Anticorps monoclonaux

Cancer : des chèvres génétiquement modifiées pour fabriquer des médicaments dans leur lait

En Nouvelle-Zélande, des chercheurs ont modifié génétiquement des chèvres afin que leur lait puisse produire en grande quantité un anticorps monoclonal utilisé contre le cancer. 

  • Par Raphaëlle de Tappie
  • SebastianKnight/iStock
  • 18 Jun 2020
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    Le cancer produit continue de progresser dans le monde. Selon le dernier rapport du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), paru en février, en 2018, 18,1 millions de nouveaux cas ont été diagnostiqués à échelle globale. De meilleures mesures de prévention pourraient ralentir la course du cancer et sauver plusieurs centaines de milliers de vies chaque année, surtout dans les pays émergents et en développement, a rappelé l’Organisation mondiale de la Santé en dévoilant ces données. Aujourd’hui, des chercheurs ont dévoilé une nouvelle piste prometteuse contre le cancer à base de lait de chèvres génétiquement modifiées. Les résultats de leur étude sont disponibles sur le site prépublication bioRxiv. Ils n’ont pas encore été examiné par des pairs.

    Ici, des chercheurs d’AgResearch, un institut de recherche public en Nouvelle-Zélande, se sont intéressés à une protéine complexe, le cétuximab, un anticorps monoclonal (mab) essentiellement utilisé contre les cancers colorectaux commercialisé sous le nom d’Erbitux. A l’heure actuelle, ce médicament est produit par des cellules de souris génétiquement modifiées dans le but de fabriquer un anticorps monoclonal spécifique. Cependant, comme de grandes quantités sont nécessaires pour traiter un patient, cela coûte très cher.

    Pour rendre ce processus plus rapide et moins coûteux, les chercheurs ont eu l’idée de modifier génétiquement des chèvres afin que leur lait puisse produire directement la protéine. Ils ont donc introduit un gène portant les informations nécessaires pour produire cette protéine dans les glandes mammaires dans des embryons de chèvre. Ces derniers ont ensuite été transférés dans des utérus de chèvre pour cinq mois de gestation.

    L’espoir d’un “médicament meilleur marché et plus accessible”

    Résultat : leur période de lactation arrivées, les femelles issues des embryons modifiés, ont produit environ 10 grammes de cétuximab par litre de lait quand elles ont commencé leur lactation. “Étant donné que les chèvres produisent environ 800 litres de lait chaque année, cela signifie que chacune pourrait fabriquer plusieurs kilos de cétuximab en un an”, explique le site scientifique New Scientist. Mieux encore : leur mab semble moins immunogène que ceux actuellement commercialisés. La réponse immunitaire induite serait donc moins importante.

    Qui plus est, cette modification n’aurait aucunement affecté la santé des chèvres, assurent les chercheurs. “Ainsi, la génération de ces lignées d'animaux, capables d'une production de haut niveau, pourrait fournir une source rentable d'une version nouvelle et améliorée de cetuximab”, se félicitent-ils dans leur étude.

    Il s’agit donc maintenant de s’assurer que le mab dérivé du lait de chèvre correspond aux mêmes normes et niveau de pureté que celui issu de cellules. “Si [ce lait] obtient l’agrément pour une utilisation humaine, cela pourrait rendre le médicament meilleur marché et plus accessible”, s’enthousiasme Goetz Laible, en charge des recherches, au New Scientist.

    Une belle opportunité pour la Nouvelle-Zélande

    Une plateforme de production d'anticorps thérapeutiques de grande valeur pour les chèvres serait particulièrement intéressante pour la Nouvelle-Zélande. Nos animaux ont un excellent état de santé et sont exempts de nombreuses maladies animales nuisibles qui sont courantes dans de nombreux autres pays”, poursuit-il dans les colonnes du New Zealand Herald.

    L'ajout de l'expertise de pointe de la Nouvelle-Zélande en matière de génétique et de technologies de reproduction des animaux d'élevage, de capacités de traitement du lait de qualité et de systèmes d'élevage efficaces, montre l'opportunité que cela pourrait représenter.” 

    En 2018, AgResearch avait déjà découvert une nouvelle façon d’éliminer un allergène majeur du lait en modifiant le génome d’une vache, rappelle le journal. A l’heure actuelle, l’Institut travaille à fabriquer la première vache “intelligente” de Nouvelle-Zélande. Cette dernière pourra produire plus de lait, moins d’émissions et supportera mieux la chaleur. Autre projet “animal” en cours : des porcs qui deviendront des donneurs d’organes parfaits pour les humains.

    Qu’est-ce que les anticorps monoclonaux ? 

    Les anticorps monoclonaux sont des molécules naturellement produites par le système immunitaire afin d’entraîner une attaque ciblée sur un déjà rencontré. “Cette idée (apparue il y a une vingtaine d’années) de fabriquer des molécules que le système immunitaire produit naturellement a permis à l’industrie pharmaceutique de proposer les anticorps comme des solutions thérapeutiques”, note le médecin-chercheur Vassili Soumelis sur le site de l’Institut Curie. “Rapidement, il est apparu que, bien choisies, ces têtes chercheuses pouvaient non seulement repérer les cellules tumorales, mais aussi bloquer leur croissance”, est-il précisé.

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    JDF