Rhumatologie

Ostéoporose : les anti-ostéoporotiques antirésorbeurs réduisent aussi la mortalité

Après une fracture ostéoporotique, les anti-ostéoporotiques antirésorbeurs réduisent non seulement le risque de récidive fracturaire mais aussi le risque de décès liés à des facteurs autres que la prévention d'une deuxième fracture.

  • Jian Fan/istock
  • 28 Mar 2023
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    L'ostéoporose devient une véritable pandémie du fait du vieillissement de nos sociétés. La fracture ostéoporotique de la hanche, en particulier, triple le risque global de mortalité à un an chez les femmes âgées de 75 à 84 ans et quadruple le risque chez les hommes.

    Les médicaments anti-ostéoporotiques peuvent prévenir les fractures, mais un effet « pléiotrope » sur la mortalité (au-delà du seul effet sur la fracture) a été mis en évidence dans une étude avec le zolédronate. Cependant, cet effet sur la mortalité n'est pas bien évalué et on ne connait pas les différences entre les anti-ostéoporotiques.

    Selon une étude de cohorte longitudinale et nationale réalisée à Taïwan, et publiée dans J Clin Endocrinol Metab, les anti-ostéoporotiques antirésorbeurs pris sur le  long terme seraient associés à une réduction du risque de décès à la suite d'une fracture : l'alendronate/risédronate, le dénosumab et l'acide zolédronique entraînent tous une réduction significative de 17% à 22% du risque de décès après une fracture, par rapport aux SERM raloxifène et au bazédoxifène.

    Réduction significative du risque de décès après fracture

    Les patients traités avec des SERM ont été utilisés comme groupe de référence, car il a été démontré que ces médicaments avaient un effet neutre sur la mortalité selon les auteurs. Après ajustement, tous les médicaments ont des risques de décès significativement plus faibles au cours du suivi que le raloxifène et le bazédoxifène.

    Dans le groupe sur l’ensemble des fractures, l'alendronate et le risedronate sont associés à un rapport de risque (RR) de mortalité post-fracture de 0,83 ; IC à 95%, 0,79-0,88, le dénosumab (RR 0,86 ; IC à 95%, 0,81-0,91) et l'acide zolédronique (RR 0,78 ; IC à 95%, 0,73-0,84) par rapport au raloxifène et au bazédoxifène.

    Des tendances similaires sont observées dans les sous-groupes des différentes fractures : fractures de la hanche, fractures vertébrales ou fractures non liées à la hanche et non vertébrales. Les patients recevant de l'acide zolédronique, le bisphosphonate qui a une longue durée d'action, ont la mortalité la plus faible dans la sous-analyse en fonction du sexe ou de l'âge (plus de 65 ans). Le risque de mortalité est plus faible chez les femmes que chez les hommes.

    Une très large étude nationale bien documentée

    Cette étude longitudinale de cohorte après fracture ostéoporotique est basée sur l’ensemble de la population de Taïwan. Elle a inclus des mégadonnées de sujets âgés de 40 ans et plus, ayant eu une fracture ostéoporotique et ayant pris des anti-ostéoporotiques, tels que ceux enregistrés dans la base de données nationale de recherche sur l'assurance maladie taïwanaise, de 2009 à 2017.

    Une analyse multivariée selon le modèle de Cox, avec intégration du biais temporel immortel, a été utilisée pour évaluer la relation entre les sites de fracture et la mortalité, analyse qui a été stratifiée par médicament anti-ostéoporotique.

    Entre 2009 et 2017, 219 461 personnes ont reçu un nouveau diagnostic de fracture ostéoporotique. Parmi elles, 46 729 étaient âgées de 40 ans et plus et s'étaient vu prescrire au moins un médicament contre l'ostéoporose.

    Les participants avaient un âge moyen de 74,5 ans, étaient à 80% des femmes et 32% d'entre eux sont décédés au cours d'un suivi moyen de 4,7 ans. Les médicaments anti-ostéoporotiques les plus couramment utilisés étaient les bisphosphonates (alendronate ou risédronate), suivis par le dénosumab (anti-RANK antirésorbeur) et les modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes (SERM), le raloxifène ou le bazédoxifène, administrés quotidiennement par voie orale.

    Des facteurs explicatifs non-osseux

    Selon un éditorial associé, il est rappelé que dans l'essai pivot du zolédronate chez des patients souffrant d'une fracture de la hanche, non seulement le nombre de fractures a été inférieur chez les patients traités par rapport au groupe placebo, mais le nombre de décès a également été inférieur. Même si la fracture de la hanche chez les personnes âgées est clairement associée à une mortalité accrue, la diminution de la mortalité chez les patients traités par zolédronate était due à des facteurs autres que la prévention d'une deuxième fracture. Ces données, ainsi que d'autres, ont conduit à l'hypothèse que les médicaments contre l'ostéoporose, en particulier les bisphosphonates, pourraient avoir des effets autres que celui sur l’os (effets « pléïotropiques »).

    Cependant, d’autres auteurs, dont Cummings et al, ont rapporté que les bisphosphonates ne seraient pas associés à une baisse de la mortalité, bien que les auteurs aient suggéré que l'acide zolédronique nécessitait une étude plus approfondie pour déterminer s'il pouvait réduire la mortalité. Les essais randomisés ont souvent des critères d'inclusion et d'exclusion restrictifs, et ils peuvent recruter en priorité des patients un peu plus jeunes, de sorte que le patient ostéoporotique habituel en pratique quotidienne pourrait ne pas être inclus. Ainsi, les résultats des essais cliniques peuvent ne pas refléter ce qui se passe dans un contexte clinique normal.

    Un rapport bénéfice-risque encore meilleur

    Les patients ont été rendus très prudents suite à différentes publications sur les effets secondaires inhabituels, en particulier des traitements prolongés avec les anti-ostéoporotiques antirésorptifs, c’est-à-dire les rares effets à type d’ostéonécrose de la mâchoire et de fracture fémorale atypique, qui ne surviennent pourtant que dans environ 1 cas pour 10 000 années-patients.

    Les études observationnelles, malgré leurs limites bien connues, permettent d'évaluer un plus grand nombre de patients, plus représentatif de la population réelle, et qui peuvent être suivis pendant des périodes beaucoup plus longues.  

    Selon l'éditorial, ces résultats sur la survie, au-delà du bénéfice fracturaire, et provenant d'une très bonne base de données peuvent être utiles pour discuter avec un patient ostéoporotique des avantages et des inconvénients de la prise des traitements anti-ostéoporotiques.

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    JDF