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Autisme : ce que la génétique nous apprend enfin
Le trouble du spectre de l’autisme est aujourd’hui reconnu comme ayant une forte composante génétique, mais les gènes impliqués sont nombreux et complexes, décrivent des chercheurs.

- Par Stanislas Deve
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- Tatsiana Volkava / istock
Longtemps entouré de malentendus, le trouble du spectre de l’autisme commence à livrer ses secrets grâce à la génétique. Pendant des décennies, ses origines ont été mal comprises, rapporte un récent article de la BBC News Afrique, citant plusieurs experts du sujet. Jusqu'aux années 1970, la théorie de la "mère réfrigérateur" prévalait, imputant l’autisme à des parents émotionnellement distants. Une hypothèse profondément erronée et dommageable, selon Daniel Geschwind, professeur à l’UCLA (Etats-Unis). C’est finalement en 1977 qu’une étude menée sur des jumeaux contredit cette version, démontrant que la génétique joue en réalité un rôle majeur dans le développement de l’autisme, un trouble qui concerne environ 700.000 personnes en France.
Des mutations majeures à l'origine de handicaps sévères
Aujourd’hui, on sait que l’autisme est hautement héréditaire : si un jumeau identique est autiste, l'autre l'est dans plus de 90 % des cas. Pourtant, l’identification des gènes impliqués – des facteurs qui influencent leur expression – reste complexe. Le professeur Thomas Bourgeron, de l’Institut Pasteur, explique : "Parfois, ces variations génétiques n'ont aucun effet, parfois un petit, et parfois un effet très fort." Des mutations majeures dans un seul gène expliquent près de 20 % des cas d’autisme, souvent associées à un handicap intellectuel, moteur ou à une encéphalopathie épileptique. "Ce n'est pas l'autisme qu'on voit dans les films", précise Bourgeron.
Jusqu’à présent, les chercheurs ont identifié au moins 100 gènes où ces mutations peuvent se produire. Certaines mutations, dites "de novo", apparaissent de façon spontanée, aléatoire. D'autres sont héritées mais silencieuses chez les parents, neurotypiques. "Ce qui se passe, c'est que chez l'enfant, la mutation majeure s'ajoute à d'autres variantes génétiques mineures, précise Geschwind. Or une mutation seule peut ne rien provoquer, mais combinée à d’autres, elle peut perturber le développement neurologique."
Vers des thérapies ciblées sur les mutations géniques
La génétique ouvre de nouvelles voies thérapeutiques pour traiter le trouble du spectre autistique, selon les experts. Geschwind et Bourgeron testent actuellement des approches ciblant la copie non affectée d’un gène mutant. Des essais cliniques sont notamment en cours avec des enfants portant des mutations du gène Shank3, qui joue un rôle clé dans l’expression de l’autisme. "Ce type d’essai est possible car chaque enfant a un diagnostic génétique", note le professeur Joseph Buxbaum.
Des craintes de sélection à partir de tests génétiques
Bien que ces travaux aident à mieux comprendre l’origine du trouble, le concept même de recherche génétique inquiète une partie de la communauté autiste. Sue Fletcher-Watson, de l’Université d'Édimbourg, rappelle que "l'autisme n'est pas comme le cancer. Ce n'est pas un mal universellement reconnu qu'il faut éradiquer". Certains scientifiques redoutent notamment un test prénatal qui pourrait entraîner l'élimination systématique des fœtus diagnostiqués. "Les chercheurs en génétique n'ont guère pris en compte les craintes de la communauté autiste", déplore-t-elle.
La question est posée : faut-il parler de traitement de l’autisme ? Fletcher-Watson plaide plutôt pour traiter les déficiences qui lui sont associées, comme l’épilepsie ou les troubles du sommeil. Bourgeron insiste : "Nous devons retourner aux besoins individuels." Certains autistes ont en effet besoin d’un soutien 24h/24, d'autres seulement d'un accompagnement scolaire. "Nous devons mieux reconnaître la neurodiversité et permettre à chacun de s’épanouir", conclut le chercheur.