Neurologie

Neuromyélite optique : peut-on faire une désescalade thérapeutique ?

Les biothérapies constituent des traitements de fond de haute efficacité dans de nombreuses maladies autoimmunes chroniques. Il n’est pas clair si ces traitements doivent nécessairement être maintenus au long cours ou si des stratégies de désescalade thérapeutique sont possibles sans risquer une réactivation de la maladie. Il s’agit d’arrêter, d’espacer les doses ou de relayer la biothérapie vers un traitement de moindre efficacité. Nous venons de publier une étude dans Neurology s’intéressant à ce concept dans la neuromyélite optique (Demuth et al., 2023).

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  • 26 Juin 2023
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    La neuromyélite optique (NMOSD) est une maladie autoimmune du système nerveux central associée à des auto-anticorps anti-aquaporine 4 (AQP4). Elle est rare par rapport à la sclérose en plaques (SEP), mais ses poussées sévères (classiquement des névrites optiques et des myélites transverses) engendrent un handicap important, ce qui requiert un traitement de fond immunosuppresseur au long cours.

    Le Rituximab est le traitement de fond le plus prescrit actuellement. Il s’agit d’un anticorps monoclonal anti-CD20, qui déplète les lymphocytes B. La repopulation de ces cellules au décours d’une perfusion est progressive et tend à ralentir à mesure que la durée de traitement augmente. Ceci suggère un effet inducteur du Rituximab qui pourrait persister après un arrêt des perfusions. D’autre part, plus le traitement se prolonge, plus il existe un risque de déficit immunitaire secondaire, notamment l’hypogammaglobulinémie, qui n’est pas toujours réversible à l’arrêt du traitement.

    Dans cette étude, nous présentons une série de cas de désescalades du rituximab chez des patients atteints de NMOSD et décrivons l’activité de la maladie au décours.

    Méthodes

    La série de cas est issue du registre français de neuromyélite optique NOMADMUS. Tous les patients satisfaisaient les critères diagnostics en vigueur IPND 2015 (Wingerchuk et al., 2015).

    Une recherche algorithmique a identifié et extrait les patients ayant eu une ou plusieurs désescalades du Rituximab au cours de leurs suivis. Sept régimes de désescalades furent recherchés : 1) Les arrêts programmés après une perfusion unique, 2) les relais programmés vers des traitements oraux après une perfusion unique, 3) les arrêts programmés après des perfusions périodiques, 4) les relais programmés vers des traitements oraux après des perfusions périodiques, 5) les désescalades avant les grossesses, 6) les désescalades dues à des problèmes de tolérance et 7) l’espacement des perfusions. Les arrêts ou relais du rituximab pour raisons d’inefficacité ou inconnues furent exclues.

    Le critère de jugement principal était le risque absolu de réactivation de la NMOSD (une ou plusieurs poussées) à 12 mois. Les patients séropositifs (AQP4+) ou non (AQP4-) pour les anti-AQP4 furent analysés séparément.

    Résultats

    Nous avons identifié 137 visites où un régime prédéfini de désescalade a eu lieu parmi 78 patients entre 2006 et 2019. Aucun groupe n’est resté libre de poussées sur l’ensemble du suivi disponible après la désescalade (moyenne : 3.2 années ; étendu : 0.79-9.5), exceptées les désescalades avant la grossesse chez les patientes AQP4+.

    Sur l’ensemble des groupes combinés, des réactivations à 12 mois furent observées chez 11/119 désescalades chez des patients AQP4+ (9.2%, IC95% [4.7 ; 15.9], entre 0.69 et 10 mois et chez 5/18 désescalades chez des patients AQP4- (27.8%, IC95% [9.7 ; 53.5]), entre 1.1 et 9.9 mois. Le taux annualisé de poussées après les arrêts ou relais était de 0.20 (IC95% [0.13 ; 0.31]) chez les patients AQP4+ et 0.18 (IC95% [0.09 ; 0.40]) chez les patients AQP4-.

    Ces taux étaient un peu plus élevés que le taux rapporté dans la littérature sous maintien du Rituximab, ou au mieux similaires à ceux de son efficacité à court terme.  

    Discussion

    Il s’agit de la première étude adressant la désescalade thérapeutique dans une grande cohorte de NMOSD. Chaque groupe de désescalade est d’effectif plus réduit, mais à risque de rechute précoce, ce qui, sachant la sévérité des poussées de NMOSD et la fréquence de leur résistance aux traitements de poussées (Demuth et al., 2022), amène à considérer les désescalades avec prudence.

    Le taux de poussées n’était pas celui décrit dans le cadre de l’histoire naturelle de la NMOSD, ce qui est en défaveur d’un rebond inflammatoire se manifestant par des poussées profuses, telles qu’observées dans la SEP après l’arrêt du natalizumab ou du fingolimod (Ashtari et al., 2019; Prosperini et al., 2019).

    Cette étude a certaines limites liées au fait qu’elle est basée sur un registre national de suivi de « vie réelle ». La plupart des désescalades décrites eurent lieu après des durées de traitement courtes et ne sont vraisemblablement pas représentatives des désescalades qui auraient lieu après plusieurs années de traitement. Ceci reste un scénario anecdotique dans notre population d’étude.

    En outre, l’immunophénotypage (le suivi du taux d’anti-AQP4 et de la repopulation des sous-populations lymphocytaires B) était limité dans les données collectées par le registre. Or, ces biomarqueurs sont prédictifs des réactivations de NMOSD (Akaishi et al., 2020; Cohen et al., 2017).

    Les stratégies de personnalisation des espacements de perfusions de Rituximab s’appuient notamment sur le suivi de ces biomarqueurs (Ciron et al., 2018). L’Eculizumab, l’Inebilizumab, and le Satralizumab (Cree et al., 2019; Pittock et al., 2019; Yamamura et al., 2019) sont des traitements qui ont récemment reçu l’autorisation de mise sur le marché dans la NMOSD, contrairement au Rituximab, qui est prescrit hors AMM. Les risques de réactivation après les désescalades de ces traitements ne pourra être évalué qu’après des années de pratiques de prescription.

    Conclusion

    Les désescalades thérapeutiques du Rituximab dans la NMOSD sont associées à un risque de réactivation de la maladie à 12 mois quelque soit le régime de désescalade. Ce risque apparaît comme une augmentation modérée de l’activité de la NMOSD comparé à ce qui pourrait être attendu en cas de maintien au long court du traitement par Rituximab. Des essais cliniques de désescalade seraient nécessaires pour confirmer ces résultats.

    Le suivi de la repopulation des lymphocytes B est une approche prometteuse pour évaluer la propension de la NMOSD à se réactiver. Le risque de réactivation de la maladie après l’arrêt des traitements qui ont récemment eu l’autorisation de mise sur le marché pour cette maladie reste à être évalué.

    Références 

    Akaishi, T., Takahashi, T., Fujihara, K., Misu, T., Abe, M., Ishii, T., Aoki, M., Nakashima, I., 2020. Risk factors of attacks in neuromyelitis optica spectrum disorders. Journal of Neuroimmunology 343, 577236. https://doi.org/10.1016/j.jneuroim.2020.577236

    Ashtari, F., Sahraian, M.A., Oustad, M., Nilipour, Y., 2019. Tumefactive rebound of multiple sclerosis after the short-term cessation of fingolimod: A case report. Mult Scler Relat Disord 39, 101883. https://doi.org/10.1016/j.msard.2019.101883

    Ciron, J., Audoin, B., Bourre, B., Brassat, D., Durand-Dubief, F., Laplaud, D., Maillart, E., Papeix, C., Vukusic, S., Zephir, H., Marignier, R., Collongues, N., NOMADMUS group, under the aegis of OFSEP, SFSEP, 2018. Recommendations for the use of Rituximab in neuromyelitis optica spectrum disorders. Rev. Neurol. (Paris) 174, 255–264. https://doi.org/10.1016/j.neurol.2017.11.005

    Cohen, M., Romero, G., Bas, J., Ticchioni, M., Rosenthal, M., Lacroix, R., Brunet, C., Rico, A., Pelletier, J., Audoin, B., Lebrun, C., 2017. Monitoring CD27+ memory B-cells in neuromyelitis optica spectrum disorders patients treated with rituximab: Results from a bicentric study. J Neurol Sci 373, 335–338. https://doi.org/10.1016/j.jns.2017.01.025

    Cree, B.A.C., Bennett, J.L., Kim, H.J., Weinshenker, B.G., Pittock, S.J., Wingerchuk, D.M., Fujihara, K., Paul, F., Cutter, G.R., Marignier, R., Green, A.J., Aktas, O., Hartung, H.-P., Lublin, F.D., Drappa, J., Barron, G., Madani, S., Ratchford, J.N., She, D., Cimbora, D., Katz, E., N-MOmentum study investigators, 2019. Inebilizumab for the treatment of neuromyelitis optica spectrum disorder (N-MOmentum): a double-blind, randomised placebo-controlled phase 2/3 trial. Lancet 394, 1352–1363. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(19)31817-3

    Demuth, S., Collongues, N., Audoin, B., Ayrignac, X., Bourre, B., Ciron, J., Cohen, M., Deschamps, R., Durand-Dubief, F., Maillart, E., Papeix, C., Ruet, A., Zephir, H., Marignier, R., De Seze, J., NOMADMUS Study Group, 2023. Rituximab De-escalation in Patients With Neuromyelitis Optica Spectrum Disorder. Neurology 10.1212/WNL.0000000000207443. https://doi.org/10.1212/WNL.0000000000207443

    Demuth, S., Guillaume, M., Bourre, B., Ciron, J., Zephir, H., Sirejacob, Y., Kerbrat, A., Lebrun-Frenay, C., Papeix, C., Michel, L., Laplaud, D., Vukusic, S., Maillart, E., Cohen, M., Audoin, B., Marignier, R., Collongues, N., for the NOMADMUS Study Group, 2022. Treatment regimens for neuromyelitis optica spectrum disorder attacks: a retrospective cohort study. Journal of Neuroinflammation 19, 62. https://doi.org/10.1186/s12974-022-02420-2

    Pittock, S.J., Berthele, A., Fujihara, K., Kim, H.J., Levy, M., Palace, J., Nakashima, I., Terzi, M., Totolyan, N., Viswanathan, S., Wang, K.-C., Pace, A., Fujita, K.P., Armstrong, R., Wingerchuk, D.M., 2019. Eculizumab in Aquaporin-4-Positive Neuromyelitis Optica Spectrum Disorder. N Engl J Med 381, 614–625. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1900866

    Prosperini, L., Kinkel, R.P., Miravalle, A.A., Iaffaldano, P., Fantaccini, S., 2019. Post-natalizumab disease reactivation in multiple sclerosis: systematic review and meta-analysis. Ther Adv Neurol Disord 12, 1756286419837809. https://doi.org/10.1177/1756286419837809

    Wingerchuk, D.M., Banwell, B., Bennett, J.L., Cabre, P., Carroll, W., Chitnis, T., de Seze, J., Fujihara, K., Greenberg, B., Jacob, A., Jarius, S., Lana-Peixoto, M., Levy, M., Simon, J.H., Tenembaum, S., Traboulsee, A.L., Waters, P., Wellik, K.E., Weinshenker, B.G., International Panel for NMO Diagnosis, 2015. International consensus diagnostic criteria for neuromyelitis optica spectrum disorders. Neurology 85, 177–189. https://doi.org/10.1212/WNL.0000000000001729

    Yamamura, T., Kleiter, I., Fujihara, K., Palace, J., Greenberg, B., Zakrzewska-Pniewska, B., Patti, F., Tsai, C.-P., Saiz, A., Yamazaki, H., Kawata, Y., Wright, P., De Seze, J., 2019. Trial of Satralizumab in Neuromyelitis Optica Spectrum Disorder. N Engl J Med 381, 2114–2124. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1901747

     

     

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