Cardiologie

Statines et douleurs musculaires : plus de 9 myalgies sur 10 liées à une autre cause

De nombreux patients arrêtent de prendre leur traitement par statines en raison de douleurs musculaires, mais les statines n'en sont pas la cause dans l’immense majorité des cas. Il est temps de mieux informer et mieux accompagner ces patients... et de soulager leurs myalgies.

  • Shidlovski/istock
  • 30 Aoû 2022
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    Le traitement par statines est très efficace pour la prévention des complications cardiovasculaires d’origine athérosclérotique et est, de ce fait, largement prescrit… mais pas pris : de nombreux patients arrêtent les statines en raison de douleurs musculaires, qui leurs sont attribuées en tant qu’effets secondaires, en particulier sur les réseaux sociaux.

    Cependant, pour plus de 90% des patients sous statine avec des douleurs musculaires, la statine n'est pas la cause de la myalgie, selon une méta-analyse publiée dans The Lancet et présentée au congrès de la Société européenne de cardiologie, ESC 2022.

    1 myalgie sur 15 réellement due à la statine

    Parmi les 19 essais contrôlés versus placebo (âge moyen de 63 ans, 27,9% de femmes, 48,1% de maladie cardiovasculaire pré-exitante et 18,5% de diabétiques), au cours d'un suivi médian moyen de 4 à 3 ans, 16 835 (27,1%) personnes traitées par statine contre 16 446 (26,6%) personnes traitées par placebo ont rapporté des douleurs ou des faiblesses musculaires (RR 1,03 ; IC à 95% 1,01-1,06).

    Au cours de la première année, le traitement par statine entraînerait une augmentation relative de 7% des douleurs ou faiblesses musculaires (1,07 ; 1,04-1-10), ce qui correspond à un taux d'excès absolu de 11 événements pour 1 000 personnes-années, et indique que seule une douleur musculaire sur 15, affectée par les participants à la statine, était réellement dû à cette molécule très efficace.

    Réduction de l’incidence après 1 an

    Après la première année, il n'y a pas d'excès significatif de douleur ou de faiblesse musculaire (0,99 ; 0,96-1,02). Pour toutes les années combinées, les traitements par statines plus intensifs (c'est-à-dire 40-80 mg d'atorvastatine ou 20-40 mg de rosuvastatine une fois par jour) ont donné un RR plus élevé que les traitements moins intensifs ou d'intensité modérée (1,08 [1,04-1,13] contre 1,03 [1,00-1,05]) par rapport au placebo, et un léger excès est présent (1,05 [0,99-1,12]) pour les traitements plus intensifs après la première année.

    Il n'y avait pas de preuve évidente que le RR diffère pour différentes statines ou dans différentes circonstances cliniques.

    Large méta-analyse sur données individuelles

    L'équipe de recherche a abordé cette question par le biais d'une méta-analyse directement sur les données individuelles des patients de ces études, portant sur tous les événements musculaires indésirables enregistrés dans le cadre de vastes essais à long terme, randomisés et en double aveugle, sur le traitement par statine.

    Les essais randomisés sur le traitement par statine étaient éligibles s'ils avaient recruté au moins 1000 patients avec une durée de traitement prévue d'au moins 2 ans, et comprenait une comparaison en double aveugle de la statine contre le placebo ou d'un traitement par statine intensif contre un traitement moins intensif.

    Au final, les chercheurs ont analysé les données individuelles des participants de 19 essais en double aveugle de statines contre placebo (n=123 940) et de quatre essais en double aveugle d'un traitement par statines plus intensif contre un régime moins intensif (n=30 724).

    La statine innocente dans 90% des cas

    Au final, le traitement par statine a provoqué un très faible excès de douleurs musculaires, généralement légères. La plupart (> 90%) de tous les symptômes musculaires n'étaient pas dus à la statine. De plus, les faibles risques de symptômes musculaires sont bien inférieurs aux bénéfices cardiovasculaires démontré. Par contre, du fait que les malades arrêtent ces traitements indispensables si rien n’est fait, il est nécessaire de mieux prendre en charge les patients qui signalent des douleurs musculaires lorsqu'ils prennent une statine, de mieux les explorer… et de les soulager.

    Le 2ème aspect, tout aussi indispensable est que les informations mises à la disposition des patients doivent être clarifiées et renforcées, que ce soit dans les notices de la boite ou ailleurs, car ces malades sous soumis à un bombardement permanent d’infos négatives contre les statines sur les réseaux sociaux, essentiellement afin de leurs vendre diverses poudres de perlimpinpin ou des aliments miraculeux comme les levures de riz rouge. La guerre de l’info santé cache le plus souvent un business que de nombreux médecins ont tendance à oublier. Cela doit changer.

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    JDF