Oncologie
Cancers de l’enfance : potentialisation du risque de cancer du sein ultérieur avec les anthracyclines
Chez les survivant des cancers de l’enfance ayant eu une irradiation de la poitrine, l’utilisation d’anthracyclines multiplie par près de 5 le risque de cancer du sein ultérieur lié à la radiothérapie. La surveillance est à adapter.
- KatarzynaBialasiewicz/istock
L'irradiation de la poitrine lors d'un cancer de l'enfance est associée à une augmentation du risque de cancer du sein. De plus en plus d'études suggèrent cependant que les anthracyclines augmenteraient ce risque, mais les conséquences de l'utilisation combinée des anthracyclines et de la radiothérapie n'ont pas été spécifiquement étudiées.
Dans cette étude cas-témoin menée auprès de 271 patientes atteintes d'un cancer du sein dans le cadre de la North America Childhood Cancer Survivor Study, l'association d'anthracyclines et d'une radiothérapie de la poitrine dans l’enfance est associée à un risque accru de cancer du sein et est supérieure à la somme de leurs effets, ce qui correspond à une interaction additive. Les résultats sont publiés dans JAMA Pediatrics.
Un suivi sur 30 ans
Dans le cadre d'une étude cas-témoins réalisée en milieu hospitalier en Amérique du Nord, une équipe de chercheurs a analysé une cohorte rétrospective de 14 358 survivants du cancer de l'enfance ayant reçu un diagnostic entre 1970 et 1986 et ayant fait l'objet d'un suivi jusqu'au 31 décembre 2016.
Les cas (n = 271) ont été définis comme des femmes ayant un cancer du sein ultérieur. Les témoins (n = 1044) ont été appariés 4:1 aux cas selon l'âge au premier cancer et la durée du suivi (± 2 ans). L'analyse des données a été effectuée de septembre 2017 à juillet 2018.
Un effet confirmé des doses de rayonnement
Au total, 271 femmes ont été atteintes d'un cancer du sein (âge médian au premier diagnostic de cancer, 15 ans [intervalle, 3-20] ; âge médian au diagnostic de cancer du sein, 39 ans [intervalle, 20-57]) : 201 cancers invasifs (113 ER positifs [ER+], 41 ER négatifs [ER-], 47 de statut inconnus) et 70 cancers du sein in situ.
L'OR pour le cancer du sein augmente avec l'accroissement des doses de rayonnement reçues par le sein (OR pour 10 Gy, 3,9 ; IC à 95 %, 2,5-6,5) et est identique pour les cancers ER+ (OR pour 10 Gy, 5,5 ; IC à 95 %, 2,8-12,6) et ER- (RC pour 10 Gy, 4,8 ; IC à 95 %, 1,7-22,3).
Chez les femmes qui ont reçu des doses ovariennes inférieures à 1 Gy, l'OR par 10 Gy au sein est plus élevé (OR, 6,8 ; IC à 95 %, 3,9-12,5) que chez les femmes ayant reçu des doses ovariennes supérieures ou égales à 15 Gy (OR, 1,4 ; IC à 95 %, 1,0-6,4).
Un effet additif des anthracyclines
L'OR pour le cancer du sein augmente avec la dose cumulative d'anthracyclines (OR pour 100 mg/m2, 1,23 ; IC à 95 %, 1,09-1,39 ; P < 0,01 pour la tendance) et est de 1,49 (IC à 95 %, 1,21-1,83) pour le cancer ER+ contre 1,10 (IC à 95 %, 0,84-1,45) pour le cancer ER- (valeur P pour hétérogénéité = 0.47).
Il est observé une interaction additive entre la radiothérapie et le traitement aux anthracyclines (P = 0,04) avec l'OR pour l'association combinée entre un traitement aux anthracyclines et une dose de rayonnement mammaire de 10 Gy ou plus (comparativement à 0 à moins de 1 Gy) de 19,1 (IC 95 %, 7,6-48,0) vs 9,6 (IC 95 %, 4,4-20,7) sans anthracyclines.
Une nécessaire adaptation de la surveillance
Cette étude fournit les premières preuves à ce jour de l’impact sur le risque de cancer du sein d’une association des anthracyclines à la radiothérapie. Cette association peut augmenter les risques de cancer du sein par rapport à l'utilisation d'aucun des deux traitements, avec une dose de rayonnement équivalente pour les cancers ER+ et ER- et éventuellement des risques liés aux anthracyclines plus élevés pour les cancers ER+.
Ces résultats devraient permettre d’adapter au mieux les recommandations en matière de surveillance des survivants des cancers de l'enfance.








