Cardiologie

Infarctus, AVC et décès : les micro- et nano-plastiques sont dans les artères

La présence de micro- et nanoplastiques (MNPs) dans les plaques carotidiennes est associée à une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires et de la mortalité, ce qui met en lumière l'impact potentiel de la pollution plastique sur la santé humaine.

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  • 07 Mar 2024
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    La production de plastiques, en constante augmentation, peut polluer l'environnement par le biais des courants marins, des vents atmosphériques et des phénomènes terrestres, ce qui contribue à leur large diffusion. Une fois libérés dans la nature, les plastiques sont susceptibles de se dégrader, ce qui entraîne la formation de microplastiques (particules de moins de 5 mm) et de nanoplastiques (particules de moins de 1 000 nanomètres) à même de déclencher une série d'effets toxicologiques.

    Un être humain ingèrerait environ 100 000 microplastiques chaque année, selon une estimation du Fonds mondial pour la nature (WWF). Par semaine, cela équivaut à cinq grammes de plastique, c’est-à-dire la quantité de microplastiques contenue dans une carte de crédit.

    1ère démonstration d’un effet cardiovasculaire potentiel

    Le New England Journal of Medicine publie ce qui pourrait être la première démonstration convaincante d’un risque majeur des micro- et nanoplastiques (MNPs) pour la santé.

    La présence de MNPs dans les plaques d’athérome d’artères carotidiennes serait associée à un risque multiplié par 4 d’évènements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC) et décès toute cause confondue par rapport aux patients sans MNPs dans les artères (rapport de risque, 4,53 ; IC à 95 %, 2,00 à 10,27 ; p<0,001).

    Une étude prospective sur les tissus d’endartérectomie

    Dans une étude portant sur des patients asymptomatiques atteints de sténose carotidienne de haut grade (>70%) et ayant une endartériectomie carotidienne, il est observé que la présence de micro et nanoplastiques (MNPs) au sein de leur plaque carotidienne est associée à une incidence accrue d'un ensemble d'événements incluant : infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou décès toutes causes confondues, comparativement aux patients sans MNPs dans la plaque d’athérome.

    Cette découverte s'ajoute aux données observationnelles issues d'études sur l'exposition professionnelle, suggérant un risque accru de maladie cardiovasculaire chez les personnes exposées à la pollution liée aux plastiques, telles que le poly-chlorure de vinyle, par rapport à la population générale. Les mécanismes proposés pour expliquer les effets toxiques cardiovasculaires observés avec les MNPs incluent la translocation directe de ces particules dans la circulation et des mécanismes indirects, comme démontré avec d'autres nanoparticules inhalées de taille similaire.

    De plus, les scientifiques ont aussi découvert des niveaux plus élevés de marqueurs inflammatoires chez les patients qui avaient des microplastiques dans leurs artères obstruées. 

    Différents types de micro- et nanoplastiques

    L'analyse qualificative par pyrolyse-chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse révèle la présence de polyéthylène et de poly-chlorure de vinyle au sein des plaques carotidiennes, en quantités microgrammiques.

    Des études antérieures avaient déjà mis en évidence la présence de polyéthylène dans le sang de volontaires sains, ainsi que la prédominance de ces MNPs dans le lait maternel humain et l'urine. La présence de ces particules a également été détectée dans des échantillons de foie de patients atteints de maladies cirrhotiques.

    Les nanoplastiques de polyéthylène ont été signalés pour induire divers effets nocifs sur le système cardiovasculaire dans des modèles de zébrafish, tels que le développement d'épanchements péricardiques et l'inhibition de l'angiogenèse.

    Des MNPs ubiquitaires

    La production massive de polyéthylène et de poly-chlorure de vinyle pour des applications diverses, telles que les contenants alimentaires et cosmétiques ou les conduites d'eau, ainsi que leur présence dans l'eau potable, les aliments, les produits cosmétiques et l'air, souligne l'omniprésence des MNPs dans notre environnement.

    Toutefois, il est important de noter que ces résultats ne prouvent pas la causalité entre la présence de MNPs dans la plaque carotidienne et l'incidence des maladies cardiovasculaires ou des décès. Les associations observées pourraient également être influencées par d'autres variables confondantes non mesurées.

    Des recherches à poursuivre de toute urgence

    Cette étude présente certaines limites, notamment le risque potentiel de contamination en laboratoire, malgré les précautions prises. Les données socioéconomiques n'étaient pas disponibles pour la population d'étude, ce qui pourrait être pertinent étant donné que ces facteurs sont liés à une large gamme de résultats.

    Ces résultats concernent uniquement une population de patients asymptomatiques ayant une endartériectomie carotidienne et ne peuvent pas être généralisés à l'ensemble de la population.

    De futures études, notamment celles utilisant des salles propres exemptes de plastique, pourraient corroborer ces observations et approfondir l'exploration des sources potentielles de MNPs chez l'humain.

    Les avantages du plastique ont des coûts importants et de plus en plus visibles pour la santé humaine et l'environnement”, indique Phillip Landrigan, chercheur américain du Boston College et de l'Université de Harvard, auteur d’un éditorial d’accompagnement de l’étude. Il recommande à la population d’éviter, autant que possible, les plastiques à usage unique.

     

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    JDF