Neurologie

AVC ischémique à la phase aiguë : une pression artérielle systolique à 120 mm Hg est néfaste

À la phase aiguë d’un AVC ischémique, après une thrombectomie mécanique, l'abaissement de la pression artérielle systolique en-dessous de 140 mm Hg est plutôt délétère

  • Mohammed Haneefa Nizamudeen/istock
  • 01 Nov 2022
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    À la phase aiguë après un AVC ischémique, une hypertension artérielle est très fréquente, et plus la pression artérielle est élevée, plus les risques d'avoir une hémorragie intra-cérébrale sont grands. Une question traditionnelle est donc le niveau de réduction de la pression artérielle systolique (PAS) qu’il est nécessaire d’obtenir à la phase aiguë pour éviter d’aggraver les lésions par une hémorragie intra-cérébrale.

    Selon une nouvelle étude chez des patients qui ont subi une thrombectomie endovasculaire pour un AVC ischémique aigu secondaire à une occlusion intracrânienne des gros vaisseaux, le contrôle intensif de la pression artérielle systolique pour la ramener à moins de 120 mm Hg doit être évité car cela risque de compromettre la récupération fonctionnelle des malades. Les résultats de l'essai ENCHANTED2/MT ont été présentés lors du 14e Congrès mondial de l'AVC (WSC) et ont été publiés simultanément en ligne dans The Lancet.

    Mauvaise récupération fonctionnelle

    La probabilité d'un mauvais résultat fonctionnel est plus élevée dans le groupe traitement plus intensif que dans le groupe traitement moins intensif (OR commun 1-37 [IC à 95% 1-07-1-76]).

    Par rapport au groupe traitement moins intensif, le groupe de traitement plus intensif a une détérioration neurologique précoce plus importante (OR commun 1-53 [IC à 95% 1-18-1-97]) et invalidité majeure à 90 jours plus fréquente (OR 2-07 [IC à 95% 1-47-2-93]), mais il n'y a pas de différence significative en ce qui concerne les hémorragies intracérébrales symptomatiques.

    Il n'y a pas non plus de différence significative entre les groupes en ce qui concerne les événements indésirables graves ou la mortalité.

    Large étude randomisée

    ENCHANTED2/MT est un essai contrôlé randomisé en aveugle et en ouvert sur 821 malades et 44 hôpitaux en Chine. Les patients éligibles (âgés de ≥18 ans) avaient une pression artérielle systolique élevée persistante (≥140 mm Hg pendant >10 min) après une reperfusion réussie par thrombectomie endovasculaire pour un accident vasculaire cérébral ischémique aigu secondaire à une occlusion de tout gros vaisseau intracrânien. Les patients ont été randomisés entre un traitement plus intensif (objectif de pression artérielle systolique <120 mm Hg) ou moins intensif (objectif 140-180 mm Hg) à atteindre dans l'heure qui suit et à maintenir pendant 72 heures.

    Le principal critère d'efficacité était la récupération fonctionnelle, évaluée selon la distribution des scores sur l'échelle de Rankin modifiée (de 0 [aucun symptôme] à 6 [décès]) à 90 jours. Les analyses ont été effectuées en intention de traiter.

    HTA et risque d’hémorragie intra-crânienne

    Une pression artérielle systolique élevée après un traitement endovasculaire réussi pour un accident vasculaire cérébral ischémique aigu est généralement associée à un risque accru d'hémorragie intra-parenchymateuse, d’où l’importance de résoudre la question de l’objectif auquel ramener la PAS pour éviter cela. Les recommandations actuelles donnent un objectif de pression artérielle systolique à la phase aiguë d’un AVC ischémique en dessous de 180 mm Hg, mais sans limite inférieure.

    En 2019, le premier essai ENCHANTED avait montré qu'un abaissement modéré de la pression artérielle en post-AVC immédiat, jusqu'à environ 140 mm Hg, était associé à une réduction des complications hémorragiques de la thrombolyse, mais qu'il n'améliorait pas la récupération fonctionnelle. De plus cet essai avait été réalisé avant la généralisation de la thrombectomie mécanique pour les occlusions des gros vaisseaux. En 2021, un essai français de plus petite taille, mais après thrombectomie mécanique, ne trouvait pas non plus de bénéfice fonctionnel à faire baisser la pression artérielle systolique entre 100 et 130 mm Hg par rapport à 130-189 mm Hg.

    Dans cette étude ENCHANTED2/MT, l’incidence des hémorragies intracrâniennes symptomatiques, la mortalité et les événements indésirables graves n'ont pas différé de manière significative entre les deux groupes. Il n'y a pas eu de différences significatives non plus pour les récidives d'accident vasculaire cérébral ischémique à 90 jours, et aucun épisode d'hypotension sévère n'a été signalé comme événement indésirable grave.

    Mais, parmi les survivants, les patients du groupe traitement plus intensif sont plus nombreux à avoir une incapacité majeure (scores mRS, 3-5) à 90 jours que les patients du groupe traitement moins intensif (43% contre 28% ; OR = 2,07 ; p = 0,0001). Selon les auteurs, un des mécanismes de cet effet délétère pourrait être que la réduction intensive de la pression artérielle pourrait interférer avec la circulation sanguine dans la partie lésée du cerveau et entraver la capacité de récupération après le retrait du caillot.

    En pratique

    Les recommandations actuelles donnent un objectif de pression artérielle systolique à la phase aiguë d’un AVC ischémique en dessous de 180 mm Hg, mais sans limite inférieure. L’essai ENCHANTED2/MT nous apprend qu’il serait délétère de descendre en dessous de 140 mm Hg, jusqu'à 120 mm Hg.

    Même si la population étudiée est chinoise, et qu'elle a un risque plus élevé traditionnellement d’athérosclérose intra-cérébrale, sa cohérence avec l’étude française est rassurante. Selon les auteurs, ENCHANTED2/MT montre que la cible thérapeutique après thrombectomie mécanique est probablement proche de 140-150 mm Hg de PAS, mais qu'elle est probablement plus proche de 180 mm Hg en l’absence de thrombectomie.

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    JDF