Infectiologie
Dengue : mieux comprendre le mode d'action des anticorps pour les vaccins
Bien qu’il existe un vaccin contre la dengue, ce dernier est parfois inefficace, même s'il est dirigé contre les quatre sérotypes différents du virus. La récente découverte d’une sous-population d'anticorps particuliers chez les enfants infectés devrait permettre de concevoir un vaccin plus efficace.
- Manjurul/iStock
Egalement appelée "grippe tropicale", la dengue, une fièvre hémorragique tropicale liée à un arbovirus transmis par le moustique tigre femelle, est responsable selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), de 390 millions de cas chaque année dans le monde, dont 500 000 de dengue "hémorragique", mortels dans plus de 2,5% des cas.
A ce jour, il n’existe qu’un seul vaccin homologué contre la dengue : le Dengvaxia®, mis au point par Sanofi Pasteur. Autorisé dans les pays de l’Union européenne depuis fin 2018, il est réservé aux personnes âgées de 9 à 45 ans qui ont déjà été infectées par le virus de la dengue dans le passé et qui vivent dans des régions où cette infection est endémique. La survenue d'une infection préalable par un virus de la dengue doit alors être prouvée par un résultat de test positif. Le vaccin est ensuite administré en trois doses à un intervalle de six mois.
S’il n’existe encore aujourd’hui qu’un seul vaccin contre le virus de la dengue, c’est parce que l’agent pathogène à l’origine de cette maladie comprend 4 sérotypes différents, contre lesquels l'immunisation vaccinale ne marche pas toujours. Mais une découverte réalisée par des chercheurs de l’université de Caroline du Nord (États-Unis) pourrait permettre de développer des vaccins efficaces contre la dengue. Leurs conclusions viennent d’être publiées dans le Journal of Clinical Investigation.
Un vaccin qui peut provoquer une réaction immunitaire grave
Le virus de la dengue (un flavivirus) est transmis par les moustiques qui infectent des centaines de millions de personnes chaque année en Asie du Sud-Est, dans les îles du Pacifique occidental, en Afrique et en Amérique latine. Bien qu'il soit rarement mortel, le virus a 4 sérotypes différents et peut provoquer une maladie grave, notamment lorsqu'une personne qui a été infectée par un sérotype (et se rétablit) est ensuite infectée par un second sérotype.
Cela s’explique par la réponse immunitaire : les anticorps de la première infection aident le virus à se répliquer au cours de la seconde infection par un processus appelé : "renforcement dépendant des anticorps". Une réponse anticorps induite par un vaccin contre la dengue et pondérée contre un seul sérotype du virus de la dengue peut imiter ce phénomène. Le vaccin peut donc dans ce cas s’avérer plus dangereux que protecteur.
Un vaccin qui doit cibler spécifiquement les 4 sérotypes de la dengue
Actuellement, plusieurs vaccins contre la dengue sont en cours de développement, et la plupart montrent qu'ils induisent des anticorps neutralisants contre les quatre sérotypes. Cependant, la recherche a aussi montré que la création d'anticorps neutralisants n'est pas, à elle seule, synonyme de protection contre la maladie clinique.
Dans le cadre de cette nouvelle étude, les chercheurs ont comparé les propriétés des anticorps contre les virus de la dengue de type sauvage et les propriétés des anticorps produits par Dengvaxia®, que Sanofi Pasteur a créé en utilisant les quatre sérotypes du virus de la dengue dans une seule formulation.
Les expériences montrent que les infections de type sauvage induisent des anticorps neutralisants et protecteurs qui reconnaissaient une partie du virus - un épitope - unique à chaque sérotype. Le vaccin, en revanche, stimulerait principalement les anticorps neutralisants qui reconnaissaient les épitopes communs à tous les sérotypes. Lors des essais de vaccin, ces anticorps n'ont pas protégé les enfants contre la dengue. Contrairement à ce que la recherche pensait jusqu’alors, tous les anticorps neutralisants de la dengue ne sont donc pas protecteurs chez l'humain.
"Nos résultats suggèrent qu'un vaccin sûr et efficace contre le virus de la dengue doit stimuler les anticorps neutralisants ciblant des sites uniques sur chacun des quatre sérotypes de la dengue. Et pas seulement les anticorps neutralisants contre les épitopes à réaction croisée communs aux quatre types de dengue", résume Cameron Adams, co-auteur de l’étude.








