Cardiologie
Infection à VIH traitée : un sur-risque cardiovasculaire sous-estimé mais mieux expliqué
Avec l’avènement des traitements antirétroviraux efficaces et l’allongement drastique de l’espérance de vie, le sur-risque cardiovasculaire devient une préoccupation de premier plan chez les séropositifs.
- Ralwel/istock
Les personnes infectées par le VIH ont un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, et en particulier d’infarctus du myocarde et d’insuffisance cardiaque, mais aussi d'accident vasculaire cérébral, par rapport à celles qui ne sont pas infectées. Ce risque reste plus élevé même après ajustement sur les facteurs qui peuvent perturber l’analyse comme l’âge, le sexe, les facteurs de risque cardiovasculaires habituels et les traitements antirétroviraux.
Désormais, dans les pays développés, la majorité des personnes infectées par le VIH a plus de 50 ans ce qui souligne l’importance de mieux comprendre les raisons de ce sur-risque afin de prévenir plus efficacement ces maladies dans une population particulièrement à risque. Un numéro de la revue Canadian Journal of Cardiology fait une synthèse des problèmes et des solutions de ce sur-risque.
Quel est le sur-risque chez les séropositifs ?
Depuis l’avènement des trithérapies, l’infection à VIH est devenue une maladie chronique, permettant aux malades de vivre plus longtemps sans développer un SIDA ni les complications infectieuses inhérentes à cette maladie. Pourtant, les survivants de l’épidémie des infections à VIH sont désormais confrontés à de nouvelles menaces qui obèrent leur santé avec une augmentation du risque de diabète, d’insuffisance rénale, de cancer, d’ostéoporose, de maladie neurocognitives et de maladies cardiovasculaires.
Bien que le nombre de décès liés aux complications classiques du SIDA a été drastiquement réduit depuis les années 90, les décès par maladie cardiovasculaire ont doublé chez les patients séropositifs. Des études ont démontré que le risque d’infarctus avait ainsi doublé ces vingt dernières années dans cette population et les motifs d’admission en cardiologie des séropositifs sont passés de la péricardite et de la cardiomyopathie non-obstructive, à l’athérosclérose, les troubles du rythme et l’insuffisance cardiaque.
Pourquoi les séropositifs ont-ils un sur-risque ?
Les facteurs qui contribuent à l’augmentation du sur-risque cardiovasculaire chez les séropositifs sont nombreux et variés. Ils incluent des facteurs de risque traditionnels comme l’hypertension artérielle, les anomalies lipidiques, le tabagisme, un syndrome métabolique, le diabète et l’insuffisance rénale, mais aussi d’autres facteurs.
Les facteurs plus spécifiques de l’infection à VIH recouvrent une perméabilité digestive augmentée, des modifications du microbiote intestinal, une activation des lymphocytes T, une co-infection à cytomégalovirus, une inflammation chronique, des anomalies des plaquettes et l’effet des traitements antirétroviraux. Il n’est pas exclu que le VIH puisse avoir également une toxicité directe pour les cellules de l’endothélium puisque ces cellules sont porteuses du récepteur membranaire CCR5 (qui permet traditionnellement au VIH de rentrer dans les cellules).
L’athérosclérose au cours des infections à VIH est donc structurellement différente de celle observée chez les séronégatifs. Dans cette analyse, les auteurs mettent l’accent sur les perturbations de l’immunité et l’inflammation chronique car on a bien démontré le rôle délétère de l’inflammation vis-à-vis de l’athérosclérose, y compris chez les séronégatifs. De plus l’inflammation chronique est très importante chez les séropositifs : c’est un modèle unique d’inflammation chronique, même en cas de traitement antirétroviral efficace.
Comment lutter contre ce sur-risque ?
Les complications cardiovasculaires sont de plus en plus fréquentes dans cette population et les cardiologues sont d’autant moins préparés à lutter contre ces complications que les scores habituels de calcul du risque cardiovasculaire sous-estiment ce risque dans la population des séropositifs. Par ailleurs, les mécanismes de constitutions de la plaque d’athérosclérose diffèrent dans cette population par rapport à la maladie classique, ce qui induit des difficultés diagnostiques.
En dépit de l’efficacité des traitements antirétroviraux, de nombreuses études ont démontré une augmentation de l’athérosclérose artérielle et du risque d’infarctus chez les séropositifs en rémission sous traitement. Donc le traitement antirétroviral efficace est nécessaire mais pas suffisant.
Les traitement antirétroviraux les plus récents ne sont plus responsables de la prise de poids anormale et des anomalies lipidiques observée initialement avec certains médicaments anti-protéases. Malgré ces améliorations, le risque cardiovasculaire demeure et il faut donc axer les traitements futurs sur la lutte contre les désordres immunitaires et l’inflammation chronique.
Un autre aspect essentiel est la reconnaissance de ce sur-risque qui est, comme on l’a vu, sous-estimé par les scores de risque usuels comme le score de Framingham. Il faut donc leur appliquer une majoration comme cela se fait comme dans d’autres maladies inflammatoires, comme la polyarthrite rhumatoïde active, où le score est majoré de 20% pour les formes les plus agressives.
Le dernier aspect est la fréquente différence de présentation des accidents coronaires aigus chez les séropositifs qui peuvent conduire à un retard diagnostique. Les infarctus surviennent chez des personnes plus jeunes, qui ont des plaques nettement moins calcifiées, un sus-décalage de ST (STEMI) plus fréquent et un plus grand risque de mortalité à 30 jours et de récidive de l’infarctus.
Une stratégie globale
Enfin, il est nécessaire de prendre en compte les interactions médicamenteuses potentielles entre les traitements cardiaques et les antirétroviraux, les problèmes liés à la prise conjointe de nombreux médicaments (polythérapie) et les nécessaires mesures de protection des personnels médicaux et paramédicaux lors des gestes invasifs.
Si le pronostic de l’infection à VIH a radicalement changé depuis l’avènement des traitements antirétroviraux efficaces, de nouveaux risques sont apparus avec l’allongement drastique de la survie des séropositifs et le sur-risque cardio-vasculaire en fait partie au premier chef.








