Nutrition

Multivitamines : le plus souvent sans intérêt et plutôt contre-productives

En dehors de la femme enceinte et de pathologies particulières, la supplémentation multi-vitaminique, très en vogue aux États-Unis et dans les pays développés, n’a pas d’intérêt en prévention cardiovasculaire ou contre le cancer. Elle serait même contre-productive en ce sens qu’elle détournerait l’attention d’une alimentation saine.

  • Yakobchuk/istock
  • 21 Jun 2022
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    Plus de la moitié des adultes américains prennent des compléments alimentaires selon la dernière grande enquête alimentaire nationale NHANES, et l'utilisation des compléments alimentaire devrait encore augmenter dans ce pays. Il s'agit d'un marché de plusieurs milliards de dollars en pleine expansion, avec un martelage publicitaire qui pourrait être néfaste dans la mesure où il éloigne la population des objectifs de consommation d’une alimentation équilibrée.

    La plupart des gens considèrent en effet les compléments comme des produits préventifs bénins, chargé de compenser les déséquilibres de leur alimentation. De plus, aux États-Unis, les compléments alimentaires sont relativement peu réglementés et les allégations de santé n'ont pas été évaluées par la Food and Drug Administration, l’autorité de santé américaine.

    Pas de bénéfice à une supplémentation systématique

    Chez les adultes en bonne santé, et en dehors des femmes enceintes, l'US Preventive Services Task Force (USPSTF), l’organisme gouvernemental chargé des recommandations a mis à jour celle concernant l'utilisation de compléments alimentaires pour prévenir les maladies cardiovasculaires ou le cancer. Cette recommandation mise à jour est basée sur une nouvelle analyse scientifique et une revue systématique de la littérature, publiés dans le JAMA, de 84 études, dont 52 nouvelles études depuis la dernière recommandation de l'USPSTF sur ce sujet en 2014.

    L'USPSTF conclut que : « les preuves actuelles sont insuffisantes pour évaluer le rapport bénéfice-risque de l'utilisation de suppléments multivitaminés, de suppléments simples ou de la plupart des suppléments appariés pour la prévention des maladies cardiovasculaires ou du cancer » (déclaration I).

    Les bêta-carotènes plutôt délétères

    L'USPSTF recommande spécifiquement de ne pas utiliser de suppléments à base de bêta-carotène pour la prévention des maladies cardiovasculaires ou du cancer (recommandation D) en raison d'une augmentation possible du risque de mortalité, de mortalité cardiovasculaire et de cancer du poumon.

    L'USPSTF déconseille également spécifiquement l'utilisation de suppléments de vitamine E pour la prévention des maladies cardiovasculaires ou du cancer (recommandation D), car cette vitamine n'a probablement aucun avantage net en termes de réduction de la mortalité, des maladies cardiovasculaires ou du cancer.

    Exception pour la femme enceinte

    Il est important de noter que les recommandations actuelles de l'USPSTF ne s'appliquent pas à la prise en charge pré-conceptionnelle ou celle de la grossesse. Le groupe de travail recommande toujours que toutes les personnes planifiant une grossesse prennent 0,4 à 0,8 mg d'acide folique par jour.

    Par contre, les avantages potentiels d'une supplémentation multivitaminique dans la prévention des complications cardiovasculaires de la grossesse (par exemple, la pré-éclampsie) associées au risque à long terme de maladie cardiovasculaire ne sont pas sous-tendu par des données scientifiques fiables.

    Différence entre alimentation et supplémentation

    En théorie, les vitamines et les sels minéraux ont des effets antioxydants et anti-inflammatoires qui devraient diminuer le développement des maladies cardiovasculaires et du cancer puisque la consommation de fruits et de légumes est associée à une diminution de ces risques. Les vitamines et les sels minéraux clés étant extraits des fruits et des légumes et conditionnés sous forme de pilules, il était tentant de penser que les gens pourraient éviter les contraintes et les dépenses liées à une alimentation équilibrée avec une sorte « d’antidote ».

    Cependant, les fruits et légumes entiers contiennent un mélange de vitamines, d'éléments phytochimiques, de fibres et d'autres nutriments qui agissent probablement en synergie pour offrir des bénéfices pour la santé. Les micronutriments pris isolément peuvent agir différemment dans l'organisme que lorsqu'ils sont naturellement inclus dans les aliments avec une foule d'autres composants alimentaires.

    Garder en tête les priorités de santé publique

    Selon un éditorial associé à la publication, au-delà du gaspillage d'argent, l'accent mis par la publicité sur les compléments alimentaires financée par l’industrie peut être considérée comme une distraction potentiellement dangereuse vis-à-vis des vraies priorités de santé publique.

    Plutôt que de consacrer de l'argent, du temps et de l'attention aux compléments alimentaires, il serait préférable de mettre l'accent sur une alimentation et un mode de vie sains et plus bénéfiques.

    Les efforts individuels et les priorités de santé publique et des politiques publiques devraient être axés sur le soutien aux personnes pour suivre un régime alimentaire sain, faire de l'exercice physique, maintenir un poids normal et éviter de fumer. Il n’y a pas d’antidote miracle ou de pilule permettant de compenser un mode de vie qui n’est pas sain.

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    JDF