Infectiologie

Covid-19 : on aura encore besoin des vaccins à adénovirus, à court et à long terme

Les vaccins à vecteur viral contre la Covid-19 sont et resteront un élément majeur de la lutte contre la pandémie. Leurs avantages l’emportent largement sur les très rares effets secondaires, d’autant que se pose la question de leur meilleure immunogénicité sur le long terme.

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  • 19 Avril 2021
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    Alors que les vaccins Covid-19 à adénovirus sont actuellement sur la sellette, en raison de très rares cas de thromboses immuno-allergiques avec thrombopénie de consommation (entre 1 sur 100 000 et 1 sur 1 000 000), à ce stade, il n’est pas certain que les vaccins à ARN en soient totalement dépourvus et ceux-ci peuvent ne pas être l’alpha et l’oméga de la vaccination anti-Covid sur le long terme.

    Si les scientifiques avertissaient depuis longtemps qu’une seule séquence de 2 vaccinations Covid-19 pourrait ne pas être suffisante à long terme et que des rappels, voire des vaccinations annuelles, pourraient s'avérer nécessaires, les fabricants de vaccins à ARN messager semblent penser la même chose.

    Que ce soit pour entretenir une réponse anticorps pas assez durable, pour compléter l’immunisation des personnes immunodéprimées ou pour ajuster les vaccins à l’émergences de variants résistants, c’est en tout cas très certainement une opportunité commerciale.

    Anticiper une perte d’efficacité sur le long terme

    Le directeur général de Pfizer, Albert Bourla, a déclaré jeudi 15 avril qu'une troisième dose du vaccin à ARN Covid-19 Pfizer-BioNTech serait « probablement » nécessaire, « entre 6 et 12 mois après » l'inoculation initiale en deux doses, et que ce « rappel » pourrait être suivi de vaccinations annuelles… une vraie tuile pour la France, un pays qui n’arrive même pas à administrer les 1ères doses dans les temps.

    Le laboratoire Moderna, qui n’existait quasiment pas il y a un an, a déclaré cette semaine qu'il travaillait sur un rappel pour son vaccin, vaccin qui continuerait à offrir une forte protection contre la Covid-19 à six mois après sa première administration.

    Implication des pouvoirs publics

    La Commission Européenne, qui s’est fait taper sur les doigts pour son manque d’anticipation initial, a prévu cette fois-ci plusieurs milliards d’Euros pour pré-réserver des centaines de millions de doses de vaccins à ARN sur les 2 prochaines années, vaccins qui pourront être adaptés en moins d’un mois à d’éventuels nouveaux variants.

    Le gouvernement américain, par la voix du Dr David Kessler qui dirige les efforts de l'administration Biden sur les vaccins, a déclaré à une sous-commission de la Chambre qu’il envisageait très sérieusement cette hypothèse face à la propagation de nouveaux variants du coronavirus.

    Stimuler l’immunité cellulaire

    Pour obtenir une réponse vaccinale sur le long terme, il est important de stimuler les réponses immunitaires à médiation cellulaire. Ceci est difficile au cours du processus naturel d’une infection à SARS-CoV-2 du fait de la lymphopénie fréquente. La plupart des vaccins disponibles stimulent la réponse anticorps et a réponse à médiation cellulaire, mais pas forcément dans les mêmes proportions.

    Le recul que l’on a sur les vaccins à ARN messager, inventés lors de cette épidémie, ne dépasse pas 8 mois pour le vaccin Pfizer-BioNTech et 6 mois pour le Moderna. Le recul sur les vaccins à vecteur viral inactivé est beaucoup plus important puisque ce sont les vaccins habituels. Surtout, leur capacité à activer fortement les réponses immunitaires à médiation cellulaire est largement connue (le vecteur viral joue probablement un rôle), ce qui peut laisser espérer une capacité à fournir une protection peut-être plus importante sur le long terme.

    Les vaccins à ARN en vie réelle

    Alors que l’Europe, excepté la Grande-Bretagne, peine à se déconfiner, en Israël, la campagne de vaccination intensive, avec le vaccin à ARN Pfizer-BioNTech exclusivement, semble avoir porté ses fruits : plus de 61% des israéliens sont vaccinés, soit 85% des plus de 16 ans et presque 100% des personnes âgées. Les unités Covid ferment les unes après les autres dans les hôpitaux et seuls 0,3% des tests seraient désormais positifs. Dans ce contexte, les israéliens ont pu profiter largement cette semaine de la fête de l’indépendance, et l’obligation de porter un masque en extérieur pourrait y être levée dès la semaine prochaine.

    Pour autant, en Israël, même si les récentes fêtes de Pourim ou de la Pâque juive ne se sont pas accompagnées d’une ré-augmentation du R0 (entre 0,7 et 0,8 depuis plusieurs semaines) et des nouveaux cas (200 par jour en moyenne sur 9 millions d’habitants), les médecins israéliens restent prudents. Ils surveillent bien sûr attentivement les nouveaux variants : le variant anglais est le variant dominant et le variant sud-africain serait maintenu entre 1 et 2%. Mais ils surveillent aussi les formes graves et, parmi le faible nombre de morts quotidiens liés à la Covid-19, certains continuent à se produire chez des personnes vaccinées par les vaccins à ARN… un phénomène pas inattendu mais à surveiller.

    Les vaccins à vecteur viral en vie réelle

    En Grande-Bretagne, où « seulement » 49% de la population a reçu au moins une dose de Pfizer-BioNTech ou d’AstraZeneca (principalement), la mortalité a chuté à une trentaine de décès par jour et on a fêté cette semaine la réouverture des pubs, même si c’est encore en terrasse.

    De façon surprenante, le niveau de protection qui y a été obtenu avec une vaccination mixte, à la fois vaccin à ARN et vaccin à vecteur viral inactivé, semble presque équivalent à celui d’Israël alors que 12 pour cent de personnes en moins ont reçu au moins une dose de vaccin. Le taux de mortalité semble quasiment identique : moins de 30 décès par jour pour 64,5 millions d’habitant en Grande-Bretagne versus 9 pour 9,5 millions d’habitants en Israël.

    Le point clé de la durabilité de la réponse vaccinale

    Seul l’avenir nous dira cependant combien de temps nous serons protégés par les vaccins à ARN, mais beaucoup de gens impliqués dans le développement de cette merveilleuse innovation semblent être très prudents quant à la durabilité de la protection obtenue.

    Les vaccins à vecteurs viral inactivés sont une technologie ancienne et validée et leur réponse vaccinale est généralement bonne, comme semble en témoigner la Grande-Bretagne avec son niveau de protection presque équivalent à celui d’Israël malgré moins de personnes vaccinées. Cela peut être lié au faut que plus de la moitié des vaccinations ont été réalisées avec le vaccin AstraZeneca, à vecteur viral inactivé, qui ont traditionnellement un intérêt particulier pour la réponse immunitaire à médiation cellulaire, médiation cellulaire qui est gage d’une protection durable.

    Rester rationnel et prudent

    On peut donc espérer que la protection vaccinale des vaccins à vecteur viral soit bonne pendant longtemps. Le fait que Johnson & Johnson ait déclaré que son vaccin devra probablement être administré chaque année n’est pas en soi un argument absolu contre cette hypothèse car il est à injection unique.

    A l’heure où nos gouvernants se posent la question de commander à nouveau des doses d’AstraZeneca, les vaccins à vecteur viral représentent donc un aspect important de la vaccination qu’il serait imprudent de négliger, que ce soit à court (aller au-delà de 300 000 vaccination par jour tous les jours en France) comme à long terme (éviter les revaccinations itératives alors que nous ne sommes pas capables de faires les 1ères doses dans les temps).

    Il faut donc rester prudent et ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, d’autant que la piste des vaccinations croisées (associant des injections de 2 vaccins différents) est en cours de test dans différentes études.

    Malgré les problèmes exceptionnellement observés avec les vaccins à vecteur viral inactivé, leur utilisation reste donc médicalement intéressante et cela doit être vérifié avant de s’en passer. La question des vaccins doit rester scientifique et rationnelle et ne doit pas devenir irrationnelle et/ou politique.

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