Pneumologie

Fibrose pulmonaire : traquer les hypoxémies nocturnes

 Les désaturations nocturnes sont fréquentes chez les patients atteints de pneumopathies interstitielles diffuses fibrosantes et sont associées à une mortalité élevée et un risque majoré de vasculopathie et d’hypertension pulmonaire. Leur détection doit faire partie de la prise en charge de ces patients. D’après un entretien avec Thomas GILLE.

  • 02 Mai 2024
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    Une étude, dont les résultats sont parus en mars 2024 dans l’ERJ Open Research, a cherché à évaluer l’impact de la désaturation nocturne chez les sujets atteints de pneumopathies interstitielles diffuses sur le risque de vasculopathie et hypertension pulmonaire et sur la mortalité. Il s’agit d’une étude monocentrique, rétrospective pour laquelle les auteurs ont inclus 397 patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse ou de fibrose pulmonaire idiopathique. Les sujets avaient une désaturation nocturne significative avec un temps de sommeil avec saturation inférieure à 90% supérieur ou égal à 10%. La désaturation était mesurée par oxymétrie de pouls. Le critère principal d’évaluation était la mortalité et la présence de vasculopathie avec hypertension pulmonaire.

     

     

    De l’importance de la détection des hypoxémies nocturnes 

    Le docteur Thomas GILLE, pneumologue à l’hôpital Avicenne à Bobigny, souligne que ce travail est très intéressant et jouit d’une méthodologie solide, avec des limites qui sont bien discutées par les auteurs. Il explique que les résultats de ce travail ne vont pas modifier la prise en charge des patients atteints de fibrose pulmonaire du jour au lendemain mais qu’il renforce les suggestions physiopathologiques sur l’importance de la détection des hypoxémies nocturnes chez ces patients, en lien probable avec la survenue d’une vasculopathie ainsi qu’avec la survie. Il rappelle que plusieurs études sur le sujet ont déjà été réalisées mais avec des effectifs beaucoup plus faibles, l’effectif de cette étude étant ici plus important que tous les autres effectifs réunis ! En augmentant les cohortes, on augmente la production de résultats solides. Parmi les principales limites, Thomas GILLE précise que tous les patients n’ont pas bénéficié de polysomnographie ni d’échographie cardiaque, probablement en raison du volume important de la cohorte. D’autre part, la mortalité a été calculée en fonction du statut  initial des patients, alors que, même si la majorité des patients était en air ambiant, certains étaient déjà sous oxygénothérapie, peut-être instaurée après des épisodes de désaturation. L’hypoxémie nocturne est fréquente chez les patients atteints de fibrose pulmonaire mais la question  de la conduite à tenir en fonction de cette information reste encore sans réponse.

     

     

    Qui de l’œuf ou de la poule ?

     

    Thomas GILLE explique que ce qui manque de clarté est la direction dans laquelle joue la relation entre les hypoxémies nocturne et la fibrose pulmonaire. Les patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse fibrosante ont plus facilement des désaturations nocturnes que les sujets du même âge et du même sexe, et sont plus fréquemment atteints d’apnée du sommeil. Concernant le risque d’hypertension pulmonaire secondaire, plusieurs mécanismes semblent intriqués puisque les patients qui ont une pneumopathie interstitielle fibrosante avec hypertension pulmonaire ont déjà une saturation plus basse. Thomas GILLE rappelle que le sommeil des patients atteints de pneumopathie interstitielle diffuse fibrosante a une architecture perturbée, ce qui participe également à l’hypoxémie nocturne. La recherche d’un syndrome d’apnée du sommeil et son traitement pourrait peut-être améliorer le pronostic de ces patients. Thomas GILLE suggère que des essais prospectifs de grandes ampleur pourraient permettre de répondre à la question mais il insiste sur le fait qu’en Europe, il est rarement accepté de faire des essais sur un groupe contrôle qui  ne reçoit pas d’oxygène.

     

     

    En conclusion, la recherche et la prise en charge des hypoxémies nocturnes des patients atteints de pneumopathies interstitielle fibrosante amélioreraient le risque de vasculopathie et d’hypertension pulmonaire et la survie de ces patients . Une démarche qui vaudrait le coup…

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    JDF