Industrie pharma

Recherche pharmaceutique mondiale : la Chine accélère, l’Amérique doute

Lors de la pandémie Covid, la Chine s’était imposée comme le principal producteur de principes actifs. Désormais, L’Empire du Milieu s’est hissé comme un acteur majeur de la recherche biopharmaceutique. Au point de menacer le leadership américain comme s’en alarment les journaux spécialisés outre-atlantique.

  • William_Potter/iStock
  • 17 Décembre 2025
  • A A

    Depuis quelques années, la Chine n’est plus seulement un géant manufacturier de médicaments génériques. Elle est devenue un acteur central de l’innovation pharmaceutique mondiale, avec des effets concrets sur la dynamique de la découverte de médicaments, la conduite des essais cliniques et les stratégies des grandes firmes occidentales.

    Une enquête journalistique et une tribune publiée en décembre 2025– convergent vers un même constat: l’équilibre mondial de la découverte et du développement des médicaments est entrain de basculer, au profit de la Chine, tandis que les États-Unis voient s’éroder un leadership longtemps incontesté. Au-delà des chiffres, ces articles décrivent une transformation systémique des méthodes, des coûts, des délais et des rapports de force dans l’innovation biopharmaceutique.

    Le premier article, signé par Ryan Cross dans EndPoint, un journal américain en ligne, met en lumière un aspect encore peu visible de cette montée en puissance chinoise : la capacité du pays à tester rapidement et à faible coût de nouvelles thérapies, notamment génétiques. La Chine a développé un écosystème permettant de conduire des essais précoces avec une rapidité et une discrétion
    impossible à répliquer actuellement en Occident. Cette efficacité repose sur plusieurs leviers : un très large vivier de patients, des infrastructures hospitalières intégrées à la recherche, une organisation centralisée des essais cliniques et un cadre réglementaire plus souple, en particulier pour les phases exploratoires. Cette combinaison permet de raccourcir considérablement les cycles de développement, là où les procédures occidentales sont souvent longues, fragmentées et coûteuses.

    La Chine, un lieu unique de l'expérimentation thérapeutique

    Ce modèle attire désormais l’attention – et l’intérêt – des industriels occidentaux, y compris des acteurs majeurs des thérapies génétiques et cellulaires mais aussi des start-ups européennes. Plusieurs entreprises cherchent à collaborer avec des partenaires chinois ou à mener une partie del eur développement clinique en Chine, afin de réduire les coûts et d’accélérer l’accès aux données d’efficacité. Cette stratégie, encore prudente, traduit néanmoins un changement de perception : la Chine n’est plus seulement un site de production ou un marché, mais un lieu central de l’expérimentation thérapeutique.

    L'avance américaine fond rapidement. 

    Le second article, publié dans STAT, un journal de référence en ligne adopte un ton encore plus alarmiste. En analysant les données de la découverte de médicaments aux États-Unis et en Chine, ses auteurs concluent que l’avance américaine se réduit rapidement. La Chine génère désormais un nombre croissant de nouvelles molécules innovantes, souvent issues de biotechs locales soutenues par des investissements massifs publics et privés. La comparaison utilisée dans la tribune est volontairement provocatrice : l’industrie biopharmaceutique américaine est assimilée à une Ford Mustang emblématique mais vieillissante, confrontée à la BYD Yangwang U9, super voiture chinoise ultramoderne, symbole de vitesse, de puissance et de rupture technologique.

    Cette métaphore traduit une inquiétude plus profonde : le modèle américain de l’innovation pharmaceutique, qui repose sur des coûts élevés, une forte dépendance au capital-risque et une régulation complexe, serait devenu moins agile que celui de la Chine. Les États-Unis risquent de perdre leur capacité à transformer rapidement la recherche fondamentale en médicaments disponibles pour les patients, au profit d’un système chinois plus intégré et orienté vers l’exécution rapide.

    Le monde assiste à une mutation structurelle. La Chine a massivement investi dans les biotechnologies comme secteur stratégique. Elle a également su attirer des partenariats internationaux, tout en développant ses propres champions nationaux. À l’inverse, les États-Unis,
    bien qu’encore dominants en matière de recherche académique et de financement, semblent freinés par des délais réglementaires, des coûts de développement croissants. Toute ressemblance avec un pays européen serait fortuite. 

    Pour les industriels occidentaux, cette situation représente un dilemme. D’un côté, collaborer avec la Chine offre des opportunités d’accélération et de compétitivité. De l’autre, elle soulève des questions de souveraineté sanitaire, de propriété intellectuelle, de transparence des données et de dépendance stratégique. Pour les décideurs publics américains et européens, ce nouveau monde en train de surgir sonne comme un avertissement : sans réforme profonde des politiques d’innovation, de régulation et de financement, le leadership pharmaceutique occidental pourrait être durablement remis en cause.

    La Chine apparaît comme un laboratoire à grande échelle de nouvelles méthodes de développement thérapeutique, tandis que les États-Unis s’interrogent sur la capacité de leur modèle historique à rester compétitif. L’enjeu dépasse la rivalité économique : il touche à la maîtrise future del’innovation médicale, à l’accès aux traitements et à l’équilibre géopolitique de la santé mondiale.

     

    Pour pouvoir accéder à cette page, vous devez vous connecter.