Neurologie

Maladie de Charcot : un antisens révolutionne le traitement

Une technique de blocage d’un gène défectueux, via un antisens empêchant l’ARN messager correspondant de fabriquer la protéine défectueuse et toxique, ouvre des perspectives thérapeutiques révolutionnaires dans la sclérose latérale amyotrophique… et d’autres maladies dégénératives.

  • ArtemisDiana/istock
  • 23 Sep 2022
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    Des scientifiques affirment avoir ralenti la progression et même inversé une partie du déficit moteur dans la maladie de Charcot, ou sclérose latérale amyotrophique (SLA), chez certains patients porteurs de la mutation SOD1 (SOD1 ALS). C'est la première fois que des patients SLA participant à une étude clinique rapportent une amélioration de leur fonction motrice !

    La mutation SOD1 entraîne la production d'une forme toxique de la protéine SOD1, qui détruit progressivement les neurones moteurs (motoneurones). L'oligonucléotide antisens, tofersen, administré par voie intrathécale, se fixe sur les ARN messager du gène SOD1 muté et bloque la production de la forme anormale et toxique de protéine superoxyde dismutase 1 (SOD1) dans le système nerveux. In fine, elle prévient la dégradation des motoneurones et améliore progressivement les symptômes moteurs.

    L'essai mené sur 108 personnes a fait appel à « antisens » (RNAi), un type de médicament innovant qui est un outil de « gène silencing » ou « extinction de gène », c’est-à-dire que l’antisens vient bloquer l’ARN messager du gène muté et bloque ainsi la production de la protéine anormale et toxique pour les motoneurones. L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.

    L’antisens bloque la production de protéine toxique

    Le tofersen entraîne des réductions plus importantes des concentrations de SOD1 dans le LCR et des chaînes légères des neurofilaments dans le plasma, par rapport au placebo.

    Dans le sous-groupe à progression plus rapide (analyse primaire), la variation à la semaine 28 du score ALSFRS-R est de -6,98 avec le tofersen et de -8,14 avec le placebo (différence de 1,2 point ; IC à 95%, -3,2 à 5,5 ; p=0,97).

    Les résultats des critères d'évaluation clinique secondaires ne différent pas significativement entre les deux groupes à six mois de traitement, les personnes qui avaient reçu l’antisens ont des taux plus faibles de SOD1 mais ne sont pas mieux physiquement. Mais après un an, cependant, dans l’étude d’extension, l’antisens ralentit le rythme de progression de la maladie et les symptômes de certains patients s'améliorent par rapport au groupe placebo qui a reçu le tofersen à partir du 6ème mois et jusqu’à un an.

    Amélioration lente et progressive

    Au total, 95 participants (88%) ont participé à l’étude de suivi en ouvert. Après 52 semaines, la variation du score ALSFRS-R est de -6,0 dans la cohorte traitée d’emblée (traitement précoce), donc stable ou en amélioration, et de -9,5 dans la cohorte qui a commencé le traitement antisens après 6 mois de placebo dans l’étude d’extension en ouvert (traitement différé), soit une différence 3,5 points (IC à 95%, 0,4 à 6,7). Des différences non ajustées en faveur de l’antisens en administration précoce sont observées pour les autres critères d'évaluation.

    Les effets indésirables liés à la ponction lombaire sont fréquents. Des effets indésirables neurologiques graves sont survenus chez 7% des patients traités par antisens.

    Un traitement de précision et individualisable

    Le traitement cible directement et précisément la cause fondamentale de ce type de maladie du motoneurone : la production d’une forme anormale de la protéine SOD1. Ces mutations sont à l'origine d'environ 2% des cas de SLA, mais d'un cas sur cinq dans les familles touchées par la mutation (SLA SOD1). Cet antisens tofersen ne fera donc rien pour les 98% de patients SLA sans la mutation SOD1, mais on a observé d’autres mutations dans la SLA, sur plus de 30 gènes différents, et celles-ci pourraient être ciblées de manière similaire avec un autre antisens, spécifique de l’ARN messager du gène défectueux responsable.

    La question est désormais de savoir s'il faut administrer l’antisens à un stade plus précoce de la maladie, où il y a de bonnes chances qu’il soit plus efficace car il y aura moins de motoneurones perdus (maladie neurodégénérative), voire même aux personnes en bonne santé mais porteuses de la mutation SOD1, ceci afin de prévenir l'apparition de la maladie. Par ailleurs, l'approche utilisée qui consiste à bloquer la production d’une protéine anormale et toxique par un antisens (RNAi), miroir de l’ARN messager issu d’un gène défectueux sur l’ADN, est susceptible d'avoir des applications plus larges dans différents types de maladies neurodégénératives plus fréquentes.

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    JDF