Rhumatologie

Maladies auto-immunes : ajustement des doses des biothérapies sur les taux sériques ?

Un monitorage et un ajustement des doses d’infliximab sur ses taux sériques permettrait d’obtenir à la fois une meilleure réponse et un meilleur contrôle sur le long cours des maladies inflammatoire chroniques auto-immunes. On peut se poser la même question avec les autres biothérapies.

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  • 23 Décembre 2021
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    Le bon contrôle des maladies inflammatoires chroniques auto-immunes par les biothérapies, ou DMARD biologiques (bDMARD), est un objectif thérapeutique clé car les poussées peuvent être associées à des dommages structuraux irréversibles, à une mise sous corticoïdes et à une détérioration de la qualité de vie.

    Les causes des échecs primaires et secondaires sont mal comprises même si l’apparition d’anticorps anti-DMARD biologique ou l’obtention de faibles concentrations de biothérapies, induites par l’obésité ou des différences de métabolisme d’origine génétique, sont probablement des facteurs importants. Les faibles concentrations de biothérapie pourraient également contribuer à la formation d'anticorps anti-médicaments.

    Jusqu’ici, l’ajustement des doses de biothérapie en fonction du monitorage des taux sériques n’avait pas révélé de bénéfice évident dans différentes petites études. Cela change avec l’étude NOR-DRUM B, publiée dans le JAMA.

    Une étude randomisée en fonction du monitorage

    Dans l’étude randomisée NOR-DRUM B, le critère d'évaluation principal, à savoir le contrôle durable de la maladie sans aggravation, est atteint chez 167 (73,6%) des patients du groupe monitorage des taux sériques (TDM) et chez 127 (55,9%) des patients du groupe traitement standard (non-TDM) (différence moyenne ajustée, 17,6% en faveur de l’ajustement des doses sur les taux sériques (TDM) ; IC à 95 %, 9,0 %-26,2 % ; p < 0,001).

    Le traitement standard est associé à un risque plus élevé d'aggravation secondaire de la maladie que le traitement ajusté sur le taux sérique sur un suivi de 52 semaines (rapport des risques, 2,1 ; IC à 95 %, 1,5-2,9) et à une formation plus fréquente d'anticorps anti-médicaments à des concentrations considérées comme cliniquement significatives (15,0% contre 9,2%).

    La plus grande efficacité du traitement ajusté sur les taux sériques (TDM) est maintenue dans les analyses de sensibilité prenant en compte les différents facteurs d'aggravation de la maladie, ce qui est particulièrement important étant donné la conception ouverte de l'essai.

    Un progrès majeur mais coûteux

    Les biothérapies, ou DMARD biologiques (bDMARD), ont transformé le traitement de fond des patients souffrant de maladies inflammatoires chroniques auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite et les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI). Elles améliorent la symptomatologie et réduisent les lésions structurelles des articulations, de l’appareil digestif et des autres organes éventuellement atteints. Au final, elles réduisent l'importance de l’invalidité, les comorbidités et la mortalité.

    Cependant, près de la moitié des patients ne répondent pas au traitement initial et environ 50% des répondeurs initiaux ont par la suite une perte du contrôle de la maladie, défini comme un échec secondaire. De plus, étant très coûteuses, il convient d’en bien ajuster le traitement.

    Un essai contrôlé d’ajustement du traitement

    NOR-DRUM B est un essai clinique randomisé, visant à évaluer l’intérêt de la surveillance des taux sériques des biothérapies (therapeutic drug monitoring ou TDM) avec l'infliximab par rapport à la stratégie standard (sans TDM) avec l'infliximab.

    Dans cet essai, 458 patients atteints de maladies inflammatoires auto-immunes stables et traités par infliximab à dose d'entretien ont été randomisés pour avoir, soit la surveillance thérapeutique des médicaments (TDM), dans laquelle l’ajustement des doses d'infliximab et les intervalles d'administration sont déterminés sur la base d’in monitorage programmé des taux sériques de l’infliximab et d'anticorps anti-infliximab, soit la stratégie standard où l’infliximab est donné à la dose standard ajustée simplement au poids et sans surveillance des taux sériques d’infliximab et d'anticorps anti-infliximab.

    Ajustement au monitorage sérique en cas de réponse inadéquate

    Selon un éditorial associé, la taille relativement importante de l'échantillon et le plan d'étude rigoureux de l’étude permettent de surmonter certaines limites des études d'observation précédentes et des petits essais cliniques qui avaient donné des résultats contradictoires concernant l’ajustement en fonction des taux sériques. Le maintien du contrôle de la maladie chez près de 3 patients sur 4 représente une amélioration significative par rapport au traitement standard simplement ajusté sur le poids.

    Bien que les analyses de sous-groupes aient suggéré un bénéfice possible de cet ajustement sur les taux sériques pour chaque maladie inflammatoire à médiation immunitaire, en raison de la petite taille des échantillons des sous-groupes, il n'est pas clair si les concentrations sous-thérapeutiques d'infliximab ou la formation d'anticorps anti-médicaments sont des causes d'échec secondaire aussi importantes pour chaque maladie inflammatoire chronique auto-immune.

    Ces résultats plaident cependant en faveur d'une approche proactive de type « treat-to-target » en monitorant les taux sériques pour guider le traitement par infliximab chez les patients avec réponse inadéquate primaire ou secondaire sous infliximab. Cela n'est cependant pas forcément transposable à d'autres bDMARDs car l'infliximab, du fait du caractère non-humanisé de son anticorps est particulièrement sujet aux anticorps anti-infliximab. L’association au méthotrexate est ainsi recommandée pour réduire le risque de développement d'anticorps anti-infliximab. Cependant, dans l’étude NOR-DRUM B, les avantages observés du monitorage des taux sériques d’infliximab existent que les malades soient utilisateurs ou non-utilisateurs d'un traitement immunosuppresseur concomitant.

    En pratique

    Globalement, les résultats de l’étude NOR-DRUM B et ceux d'autres études récentes soutiennent l’intérêt de l’ajustement des doses d’infliximab à ses taux sériques et à la présence d’anticorps anti-infliximab lors du traitement des maladies inflammatoires chroniques auto-immunes, au moins en cas de réponse inadéquate. Cependant, des essais cliniques supplémentaires pour chaque maladie auto-immune spécifique sont nécessaires.

    D'autres études sont également nécessaires pour déterminer si cette stratégie peut être efficace pour les patients traités par d'autres bDMARDs et avec réponse inadéquate.

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