Infectiologie
Covid-19 et sur-mortalité en 2020 : 5 fois plus qu’une épidémie de grippe sévère
En 2020, un très grand nombre d’années de vie ont été perdues à cause de la Covid-19 dans 31 pays. La France s’en sort plutôt bien par rapport aux pays voisins ou comparables mais la pandémie n’est pas terminée.
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En 2020, plus de 28 millions d'années de vie ont été perdues en plus par rapport aux projections dans 31 pays où les données de population sont fiables (revenu moyen supérieur et à revenu élevé). C’est 5 fois plus qu’au cours d’une épidémie de grippe sévère selon une étude publiée dans The BMJ.
À l'exception de Taïwan, de la Nouvelle-Zélande, du Danemark, de l'Islande, de la Norvège et de la Corée du Sud, tous les autres pays analysés ont enregistré plus de décès prématurés que prévu en 2020. Les taux les plus élevés de décès prématurés excédentaires ont été enregistrés en Russie, en Bulgarie, en Lituanie et aux États-Unis.
Les taux sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Ils sont également plus élevés chez les personnes âgées de 65 ans et plus, sauf aux Etats-Unis.
Meilleure performance des années de vie perdues
Pour comprendre tout l'impact de la pandémie Covid-19, il faut non seulement compter les décès excédentaires (différence entre le nombre de décès observés et le nombre de décès prévus, toutes causes confondues), mais aussi analyser la prématurité de ces décès.
Les années de vie perdues (AVP) mesurent à la fois le nombre de décès et l'âge auquel ils surviennent, ce qui en fait une évaluation plus détaillée de l'impact de la Covid-19 sur les populations que le traditionnel critère de l’espérance de vie.
Sur-mortalité quasi générale en 2020
Entre 2005 et 2019, l'espérance de vie à la naissance a augmenté chez les hommes et les femmes dans tous les pays étudiés mais elle a diminué en 2020 chez les hommes et les femmes dans tous les pays, à l'exception par exemple de la Nouvelle-Zélande, de Taïwan et de la Norvège, où l'espérance de vie a augmenté.
Les excès d’années de vie perdues (pour 100 000) les plus élevées ont été enregistrées en Russie (7 020 chez les hommes et 4 760 chez les femmes), en Bulgarie (7 260 chez les hommes et 3 730 chez les femmes), en Lituanie (5 430 chez les hommes et 2 640 chez les femmes) et aux États-Unis (4 350 chez les hommes et 2 430 chez les femmes).
L'excès d’années de vie perdues est relativement faible chez les personnes de moins de 65 ans, sauf en Russie, en Bulgarie, en Lituanie et aux États-Unis, où l'excès d'années de vie perdues est supérieur à 2 000 pour 100 000.
La France ne s’en sort pas si mal
Pour la France, l’excès d’années de vie perdues (971 pour 100 000) est plutôt dans la moyenne des pays qui ont le moins de sur-mortalité en 2020. Elle fait mieux ou beaucoup mieux que tous ses voisins, en particulier la Grande-Bretagne (1670 pour 100 000), l’Espagne (1920 pour 100 000), la Belgique (2040 pour 100 000) et l’Italie (2460 pour 100 000). Mais elle fait moins bien que l’Allemagne (571 pour 100 000).
La Suède, souvent citée en exemple par les « anti-confinements », obtient un résultat moins bon (1140 pour 100 000), voire pitoyable si on le compare aux pays voisins : Finlande (315 pour 100 000), Danemark (138 pour 100 000) et surtout Norvège (-51 pour 100 000) où l’espérance de vie a augmentée en 2020 (moins d’accidents de la circulation du fait du confinement et moins de maladies cardiovasculaires).
L’excès d’années de vie perdues en France est, comme ailleurs, plus important chez les hommes (1260 pour 100 000) que chez les femmes (700 pour 100 000). En ce qui concerne l’âge, l’excès de vie perdues en France est de 81,4 pour 100 000 en dessous de 65 ans et de 4390 chez les 65 ans et plus. Cette proportion se retrouve chez les hommes comme chez les femmes.
Une pandémie ravageuse
Dans l'ensemble, en 2020, les excès d’années de vie perdues dans ces 37 pays développés au moment de la pandémie Covid-19 sont plus de cinq fois supérieurs (2 510 pour 100 000) à ceux associées à l'épidémie de grippe saisonnière en 2015 qui avait été considérée comme sévère (458 pour 100 000).
Un taux d’années de vie perdues en 2020, comparable ou inférieur aux prévisions, à Taïwan, en Nouvelle-Zélande, au Danemark, en Islande, en Norvège et en Corée du Sud peut témoigner de l'importance de la réussite des politiques de suppression de la circulation virale, en particulier liées aux politiques de santé publique.
Aux États-Unis, où l'excès d'années de vie perdues est supérieur à 2 000 pour 100 000, peut se discuter le rôle de l’obésité qui concerne désormais plus de 30% de la population, en particulier chez les jeunes. Mais les interférences répétées de la politique sur les actions de santé publique et les coût astronomiques de la médecine peuvent également avoir joué un rôle.
Perspectives encore sombres
La plupart des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine n'ont pas été inclus dans l'analyse en raison d'un manque de données fiables et régulières, mais les conclusions sont largement conformes aux études précédentes, et l'utilisation de données nationales de mortalité, ainsi qu'une approche analytique validée, suggèrent que les résultats sont robustes.
Étant donné que la pandémie n’est pas terminée et que bon nombre de ses effets sur la mortalité pourraient mettre plus de temps à avoir un effet mesurable sur la mortalité prématurée (impact des délais de traitements pour les autres maladies non-Covid-19 comme les cancers et les maladies cardiovasculaires), une poursuite de la surveillance de l'excès d'années de vie perdues pourrait permettre d'identifier plus finement l’impact total et surtout les sources de la surmortalité.








