriurèse a été déterminée à plusieurs moments précis après la mise en route du traitement. Et ce dernier a été ajusté en fonction des taux de sodium urinaire dans le groupe guidé par la natriurèse à l'aide d'une approche progressive pré-spécifiée d'augmentation des doses de diurétiques de l'anse et d'instauration d'une thérapie diurétique combinée. Les médecins ont été informés en aveugle des taux de sodium urinaire dans le groupe de traitement standard afin d'éviter le passage d'un groupe de traitement à l'autre.
Les autres critères d’évaluation étaient l'excrétion urinaire de sodium sur 24 heures après le début du traitement par diurétique de l'anse, et la mortalité toutes causes confondues ou la première réhospitalisation pour cause d'insuffisance cardiaque à 6 mois. Ont été surveillé également l'excrétion de sodium à 48 et 72 heures, la durée du séjour à l'hôpital et le pourcentage de variation du peptide natriurétique de type B (BNP) à 48 et 72 heures.
Des résultats positifs pour la natriurèse mais pas pour la mortalité ni les réhospitalisations
La natriurèse au cours des 24 premières heures était significativement plus élevée dans le groupe guidé par la natriurèse que dans le groupe de soins standard (409±178 vs. 345±202 mmol, respectivement). Le critère d'évaluation combiné du délai avant la mortalité toutes causes confondues ou la première réhospitalisation pour insuffisance cardiaque à 180 jours s'est produit chez 46 patients (31%) dans le groupe guidé par la natriurèse et chez 50 patients (31%) dans le groupe de soins standard, sans différence significative entre les groupes (rapport de risque : 0,92 ; intervalle de confiance à 95% 0,62-1,38 ; p=0,6980).
En ce qui concerne les critères d'évaluation secondaires, le traitement guidé sur la natriurèse entraîne une augmentation de la natriurèse de 48 heures (653±249 vs. 575±290 mmol), la diurèse de 24 heures (3 900 vs. 3 330 mL), ainsi que la diurèse de 48 heures (6 655 [vs. 5915 mL). La durée de l'hospitalisation n'est pas significativement différente dans le groupe guidé par la natriurèse (6 [IQR 5-9] jours) par rapport au groupe de soins standard (7 [IQR 5-10 jours]).
Vers une approche thérapeutique personnalisée
L’étude PUSH-AHF démontre ainsi que le traitement guidé sur la natriurèse, en utilisant une approche de traitement diurétique par étapes pré-spécifiées si la réponse est insuffisante (sodium urinaire ponctuel inférieur à 70 mmol et/ou diurèse inférieure à 150 ml/heure), améliore la natriurèse et les résultats cliniques chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque aiguë.
Le Dr Jozine M Ter Maaten, investigatrice principale de cet essai, a d’ailleurs déclaré à ce sujet : "Les résultats confirment l'hypothèse selon laquelle l'évaluation précoce et répétée du sodium urinaire et les ajustements ultérieurs du traitement diurétique conduisent à une meilleure réponse. Bien que les résultats cliniques à 180 jours n'aient pas été affectés dans cet échantillon relativement petit, la stratégie était sûre et n'a pas entraîné de perturbations rénales ou électrolytiques significatives par rapport à la norme de soins. Les cliniciens devraient envisager un traitement diurétique guidé par la natriurèse comme première étape d'une approche thérapeutique personnalisée chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque aiguë afin d'améliorer la décongestion."








