Témoignage patient
Cancer de l’ovaire : "Mon ventre était de plus en plus gonflé, le médecin n’a pas pris ça au sérieux"
Après avoir souffert de troubles digestifs et d’une altération de son état général, qui ont été négligés par un généraliste, Morgane a reçu un diagnostic de cancer de l’ovaire. Actuellement, elle participe à un essai clinique testant l’efficacité des anticorps conjugués contre la tumeur.

- Par Geneviève Andrianaly
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"En 2021, j’ai constaté que mon ventre était de plus en plus gonflé, mais je ne me suis pas inquiétée. J’ai mis ça sur le dos du télétravail. Étant donné que j’étais plus sédentaire, il était possible que j’ai pris un ou deux kilos. Pour les perdre, j’ai donc repris la marche et je me suis inscrite à des cours d’aérobic. En parallèle, j’ai également changé mon alimentation, plus précisément supprimer les produits contenant du gluten. Mais aucun changement. Pire encore, mon ventre s’arrondissait davantage au fil des semaines", se souvient Morgane, aujourd’hui âgée de 40 ans. À l’époque, la biologiste, qui a fait 10 ans des recherches sur le cancer, a alors pensé à un déni de grossesse et a fait un test, qui s’est avéré être négatif. De plus en plus préoccupée, elle a demandé l’avis de ses sœurs et une amie, toutes infirmières, qui l'on rassurée.
Le médecin "m’a prise pour une dinde, surtout quand j’ai évoqué ma prise de poids"
"Plus le temps passait, plus mon ventre devenait lourd. De plus, j’avais du mal à rester assise plus de deux ou trois heures, j’étais épuisée même après une bonne nuit de sommeil, j’avais comme une gueule de bois. Je souffrais aussi d’une perte d’appétit, je ne parvenais plus à manger que quelques bouchées", détaille la Nantaise qui était âgée de 37 ans à ce moment-là. Face à ces symptômes, elle décide de prendre un rendez-vous avec un médecin généraliste qu’elle avait déjà consulté une fois. "Lorsque je lui ai parlé mes symptômes, il ne les a pas pris au sérieux. Il m’a clairement pris pour une dinde, surtout quand j’ai évoqué ma prise de poids. Il m’a prise pour une femme anxieuse et hypocondriaque qui n’assumait pas d’avoir pris des kilos. Il m’a fait comprendre, avec un regard dédaigneux, qu’à l’approche de la quarantaine, il fallait faire attention à son mode de vie pour éviter de prendre du poids. Sans même m’ausculter et palper mon ventre gonflé, le médecin, persuadé que je n’avais rien de grave, m’a prescrit une prise de sang pour le diabète, le cholestérol et une échographie endopelvienne à cause de mes légers problèmes de transit, et basta ! Avant de quitter le cabinet, il m’a conseillé de télécharger l’application Petit Bambou pour mieux gérer mes angoisses."En colère et surtout inquiète, la chercheuse prend alors un rendez-vous pour faire une échographie endopelvienne. Problème : le délai pour effectuer l’examen était d’un mois. "Je ne pouvais pas attendre, mes symptômes s’aggravaient. Sous les conseils de ma tante, j’étais allé voir un ostéopathe. Dès le début de la consultation, je lui ai demandé de ne pas négliger mes symptômes et de ne pas tout mettre sur le compte de ma prise de poids. Très professionnel, il m’a ausculté, mais rapidement, il m’a fait comprendre que quelque chose n’allait pas, car j’avais beaucoup d’ascite, un liquide inflammatoire, dans l’abdomen. Il n’arrivait même pas à sentir mes tissus et me masser correctement." Ni une, ni deux, la trentenaire se rend alors aux urgences, près de chez sa mère, après la consultation avec l’ostéopathe. En raison d’un délai d’attente de 5 heures 30, elle a dû retourner chez elle et revenir le lendemain à 8 heures... "Sur place, l’interne a, dans un premier temps, laissé planer le doute en me prescrivant aussi une échographie, mais c’était le même scénario pour le délai d’attente. J’ai insisté en lui disant qu’il fallait trouver une réponse. Ainsi, on m’a fait faire un scanner. Après avoir analysé les résultats, l’interne m’a annoncé que mes ovaires n'étaient pas très beaux et que j’avais de grosses lésions. Il m’a fait comprendre qu’il s’agissait sans doute d’une tumeur." Morgane est alors transférée en ambulance aux urgences de Quimper pour faire des examens supplémentaires. "Je me souviens avoir ma mère au téléphone, car elle ne pouvait pas m’accompagner durant la crise sanitaire et les confinements. Je lui ai dit que j’avais sans doute un cancer. Elle n’y croyait pas !" Arrivée au centre hospitalier, elle est admise dans le service chirurgie et gynécologie. "J’ai fait une échographie endopelvienne et du bas ventre, une prise de sang pour identifier des biomarqueurs. Ici, il s’agit d’un antigène tumoral 125 (CA 125), une protéine observée sur la plupart des cellules cancéreuses de l'ovaire. En général, la valeur est en-dessous de 35. Dans mon cas, le taux était à plus de 1.000. On m’annonce donc que j’ai une carcinose péritonéale au niveau de la rate, l’appendice, le péritoine, l’utérus et les ovaires, qui étaient très malades." En clair, la biologiste était atteinte d’un cancer de l’ovaire. Cette pathologie reste silencieuse à des stades précoces, c’est pourquoi elle a été diagnostiquée à un stade 3. Quelques jours après le diagnostic, Morgane fait une cœlioscopie exploratrice pour voir l’étendue de la maladie et une biopsie. Et, pour une meilleure prise en charge, elle décide de se faire suivre dans un centre expert à Nantes. "On m’a expliqué qu’on allait me faire des ponctions d’ascite chaque semaine, que j’allais ensuite bénéficier de séances de chimiothérapie, d’une chirurgie puis encore de séances de chimiothérapie et finir avec un traitement de maintenance durant plusieurs années, car les risques de récidive sont élevés." En mars 2022, elle commence les soins, subissant d’abord subi une laparotomie. "On m’a ouvert le ventre, du pubis au sternum pour enlever toute trace de la maladie." Ensuite, elle suit trois cycles de chimiothérapie, qui ont partiellement fonctionné. "Pendant le traitement, j’ai perdu du poids, j’avais un goût métallique dans la bouche, la peau sèche, la bouche pâteuse et j’étais très fatiguée, surtout la première semaine après la séance. Mais le plus dramatique pour moi, c’était la perte de mes cheveux, qui étaient longs. J’avais l’impression de perdre mon identité !" En parallèle, la Nantaise fait preuve de résilience et prend la décision de continuer à travailler. "J’avais besoin de garder mon autonomie financière et de toujours utiliser mes capacités intellectuelles. Côté vie sociale, je sortais beaucoup moins, mais après la première semaine de chimiothérapie, je continuais à sortir avec mes amis au restaurant et au concert. Le cancer ne m’a pas empêchée de vivre, c’était plutôt le regard triste des autres, en voyant mon bandeau sur la tête, qui me ramenait à ma maladie", confie la trentenaire dont la pathologie a été reconnue par la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées. Pendant un an et demi, Morgane prend, dans le cadre d’un programme de maintenance, de l’"olaparib". En décembre 2023, des cellules cancéreuses sont de nouveau détectées dans ses ganglions. "J’ai dû refaire de la chimiothérapie de janvier à juin. Ensuite, j’ai enchaîné sur un vaccin contre le cancer de l’ovaire dans le cadre d’un essai clinique, mais j’ai de nouveau présenté une récidive. Aujourd’hui, je teste les anticorps conjugués (antibody-drug conjugates/ADC), qui couplent des molécules de chimiothérapie à un anticorps. Jusqu’à présent, ils fonctionnent et ralentissent la progression de la maladie. Et surtout, maintenant que je n’ai plus recours à des traitements causant une alopécie, mes cheveux ont repoussé. C’est génial, car les gens me regardent normalement !", s’exclame la bénévole et référente pour le Grand-Ouest de l’association IMAGYN.Cancer à un stade 3 : des ovaires "pas très beaux" et "de grosses lésions"
"Pas possible d’avoir des enfants"
"À ce moment-là, je n’ai été ni surprise, ni effrayée. C’était comme si je m’y attendais toute ma vie. Et je savais qu’il y avait des antécédents de cancer dans ma famille. Ma grand-mère était atteinte du cancer du sein et était décédée à 40 ans. Selon les médecins, j’ai une mutation des gènes BRCA liée au cancer de ma grand-mère, mais rien n’est sûr." C’est pour cela que la patiente, qui a culpabilisé au sujet de son mode de vie, notamment le tabagisme et la consommation d’alcool, fait actuellement des tests génétiques à Nantes. "Rapidement, on m’a également fait comprendre qu’il n’était pas possible pour moi d’avoir des enfants, car mes ovaires très malades ne peuvent pas être préservés. De plus, mon utérus devait être retiré. Mais, comme je n’ai jamais eu envie d’avoir d’enfants, la question ne s’est pas posée."Perte de cheveux : "J’avais l’impression de perdre mon identité !"
Cancer de l'ovaire : "Je teste les anticorps conjugués"