Rhumatologie

Goutte : ajuster le traitement en fonction de l’uricémie ou des symptômes ?

Le traitement de la goutte doit être organisé pour l’obtention d’une uricémie-cible inférieure à 6 mg/dL si l’on veut éviter les crises de goutte ou en réduire significativement le nombre.

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  • 02 Jan 2022
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    Certains discutent encore de la pertinence d’abaisser l’uricémie en fonction d’un objectif-cible d’uricémie, considérant qu’au cours du traitement de la goutte, il n’est pas nécessaire de se baser sur l’uricémie, qui est un « surrogate marker », mais qu’il est préférable d’ajuster le traitement en fonction des symptômes. Ce faisant, ils mettent en doute la relation de cause à effet entre l’uricémie et l'apparition de crises de goutte.

    Pourtant, chez les personnes atteintes de goutte, l'obtention d'une uricémie moyenne inférieure à 6 mg/dL est associée à une augmentation de 71% des chances de n’avoir pas de crises de goutte et une réduction moyenne de 59% du nombre de crises de goutte au cours des 12 mois suivants. Ces résultats sont issus d’une méta-analyse publiée par le Lancet Rhumatology et soutiennent une approche de traitement Treat-to-Target ciblée sur une uricémie à 6 mg/dL dans la gestion de la goutte.

    Différence cliniquement significative

    Les malades qui ont atteint en moyenne une uricémie inférieure à 6 mg/dL (0,36 mmol/L) sur la base des données recueillies à 6, 9 et 12 mois après le début de l'étude ont été définies comme des répondeurs.

    Les chercheurs identifié 343 répondeurs et 245 non-répondeurs au traitement hypouricémiant en fonction de l’obtention ou non d’une uricémie-cible de 6 mg/dL. Entre 12 et 24 mois, les répondeurs ont été significativement moins nombreux à avoir une crise de goutte que les non-répondeurs : 91 des 343 répondeurs (27%) contre 156 des 245 non-répondeurs (64%) ; OR ajusté 0,29 (IC à 95% 0,17 à 0,51), p<0-0001).

    Le nombre moyen de crises par participant par mois entre 12 et 24 mois est significativement plus faible chez les répondeurs que chez les non-répondeurs avec une réduction moyenne de 59% du nombre de crises de goutte (différence moyenne ajustée -0,41 [IC à 95% -1,77 à -1,04], p<0-0001).

    Une méta-analyse sur données individuelles

    Les chercheurs ont réalisé une méta-analyse à partir des données individuelles de deux essais randomisés sur les traitements hypouricémiants chez les personnes atteintes de goutte, menés au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. Ce type de méta-analyse est de bien meilleure qualité.

    Le critère primaire était la proportion de participants ayant eu au moins une crise de goutte, et le critère secondaire était le nombre moyen de crises par participant et par mois, de 12 à 24 mois après l’inclusion, comparé entre les répondeurs et les non-répondeurs à l'urate sérique.

    L’analyse de régression logistique a été ajustée tout particulièrement sur l’uricémie au début de l'étude, les antécédents de crises dans l'année précédant l'entrée dans l'étude, la présence de tophi au début de l'étude qui ont donc été inclus comme covariables.

    Des recommandations fortes

    Pour mémoire, les recommandations 2020 de l’American College of Rheumatology s’appuient sur des niveaux de preuve élevés pour indiquer la mise en place d'un traitement de fond hypouricémiant chez tous les patients souffrant de goutte tophacée, de lésions radiographiques dues à la goutte ou de crises de goutte fréquentes. L'allopurinol est le traitement hypouricémiant de première intention, y compris pour les personnes souffrant d'insuffisance rénale chronique (IRC modérée à sévère ; stade >3).

    L’allopurinol est débuté par une faible dose (100 mg/jour, et moins en cas d'IRC) ou de fébuxostat (< 40 mg/jour). La stratégie d’escalade du traitement hypouricémiant est de type « Treat-to-Target » (traitement à l’objectif) avec une adaptation de la dose d’hypouricémiant guidée par des mesures régulières de l’uricémie et une uricémie-cible inférieure à 6 mg/dl.

    Éviter les crises du début du traitement

    Il faut se souvenir que des crises sont possibles lors de l’initiation du traitement hypouricémiant, essentiellement en raison de la mobilisation des cristaux d’acide urique dans les tissus, induite par l’abaissement de l’acide urique dans le sang.

    Lors de l'initiation d'un hypouricémiant, un traitement prophylactique anti-inflammatoire concomitant d'une durée d'au moins 3 à 6 mois est donc fortement recommandé par colchicine.

    En cas de survenue de crise de goutte, la colchicine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou les corticoïdes (surtout par voie intra-articulaire) sont fortement recommandés.

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    JDF