Santé mentale
Aversion aux bruits du quotidien : la misophonie serait liée à un manque de flexibilité du cerveau
La misophonie, l’aversion à certains bruits du quotidien, pourrait être liée à un problème de régulation des émotions et de flexibilité du cerveau, selon une nouvelle étude.

- Par Sophie Raffin
- Commenting
- Alona Horkova/istock
Si vous ne supportez pas les bruits de bouche, les raclements de gorge, le cliquetis d’un clavier ou encore l’entrechoquement des couverts, vous souffrez peut-être de misophonie. Entre 10 % et 20 % des adultes souffrirent de cette forte intolérance à certains sons du quotidien. Toutefois, l’origine et les mécanismes de ce trouble restent assez mal compris.
Mais, des chercheurs semblent avoir percé certains de ses mystères. Dans leur étude publiée dans British Journal of Psychology, ils révèlent que les personnes atteintes de misophonie ont une flexibilité cognitive et émotionnelle moindre par rapport aux autres.
Misophonie : les patients semblent manquer de flexibilité cognitive
Jusqu’à présent, les recherches menées sur la misophonie ainsi que sa prise en charge se sont principalement concentrées sur l’hypersensibilité sensorielle. L'équipe internationale a décidé de suivre une autre piste. Elle a voulu voir si le trouble n'était pas lié à des difficultés de régulation de l’attention ou des émotions.
Pour cela, les scientifiques ont réuni 140 adultes dont un quart des participants souffraient de misophonie. Tous les participants ont passé un test appelé Memory and Affective Flexibility Task (MAFT). Il mesure la capacité des individus à porter son attention d'une tâche mentale à l'autre en présence de stimuli émotionnels. Les volontaires avaient ainsi deux exercices différents à réaliser en alternance : l’un demandait de mémoriser les images présentées, l’autre consistait à identifier si l’image représentait un élément positif (bébé heureux) ou négatif (chien qui montre les crocs). Le temps nécessaire pour passer d’une épreuve à l’autre ainsi que la précision des réponses lors du décodage des émotions étaient notés.
Dans un deuxième temps, les participants ont répondu à des questionnaires évaluant leur flexibilité cognitive, leur tendance à la rumination et la gravité des symptômes de misophonie .
L’analyse des données a montré que plus les personnes avaient une misophonie sévère, plus leur score MAFT était faible, particulièrement en termes de précision. Cela suggère un capacité cognitive moindre pour traiter les émotions. Par ailleurs, les réponses aux questionnaires ont révélé que les participants qui se décrivaient comme inflexibles dans leur vie quotidienne, avaient aussi tendance à avoir des symptômes de misophonie plus intenses.
"Nous avons examiné deux types de flexibilité : la flexibilité cognitive (mesurée par des questionnaires d’auto-évaluation) et la flexibilité affective (mesurée par une tâche comportementale similaire à un jeu). Les deux étaient liées à la gravité de la misophonie, mais, étonnamment, elles n’étaient pas liées l’une à l’autre. Cependant, cela concorde avec des recherches antérieures montrant que les questionnaires et les tâches comportementales peuvent mesurer la même capacité mentale à différents niveaux, et qu’ils ne sont pas toujours parfaitement cohérents", a expliqué Mercede Erfanian, auteure de l'étude et membre de l'ESSCA School of Management, au site PsyPost.Autre découverte : les patients souffrant de misophonie avaient tendance à être davantage sujets aux ruminations, et plus particulièrement les pensées persistantes et la colère. Jusqu'à 43 % du lien entre l'inflexibilité cognitive et la misophonie pouvait être expliqué par la rumination, selon les auteurs.
La misophonie est un trouble complexe, et non une bizarrerie
Pour les chercheurs, leur étude met en évidence le "profil cognitif unique" de la misophonie. Il se caractérise par une rigidité au niveau psychologique avec l'inflexibilité cognitive et la rumination, ainsi qu'au niveau de la fonction exécutive avec les difficultés de commutation affective.
"Nos résultats suggèrent que la misophonie n'est pas simplement une bizarrerie ou une aversion (du patient), mais un trouble complexe", ajoute Mercede Erfanian. "La sensibilité au bruit n'est peut-être que la partie émergée de l'iceberg. Les personnes atteintes de misophonie présentent souvent d'autres différences psychologiques, même en l'absence de déclencheurs auditifs ou visuels. Reconnaître cette complexité peut contribuer à affiner les approches thérapeutiques et à réduire la stigmatisation."